Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 2 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Sabella demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions de l'instruction fiscale 4 C-232 du 30 octobre 1997 reprises aux sixième et septième alinéas du paragraphe 70 de l'instruction fiscale BOI-BIC-CHG-20-30-30-20120912 intitulée " BIC-Distinction entre éléments d'actif et charges - Dérogation aux principes généraux de détermination des actifs et décision de gestion - Dépenses de recherche et de développement, de conception de logiciels, de création de site internet et de brevets et marques développés en interne " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SAS Sabella ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 236 du code général des impôts : " I. Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique peuvent, au choix de l'entreprise, être immobilisées ou déduites des résultats de l'année ou de l'exercice au cours duquel elles ont été exposées. (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation " ; qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt " ;
2. Considérant que lorsqu'une entreprise opte pour l'immobilisation des dépenses de fonctionnement exposées dans des opérations de recherche scientifique ou technique en application du I de l'article 236 du code général des impôts, elle doit être regardée comme créant un élément d'actif incorporel ; qu'un élément d'actif incorporel ne peut, en vertu des dispositions de l'article 39 du même code citées au point 1, donner lieu à un compte d'amortissements que s'il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée ; que, sauf dispositions contraires, un nouvel actif incorporel créé ou acquis par l'entreprise n'est susceptible d'être amorti qu'à compter de la date où débute la consommation des avantages économiques qui lui sont attachés ; qu'en revanche, en cas d'échec du projet, les frais immobilisés doivent être immédiatement amortis, conformément aux règles fixées par le plan comptable général ; que, par suite, en prévoyant, au sixième alinéa du paragraphe 70 de l'instruction BOI-BIC-CHG-20-30-30 du 12 septembre 2012, qui, au demeurant, a été abrogé le 1er décembre 2014, que les dépenses de fonctionnement exposées dans des opérations de recherche scientifique ou technique doivent être amorties dès l'exercice au cours duquel elles ont été inscrites à l'actif du bilan, alors même que l'entreprise peut à cette date ne tirer aucun avantage économique des opérations concernées, le ministre ne s'est pas borné à expliciter la loi mais y a ajouté des dispositions nouvelles qu'aucun texte ne l'autorisait à édicter ; qu'en revanche, en prévoyant, au septième alinéa du même paragraphe, qu'en cas d'échec du projet de recherche, les frais correspondant inscrits à l'actif doivent être immédiatement amortis en totalité, il n'a pas ajouté à la loi fiscale des dispositions nouvelles ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Sabella est fondée à demander l'annulation du sixième alinéa du paragraphe 70 de l'instruction BOI-BIC-CHG-20-30-30 du 12 septembre 2012 ; que ses conclusions tendant à l'annulation du septième alinéa de ce paragraphe doivent, en revanche, être rejetées ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Sabella au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le sixième alinéa du paragraphe 70 de l'instruction BOI-BIC-CHG-20-30-30 du 12 septembre 2012 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à la société Sabella la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Sabella est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Sabella et au ministre des finances et des comptes publics.