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20/05/2015 | FRANCE | N°389314

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 mai 2015, 389314


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, l'association des conseils en propriété industrielle, l'association des praticiens du droit des marques et des modèles et l'association des praticiens européens des brevets demandent au juge des référés du Conseil d'État, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2014-1280 du 23 octobr

e 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe " silence vaut acce...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, l'association des conseils en propriété industrielle, l'association des praticiens du droit des marques et des modèles et l'association des praticiens européens des brevets demandent au juge des référés du Conseil d'État, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2014-1280 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe " silence vaut acceptation " sur le fondement du II de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- l'Institut national de la propriété industrielle, le Conseil supérieur de la propriété industrielle et la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle auraient dû être consultés avant l'adoption du décret litigieux ;

- le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour prendre ce décret ;

- le décret méconnaît le principe de sécurité juridique, les exigences de clarté, d'intelligibilité et de prévisibilité de la norme et le droit de propriété intellectuelle ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que le décret litigieux porte une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des demandeurs de titres de propriété industrielle ainsi qu'à l'intérêt public qui s'attache à la protection des droits de propriété intellectuelle.

Vu le décret dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ce décret ;

Par une intervention enregistrée le 13 avril 2015, l'association française des spécialistes en propriété industrielle de l'industrie demande que le Conseil d'État fasse droit aux conclusions des requérantes par les mêmes moyens que ces dernières.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2015, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, l'intervention du décret n° 2015-511 du 7 mai 2015 modifiant le code de la propriété intellectuelle rend le litige sans objet ;

- à titre subsidiaire, la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les dispositions contestées n'ont reçu aucun commencement d'exécution ; que les moyens des requérantes relatifs à la légalité du décret ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;

- le décret n° 2015-511 du 7 mai 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, l'association des conseils en propriété industrielle, l'association des praticiens du droit des marques et des modèles, l'association des praticiens européens des brevets et l'association française des spécialistes en propriété industrielle de l'industrie, d'autre part, le Premier ministre et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 mai 2015 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Thomas-Raquin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, de l'association des conseils en propriété industrielle, de l'association des praticiens du droit des marques et des modèles, de l'association des praticiens européens des brevets et de l'association française des spécialistes en propriété industrielle de l'industrie ;

-le représentant de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et autres ;

- les représentants du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant que l'association française des spécialistes en propriété industrielle de l'industrie a intérêt à la suspension du décret contesté ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et, s'agissant d'un acte réglementaire, en tenant compte de la nature et de l'importance des modifications qu'il apporte à l'état antérieur du droit ;

3. Considérant que le décret contesté dresse en annexe la liste des demandes sur lesquelles le silence de l'administration vaut rejet, ainsi que le délai au terme duquel la décision de rejet est acquise ; que les conclusions des requérantes doivent être interprétées comme tendant à la suspension de ce décret en tant qu'il concerne les demandes d'enregistrement de marques, les oppositions aux demandes d'enregistrement de marque, les déclarations de renouvellement de marques, les demandes de délivrance de brevets, les demandes d'enregistrement de dessins et modèles ainsi que les déclarations de prorogation de ces enregistrements, les demandes d'homologation d'indications géographiques industrielles ou artisanales et les demandes de certificats complémentaires de protection ;

Sur les dispositions relatives aux marques, aux brevets et aux dessins et modèles :

4. Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête, le décret n° 2015-511 du 7 mai 2015 a abrogé les dispositions du décret litigieux relatives aux demandes d'enregistrement de marques, aux oppositions aux demandes d'enregistrement de marque, aux déclarations de renouvellement de marques, aux demandes de délivrance de brevets, aux demandes d'enregistrement de dessins et modèles et aux déclarations de prorogation de ces enregistrements ; que, par suite, les conclusions tendant à la suspension de ces dispositions sont devenues sans objet ;

Sur les dispositions relatives aux indications géographiques et aux certificats complémentaires de protection :

5. Considérant que si la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a introduit au code de la propriété intellectuelle un article L. 721-2 créant les indications géographiques, aucun texte n'est encore venu définir la procédure d'instruction des demandes d'homologation de ces indications ; qu'en l'absence d'un tel texte, ne sont pas applicables les dispositions du décret contesté qui prévoient qu'en l'absence de réponse de l'administration, la demande d'homologation d'une indication géographique est implicitement rejetée à l'issue d'un délai de deux mois " avec possibilité de prorogation d'un mois supplémentaire " ; qu'ainsi, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ;

6. Considérant que le décret contesté prévoit qu'en l'absence de réponse de l'administration, les demandes de certificats complémentaires de protection sont implicitement rejetées à l'issue d'un délai d'un an ; que ces dispositions s'appliquant aux demandes présentées à compter du 12 novembre 2014, aucune décision implicite de rejet n'est susceptible de naître avant le 12 novembre 2015 ; que, dans ces conditions, les éléments invoqués par les requérantes à l'appui de leur demande de suspension ne sont pas de nature à constituer une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts qu'elles entendent défendre pour caractériser une situation d'urgence ;

7. Considérant ainsi qu'en l'absence d'urgence, les conclusions tendant à la suspension des dispositions relatives aux indications géographiques et aux certificats complémentaires de protection ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas perdant dans la présente instance, la somme que demandent les requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de l'association française des spécialistes en propriété industrielle de l'industrie est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la suspension des dispositions du décret litigieux relatives aux demandes d'enregistrement de marques, aux oppositions aux demandes d'enregistrement de marque, aux déclarations de renouvellement de marques, aux demandes de délivrance de brevets, aux demandes d'enregistrement de dessins et modèles et aux déclarations de prorogation de ces enregistrements.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, l'association des conseils en propriété industrielle, l'association des praticiens du droit des marques et des modèles, l'association des praticiens européens des brevets, au Premier ministre et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 389314
Date de la décision : 20/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2015, n° 389314
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:389314.20150520
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