La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2015 | FRANCE | N°367922

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 11 juin 2015, 367922


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 24 février 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration refusant de lui délivrer un visa en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un jugement nos 11-3951 et 11-7322 du 29 février 2012 le tribunal administratif de Nantes a annulé les deux décisions litigieuses.

Par un arrêt nos 1

2NT01134, 12NT01146 du 16 novembre 2012, la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 24 février 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration refusant de lui délivrer un visa en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un jugement nos 11-3951 et 11-7322 du 29 février 2012 le tribunal administratif de Nantes a annulé les deux décisions litigieuses.

Par un arrêt nos 12NT01134, 12NT01146 du 16 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur le recours du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, annulé ce jugement du tribunal administratif de Nantes et rejeté les demandes présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 19 avril 2013, 19 juillet 2013 et 26 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt nos 12NT01134, 12NT01146 du 16 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des Nations-Unies ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public " ; qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; qu'elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public ; qu'elles peuvent, sur un tel fondement, opposer un refus aux demandeurs ayant été impliqués dans des crimes graves contre les personnes et dont la venue en France, eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause ou au retentissement de leur présence sur le territoire national, serait de nature à porter atteinte à l'ordre public ;

2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par un jugement du 29 février 2012, le tribunal administratif de Nantes a annulé pour excès de pouvoir, les décisions refusant à M.B..., ancien général de l'armée rwandaise, un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, qui lui avaient été opposées successivement, sur le fondement des dispositions précitées, par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France le 24 février 2011 et par le ministre de l'intérieur le 4 juillet 2011, au motif que sa présence en France présentait un risque grave pour l'ordre public et aurait des conséquences pour les relations internationales de la France ; que, par un arrêt du 16 novembre 2012, contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande de l'intéressé ;

3. Considérant que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient que la présence de l'intéressé sur le territoire français soit regardée comme pouvant constituer une menace pour l'ordre public, sous réserve du contrôle qu'exerce le juge de l'excès de pouvoir ; que ces principes s'appliquent également aux décisions juridictionnelles rendues par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) créé par le Conseil de sécurité des Nations unies pour juger les personnes coupables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire de ce pays et d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que c'est sans entacher son arrêt d'erreur de droit que la cour a estimé que le jugement de relaxe du TPIR ne faisait pas par lui-même obstacle à ce que l'autorité compétente puisse estimer, après s'être livrée à une appréciation propre des faits de l'espèce, que l'intéressé constituerait une menace pour l'ordre public ;

5. Considérant qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas non plus méconnu la règle énoncée à l'article 9 des statuts du TPIR selon laquelle nul ne peut être traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves violations du droit international humanitaire au sens du présent statut s'il a déjà été jugé pour les mêmes faits par le TPIR, qui interdit seulement au juge pénal national de statuer à nouveau sur la culpabilité de la personne poursuivie au regard des règles du droit pénal ;

6. Considérant que la cour administrative d'appel de Nantes a relevé que, si M. B... a été acquitté par le TPIR, au motif que ce tribunal n'avait été en mesure d'établir, " au-delà de tout doute raisonnable ", ni la nature exacte de l'autorité de commandement exercée par l'intéressé, ni sa participation directe à des exactions contre la population civile, il ressort notamment de la décision de ce tribunal que l'intéressé a cependant occupé des postes de commandement des opérations militaires au sein des Forces armées rwandaises (FAR) entre 1993 et 1994, période au cours de laquelle des massacres de populations civiles tutsies et d'opposants hutus ont été perpétrés, que, si la participation directe de M. B...à des massacres de civils n'a pas été établie, il n'est pas davantage établi qu'il aurait agi pour prévenir ou atténuer ces massacres dont il ne pouvait ignorer l'existence, compte tenu de la nature de ses fonctions et, qu'après 1994, M. B...a été commandant adjoint du Haut Commandement des FAR constituées en exil et membre du Mouvement pour le retour des réfugiés et la démocratie au Rwanda, marquant ainsi son attachement à l'ancien gouvernement ; qu'elle en a déduit que l'intéressé devait être regardé, eu égard à ces circonstances, comme ayant été impliqué dans des crimes graves contre les personnes ; qu'en statuant ainsi, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier, qui est exempte de dénaturation ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 367922
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2015, n° 367922
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Xavier De Lesquen
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:367922.20150611
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award