La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2015 | FRANCE | N°373547

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 06 mai 2015, 373547


Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat à lui verser la quatrième fraction de l'indemnité d'éloignement qui lui a été attribuée.

Par un jugement n° 1100414 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 13BX02706 du 19 novembre 2013, enregistrée le 27 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code d

e justice administrative, le pourvoi, enregistré le 2 octobre 2013 au greffe de ...

Vu la procédure suivante :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat à lui verser la quatrième fraction de l'indemnité d'éloignement qui lui a été attribuée.

Par un jugement n° 1100414 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 13BX02706 du 19 novembre 2013, enregistrée le 27 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 2 octobre 2013 au greffe de cette cour, présenté par M. A...et dirigé contre ce jugement. Par ce pourvoi, par un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 5 septembre 2014 et 11 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 96-1027 du 26 novembre 1996 ;

- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer : " Pour faire face aux sujétions particulières inhérentes à l'exercice de la fonction publique dans les territoires d'outre mer, les fonctionnaires civils (...) recevront : (...) / 2° Une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour, accordée au personnel appelé à servir en dehors soit de la métropole, soit de son territoire, soit du pays ou territoire où il réside habituellement, qui sera déterminée pour chaque catégorie de cadres à un taux uniforme s'appliquant au traitement et majorée d'un supplément familial. Elle sera fonction de la durée du séjour et de l'éloignement et versée pour chaque séjour administratif, moitié avant le départ et moitié à l'issue du séjour (...) " ; que le décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement prévoit à son article 2, dans sa version applicable en l'espèce, que " le droit à l'indemnité est ouvert lors de l'affectation à Mayotte (...) à la condition que cette affectation entraîne pour l'agent concerné un déplacement effectif pour aller servir en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux " ;

2. Considérant, d'une part, que l'indemnité institué par les dispositions précitées est unique, même si son versement intervient en deux fois ; que, d'autre part, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ;

3. Considérant qu'en jugeant que M. A...ne tenait du versement de la première fraction de l'indemnité relative à sa deuxième affectation à Mayotte aucun droit au versement de la deuxième fraction, sans rechercher si le versement de cette première fraction ne résultait pas d'une décision explicite lui accordant l'indemnité et si, par voie de conséquence, le refus de lui verser la seconde fraction de cette indemnité unique n'était pas constitutif d'un retrait illégal de cette décision, le tribunal administratif de Mayotte a commis une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A...est dès lors fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que, par décision du 15 juin 2009, a été allouée à M. A... une somme représentative de la première fraction de l'indemnité relative à sa deuxième affectation à Mayotte ; que compte tenu de l'unicité de cette indemnité, cette décision doit être regardée comme ayant attribué à l'intéressé le bénéfice de l'indemnité au titre de cette deuxième affectation ; que la décision du 11 août 2011 par laquelle l'administration a refusé de lui verser la deuxième fraction de cette indemnité constitue donc un retrait de cette décision d'attribution, intervenu au-delà du délai de quatre mois suivant son édiction ; que le refus opposé à M. A...est donc entaché d'illégalité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 11 août 2011 lui refusant le versement de la deuxième fraction de son indemnité d'éloignement ; qu'il y a lieu d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au versement de cette deuxième fraction ; qu'il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Mayotte du 4 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La décision du 11 août 2011 refusant à M. A...le versement de la deuxième fraction de son indemnité d'éloignement est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au versement de la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement de M.A....

Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A...est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 373547
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2015, n° 373547
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:373547.20150506
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award