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10/06/2015 | FRANCE | N°380810

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 10 juin 2015, 380810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Les Hauts de Martignas a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux :

- de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 février 2014 par lequel le maire de Martignas-sur-Jalle (Gironde) a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire déposée le 27 novembre 2013 pour la construction d'un ensemble de 80 logements individuels et collectifs et leurs annexes ;

- d'enjoindre à la commune de Martignas-sur-Jalle d'instruire à nouveau sa demande, su

r le fondement des dispositions en vigueur au 24 février 2014, dans un délai de quinze jour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Les Hauts de Martignas a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux :

- de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 février 2014 par lequel le maire de Martignas-sur-Jalle (Gironde) a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire déposée le 27 novembre 2013 pour la construction d'un ensemble de 80 logements individuels et collectifs et leurs annexes ;

- d'enjoindre à la commune de Martignas-sur-Jalle d'instruire à nouveau sa demande, sur le fondement des dispositions en vigueur au 24 février 2014, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jours de retard.

Par une ordonnance n° 1401600 du 15 mai 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai 2014, 16 juin 2014 et 16 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Hauts de Martignas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 15 mai 2014 ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Martignas-sur-Jalle la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Les Hauts de Martignas, et à la SCP Boulloche, avocat de la commune de Martignas-sur-Jalle ;

Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative dispose que : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Le dernier alinéa de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, auquel se réfère l'article L. 111-7 du même code, prévoit que : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par la commune de Martignas-sur-Jalle :

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Les Hauts de Martignas a présenté une demande de permis de construire pour un ensemble de quatre-vingts logements individuels et collectifs sur une parcelle située avenue du colonel Bourgoin, à laquelle la commune de Martignas-sur-Jalle a opposé, par l'arrêté litigieux, un sursis à statuer pour une durée de deux ans, compte tenu de la révision du plan local d'urbanisme de la commune engagée en vue de son intégration dans celui de la communauté urbaine de Bordeaux. Si, par un arrêté du 9 février 2015, postérieur à l'introduction du pourvoi de la société Les Hauts de Martignas, le maire de la commune de Martignas-sur-Jalle a accordé à cette société un permis de construire portant sur le même terrain et autorisant également l'édification de quatre-vingts logements, ce permis autorise un projet différent de celui sur lequel porte la demande initiale, à laquelle a été opposé le sursis à statuer litigieux. Par suite, contrairement à ce que soutient la commune, la délivrance de ce permis de construire n'a pas privé d'objet le pourvoi de la société Les Hauts de Martignas.

Sur le pourvoi de la société Les Hauts de Martignas :

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, pour justifier de l'urgence à suspendre la décision de sursis litigieuse, la société Les Hauts de Martignas se prévalait de ses liens avec son unique actionnaire, la SAS Ranchère, et faisait valoir, en produisant un courrier de son expert-comptable, que l'équilibre financier de cette société, qui était propriétaire du terrain d'assiette du projet et avait exposé des dépenses importantes à cette fin, était désormais menacé, compte tenu de l'importance des emprunts contractés, par le retard apporté à la réalisation du programme projeté. En estimant que la SAS Ranchère ne supporterait de pertes qu'à concurrence de 10 000 euros, montant de son apport dans sa filiale, alors que la décision de sursis à statuer avait également des conséquences directes sur ses propres produits, compte tenu du montage de l'opération, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il suit de là que la société Les Hauts de Martignas est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. Ce motif suffisant à entraîner l'annulation demandée, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Les Hauts de Martignas, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur l'urgence :

6. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. La décision par laquelle l'autorité compétente sursoit à statuer sur une demande de permis de construire, en application des articles L. 111-7 et L. 123-6 du code de l'urbanisme, afin d'éviter que le projet envisagé ne compromette ou ne rende plus onéreuse l'exécution d'un futur plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, ne crée une situation d'urgence que si le requérant justifie, en invoquant des circonstances particulières, que cette décision affecte gravement sa situation.

7. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le maire de la commune de Martignas-sur-Jalle a accordé à la société Les Hauts de Martignas, par un arrêté du 9 février 2015, un permis l'autorisant à construire quatre-vingts logements sur le terrain dont sa société mère est propriétaire avenue du colonel Bourgoin à Martignas-sur-Jalle. La société n'apporte aucun élément de nature à justifier que, dans ces conditions, le sursis à statuer opposé à sa première demande continuerait d'affecter gravement sa situation.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Les Hauts de Martignas, qui, à la date à laquelle il est statué par la présente décision, ne justifie pas d'une situation d'urgence, n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 février 2014 par lequel le maire de Martignas-sur-Jalle a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire déposée le 27 novembre 2013. L'une des conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension n'étant pas remplie, il n'est pas nécessaire de rechercher si la société requérante fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Martignas-sur-Jalle. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la société Les Hauts de Martignas au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 15 mai 2014 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Les Hauts de Martignas devant ce tribunal est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Les Hauts de Martignas et de la commune de Martignas-sur-Jalle présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Les Hauts de Martignas et à la commune de Martignas-sur-Jalle.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 380810
Date de la décision : 10/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2015, n° 380810
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:380810.20150610
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