Vu la procédure suivante :
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Nice, sur le fondement de sa décision du 8 octobre 2014 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. B...A....
Par un jugement n° 1404397 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nice, d'une part, a déclaré M. A...inéligible à toutes les élections pour une durée de dix-huit mois à compter de la date à laquelle le jugement deviendra définitif, l'a déclaré démissionnaire d'office de ses mandats de conseiller municipal et communautaire, d'autre part, a proclamé élu conseiller municipal de la commune de Grasse le candidat inscrit sur la liste conduite par M.A... immédiatement après le dernier élu de cette liste, et a proclamé élu conseiller communautaire de la communauté d'agglomération du Pays de Grasse le candidat de même sexe élu conseiller municipal suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseillers communautaires sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu.
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement et de décider qu'il n'y a pas lieu de prononcer son inéligibilité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Déderen, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
1. Considérant que, par décision du 8 octobre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Grasse (Alpes-Maritimes) au motif que le candidat avait omis volontairement de faire figurer plusieurs dépenses dans son compte de campagne ; que, saisi par cette commission en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 23 décembre 2014 dont M. A...relève appel, a déclaré celui-ci inéligible à toutes les élections pour une durée de dix-huit mois à compter de la date à laquelle ce jugement sera définitif, l'a déclaré démissionnaire d'office de ses mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire et a proclamé élu les suivants de liste ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée " le mandataire financier ". Un même mandataire ne peut être commun à plusieurs candidats. / Le mandataire recueille, pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. / L'inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. " ;
4. Considérant que si, en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 118-3 mentionné ci-dessus, l'inéligibilité déclarée sur le fondement des premier à troisième alinéas de cet article " est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections ", la déclaration d'inéligibilité d'un candidat dont le compte de campagne a été rejeté est une simple faculté dont dispose le juge de l'élection, qui doit prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce pour apprécier si le manquement justifie que le candidat soit déclaré inéligible ; que pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de cette faculté, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...n'a pas fait figurer dans son compte de campagne de frais correspondant à certaines réunions publiques, ni de frais de déplacement et de téléphone ; qu'il résulte également de l'instruction que les dépenses directement acquittées par le candidat l'ont été pour l'organisation de collations légères à la suite de huit réunions publiques d'une ampleur limitée ou pour passer des appels téléphoniques dans le cadre de sa campagne électorale depuis son téléphone portable personnel ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des frais de déplacement ou de location de salle aient été effectivement engagés, ni qu'eu égard au montant peu élevé des dépenses correspondant aux frais de collation et de téléphone, tant en valeur absolue qu'en pourcentage du montant global des dépenses du compte de campagne et du plafond des dépenses autorisées, le manquement isolé et dépourvu de volonté délibérée, commis par le requérant, ait revêtu, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une particulière gravité requis par l'article 118-3 du code électoral ; que, par suite M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a déclaré inéligible pour une durée de dix-huit mois, l'a déclaré démissionnaire d'office de ses mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire et a proclamé élus les suivants de liste ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de déclarer M. A...inéligible en application de l'article L. 118-3 du code électoral.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.