Vu la procédure suivante :
M.A..., faisant l'objet de poursuites devant la juridiction disciplinaire de l'ordre des pharmaciens sur plainte du directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, a produit un mémoire, enregistré le 3 mars 2015 au greffe de la chambre de discipline du conseil de Rhône-Alpes de cet ordre professionnel, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une décision n° 863 QPC du 26 mars 2015, enregistrée le 31 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de discipline du conseil de l'ordre des pharmaciens de Rhône-Alpes a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 4232-6 du code de la santé publique.
Dans le mémoire transmis au Conseil d'Etat, M. A...soutient que l'article L. 4232-6 du code de la santé publique, applicable au litige, méconnaît les principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles.
Par un mémoire enregistré le 5 mai 2015, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que les dispositions du 2° de l'article L. 4232-6 du code de la santé publique ne sont pas applicables au litige.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Leïla Derouich, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que la question transmise au Conseil d'Etat a trait au 2° de l'article L. 4232-6 du code de la santé publique, qui dispose que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens comprend " un pharmacien représentant, à titre consultatif, le directeur général de l'agence régionale de santé " ; que M. A...soutient que ces dispositions, en ce qu'elles prévoient la présence au sein de la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens, fût-ce avec voix consultative, d'un membre siégeant en qualité de représentant du directeur de l'agence régionale de santé, portent atteinte au principe d'indépendance des juridictions, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant, toutefois, que l'article L. 4234-10 du même code dispose que : " Lorsque les différents conseils statuent en matière disciplinaire sur saisine du ministre chargé de la santé ou du directeur général de l'agence régionale de santé, les représentants de l'Etat mentionnés aux articles L. 4231-4 et L. 4232-6 à L. 4232-15 ne siègent pas dans ces instances " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 1431-2 et L. 1432-2 du même code, le directeur général de l'agence régionale de santé agit au nom de l'Etat lorsqu'il saisit la juridiction disciplinaire ; que, par suite, son représentant au sein du conseil régional de l'ordre des pharmaciens doit être regardé comme un représentant de l'Etat au sens des dispositions de l'article L. 4234-10 ; que M. A... faisant l'objet de poursuites disciplinaires sur plainte du directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, ces dispositions font obstacle à ce que le représentant de cette autorité siège au sein de la chambre de discipline du conseil régional lors de l'examen de l'affaire ; qu'il suit de là que les dispositions du 2° de l'article L. 4232-6 ne sont pas applicables au litige dont la chambre de discipline du conseil de l'ordre des pharmaciens de Rhône-Alpes est saisie ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.