Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Banque AIG SA a demandé au juge de l'impôt, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie, au titre des exercices clos de 2001 à 2002 et de 2004 à 2007, à raison de la rectification des dotations en capital qu'elle avait attribuées à sa succursale japonaise, d'autre part, le rétablissement de son déficit reportable afférent à l'exercice clos en 2008, dans une mesure correspondant à l'abandon de la même rectification.
Par un jugement n° 0709153 du 14 juin 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande, s'agissant des exercices clos en 2001 et 2002. Par les articles 1er et 2 de son arrêt n° 11VE03678 du 4 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé le ministre chargé du budget contre ce premier jugement.
Par un jugement n° 0914098 du 24 février 2011, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Banque AIG SA, s'agissant des exercices clos de 2004 à 2006. Par les articles 1er et 2 de son arrêt n° 11VE02265 du 4 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé le ministre chargé du budget contre ce deuxième jugement.
Par un jugement n° 1101826 du 20 juin 2012, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Banque AIG SA, s'agissant des exercices clos en 2007 et 2008. Par les articles 1er et 2 de son arrêt n° 11VE03136 du 4 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé le ministre chargé du budget contre ce troisième jugement.
Procédure devant le Conseil d'Etat
1) Par un pourvoi, enregistré sous le n° 369722, le 27 juin 2013, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre chargé du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 11VE03678 du 4 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles.
Il soutient que la cour a :
- méconnu les dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts et les stipulations du §2 de l'article 7 de la convention fiscale franco-japonaise, en jugeant que ces textes ne pouvaient légalement fonder les impositions litigieuses ;
- dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, pour écarter son moyen subsidiaire tiré de ce que l'administration fiscale avait régulièrement fait valoir, dans sa proposition de rectification et dans ses réponses aux observations de la société, que la dotation en capital faisant l'objet des rectifications litigieuses était constitutive d'un acte anormal de gestion.
2) Par un pourvoi, enregistré sous le n° 369724, le 27 juin 2013, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre chargé du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 11VE02265 du 4 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles, par les mêmes moyens que ceux soulevés à l'appui du pourvoi n° 369722.
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3) Par un pourvoi, enregistré sous le n° 369725, le 27 juin 2013, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre chargé du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 11VE03136 du 4 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles, par les mêmes moyens que ceux soulevés à l'appui du pourvoi n° 369722.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signée le 3 mars 1995 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bénabent, Jehannin, avocat de la société AIG Management France SA ;
1. Considérant que l'article 209 du code général des impôts dispose : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-japonaise du 3 mars 1995 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. / 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable. / 3. Pour déterminer les bénéfices d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés, soit dans l'Etat où est situé cet établissement stables, soit ailleurs (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Banque AIG SA, établissement bancaire de droit français, a créé au Japon une succursale ; qu'à l'issue de trois vérifications de la comptabilité de cette société portant, respectivement, sur les exercices clos de 2001 à 2002, de 2004 à 2006 et de 2007 à 2008, l'administration fiscale a estimé, au regard notamment des règles prudentielles édictées par la réglementation japonaise, que cette succursale avait été dotée par le siège français de fonds propres excédant ceux qu'aurait exigé l'exercice de son activité dans des conditions concurrentielles normales et en toute indépendance de son siège, au sens des stipulations du 2 de l'article 7 de la convention fiscale franco-japonaise ; que l'administration fiscale a alors considéré que le siège français avait, de ce fait, indûment renoncé à percevoir les produits financiers correspondant à la fraction de cette dotation jugée excessive ; que le vérificateur a ainsi intégré ces produits aux bénéfices réalisés par la société dans ses entreprises exploitées en France, sur le fondement des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, puis établi, de ce chef, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt, mises à la charge de la société au titre de chacun des exercices vérifiés et bénéficiaires ; que, s'agissant de l'exercice clos en 2008, seul déficitaire, l'administration a réduit pour le même motif le montant du déficit reportable engendré par l'activité de la société contribuable ; que cette dernière, devenue société AIG Management France SA, a demandé au juge de l'impôt à être déchargée de ces suppléments d'imposition et rétablie dans son déficit reportable au titre de l'exercice 2008 à concurrence des produits ainsi réintégrés dans ses bénéfices ; que ces conclusions ont été accueillies par les tribunaux administratifs de Montreuil et de Cergy-Pontoise statuant respectivement, chacun en ce qui le concerne, par deux jugements des 24 février 2011 et 20 juin 2012 et par un jugement du 14 juin 2011 ; que le ministre en charge du budget a relevé appel de ces trois jugements ; qu'il se pourvoit en cassation contre les articles 1er et 2 des trois arrêts par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté ses recours ; que ces pourvois présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la portée des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, combinées aux stipulations du 2 de l'article 7 de la convention fiscale bilatérale :
En ce qui concerne la loi fiscale française :
3. Considérant que ni les termes déjà cités du I de l'article 209 du code général des impôts, ni les règles mentionnées par ces termes et fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis du même code n'autorisaient l'administration fiscale, dans le cadre de son pouvoir de contrôle des déclarations de résultats de la société contribuable, à apprécier, notamment, le choix opéré par le siège de la société de financer l'activité de sa succursale étrangère en lui apportant des fonds propres, plutôt qu'en la laissant recourir à l'emprunt ni à en tirer, le cas échéant, de quelconques conséquences fiscales sur les bénéfices réalisés par cette société dans ses entreprises exploitées en France, sauf, le cas échéant, à établir qu'un tel apport constituait, dans les circonstances de l'espèce, un acte anormal de gestion ;
En ce qui concerne la convention fiscale franco-japonaise :
4. Considérant que les stipulations citées ci-dessus du 1 de l'article 7 de la convention fiscale franco-japonaise ont pour objet et pour effet d'attribuer à l'Etat du lieu de la succursale le pouvoir d'imposer les bénéfices imputables à l'exploitation de celle-ci ; que, pour interpréter les stipulations du 2 du même article, il n'y a pas lieu de se référer aux commentaires formulés par le comité fiscal de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) sur l'article 7 de la convention-modèle établie par cette organisation, dès lors que ces commentaires sont postérieurs à l'adoption des stipulations en cause ; que ces dernières stipulations doivent s'entendre comme autorisant l'Etat du lieu de la succursale à imputer à cette dernière les bénéfices que l'intéressée aurait réalisés si, au lieu de traiter avec le reste de l'entreprise, elle avait traité avec des entreprises distinctes aux conditions et aux prix du marché ordinaire ; qu'en revanche, ces stipulations n'ont pas pour objet ni, par suite, pour effet de permettre à l'un ou l'autre Etat partie d'imputer à la succursale les bénéfices qui seraient résultés de l'apport à l'intéressée de fonds propres d'un montant différent de celui qui, inscrit dans les écritures comptables produites par le contribuable, retrace fidèlement les prélèvements et apports réalisés entre les différentes entités de l'entreprise ; qu'en particulier, l'administration fiscale de l'Etat du siège ne saurait, sur ce fondement, substituer à ce dernier montant le montant minimal des fonds propres dont la succursale aurait dû être dotée pour ne pas méconnaître la réglementation localement applicable, si elle avait joui de la personnalité morale, au regard, notamment, de l'encours des risques auxquelles elle était exposée ; que, par suite, ces stipulations n'ont pas davantage pour effet de permettre à l'administration fiscale de l'Etat du siège d'attribuer à ce dernier le bénéfice qui serait résulté de l'apport à sa succursale d'une dotation en fonds propres égale à ce montant minimal ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en relevant, tout d'abord, que les rectifications en litige ne consistaient pas à rattacher des produits ou des charges selon le lieu d'exploitation de l'activité correspondante mais procédaient de la considération que la société Banque AIG SA avait renoncé à des recettes qui, si elles avaient été réalisées, auraient été imposables en France puis en déduisant de cette constatation que le principe de territorialité, découlant des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts combinées aux stipulations du 2 de l'article 7 de la convention fiscale franco-japonaise, ne pouvait légalement fonder ces rectifications, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit ;
Sur la base légale présentée à titre subsidiaire par l'administration fiscale devant les juges d'appel :
6. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter la demande de substitution de base légale présentée par l'administration fiscale et tirée de ce que cette dernière aurait implicitement mais nécessairement fondé les rectifications en litige sur l'existence d'un acte anormal de gestion, la cour a estimé que les circonstances de fait et de droit relevées par les services fiscaux pour fonder l'impôt, dans leurs propositions de rectification et les réponses qu'ils avaient apportées aux observations du contribuable, ne permettaient pas de considérer que l'administration ait entendu se prévaloir, au cours de la procédure d'imposition, de l'absence d'intérêt de la société Banque AIG SA à procéder aux dotations en capital litigieuses ; qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas, contrairement à ce que soutient le ministre, dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du budget n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 des arrêts qu'il attaque ;
Sur les conclusions présentées par la société AIG Management France SA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 6 000 euros à verser à la société AIG Management France SA, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle dans les trois instances engagées devant le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois n°s 369722, 369724 et 369725 du ministre chargé du budget sont rejetés.
Article 2 : L'Etat versera à la société AIG Management France SA une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société AIG Management France SA.