Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...A...a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'une contestation dirigée contre le recouvrement d'une somme de 1 450,96 euros en droits, majorations et frais mentionnée dans un avis à tiers détenteur émis le 6 octobre 2006 et correspondant aux cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée au titre de l'année 2004, d'autre part, de conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 062 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il estime avoir subis du fait de fautes commises dans le recouvrement de ces impositions. Par un jugement n° 0704124 du 25 novembre 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté l'ensemble de ces demandes.
M. A...a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Versailles. Par l'article 1er d'un arrêt n° 11VE00231 du 26 février 2013, la cour a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, d'une part, les conclusions relatives à la décision d'engager des poursuites, en tant qu'elles étaient motivées par l'irrégularité en la forme de l'avis à tiers détenteur, d'autre part, les conclusions indemnitaires, en tant que ces dernières étaient fondées sur l'absence d'envoi d'une lettre de rappel préalablement à l'émission de cet avis et sur le défaut de notification de l'avis au domicile de l'intéressé. Par l'article 2 du même arrêt, la cour a rejeté le surplus des conclusions d'appel de M.A....
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin 2013 et 19 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 11VE00231 du 26 février 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Campeaux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A...;
Considérant ce qui suit :
Sur le bien-fondé de l'arrêt, en tant qu'il statue sur la contestation dirigée contre la décision d'engager des poursuites :
1. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics (...) doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour contester le recouvrement de la somme de 1 450,96 euros mentionnée dans l'avis à tiers détenteur émis à son encontre le 6 octobre 2006 au titre de l'année 2004, M. A...a soutenu, devant les juges d'appel, que le montant de la dette d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée, en droits, majorations et frais, était erroné.
3. Il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que, pour écarter ce moyen, la cour a successivement relevé, d'une part, " qu'à la date du 14 avril 2006, M. A...restait redevable de la somme de 6 346,58 euros au titre de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée de l'année 2004, dont 935 euros de majorations et frais ", et d'autre part, qu'une fois intervenu l'encaissement par le Trésor d'un chèque émis par M. A...à concurrence de 5 996,69 euros, " la différence restant due après ce règlement s'élevait à 474,96 euros d'impositions principales (...), auxquelles s'ajoutaient 935 euros de majorations et frais ". En statuant ainsi, la cour a, ainsi que le soutient M.A..., entaché son arrêt de contradiction de motifs et d'inexactitude matérielle. Le contribuable est dès lors fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a rejeté sa contestation dirigée contre la décision d'engager des poursuites à son encontre, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi relatifs à cette contestation.
Sur le bien-fondé de l'arrêt, en tant qu'il statue sur les conclusions à fins indemnitaires :
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat, à raison des fautes commises par les services fiscaux dans le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il avait été assujetti au titre de l'année 2004, M. A... avait notamment fait valoir, en premier lieu, qu'un dysfonctionnement propre à ces services avait fait obstacle à l'exécution du prélèvement automatique à l'échéance du solde de ces impositions, et en second lieu, qu'une erreur avait affecté la détermination par ces services de la fraction de ces impositions dont il restait redevable à la date du 6 octobre 2006.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter ces conclusions indemnitaires, en tant qu'elles étaient fondées sur la première faute ainsi imputée aux services fiscaux, les juges d'appel ont relevé que le défaut d'exécution du prélèvement automatique à l'échéance, allégué par M.A..., avait déjà fait l'objet d'une indemnisation en vertu d'une décision de justice et que M. A...n'établissait pas l'aggravation du préjudice ainsi réparé. En retenant ce motif, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la décision de justice à laquelle la cour s'est référée portait sur un autre dysfonctionnement du même type ayant affecté le recouvrement des impositions dues par M. A...au titre d'une année antérieure à celle en litige devant elle, la cour a dénaturé les pièces de ce dossier.
6. Il ressort, en outre, des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions indemnitaires de M.A..., en tant cette fois qu'elles étaient fondées sur la seconde faute reprochée par le contribuable aux services fiscaux, la cour a jugé qu'il résultait des éléments de calcul déjà cités au point 3 que les sommes mentionnées sur l'avis à tiers détenteur en date du 6 octobre 2006 étaient justifiées dans leur montant. En statuant ainsi, les juges d'appel se sont fondés, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur des motifs contradictoires et matériellement inexacts.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A...est également fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions à fins indemnitaires.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur les conclusions en décharge de l'obligation de payer :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale :
9. Il résulte de l'instruction que, si l'administration fiscale fait valoir, devant le juge de l'impôt, le caractère tardif de la contestation formée par M.A..., elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations, contestées par le contribuable, selon lesquelles, d'une part, un premier acte de poursuite aurait été notifié à l'intéressé par voie de commandement décerné le 22 août 2006, et d'autre part, l'avis à tiers détenteur émis le 6 octobre 2006 aurait été régulièrement notifié au contribuable plus de deux mois avant l'introduction de sa contestation. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale doit être rejetée.
En ce qui concerne le montant des impositions dont M. A...reste redevable au titre de l'année 2004 :
10. Il est constant que M. A...a été assujetti, au titre de l'année 2004, à une cotisation d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée et qu'une fois déduits les acomptes provisionnels acquittés par l'intéressé au cours de l'année 2005, il restait redevable des sommes de 8 020 euros et 520 euros au titre, respectivement, de ces deux impositions.
11. Il résulte de l'instruction, en premier lieu, que les quatre avis à tiers détenteur émis par l'administration fiscale le 31 janvier 2006 et adressés aux caisses de retraite auxquelles était affilié M. A...ont permis l'appréhension, au titre de ces impositions, d'une somme totale de 2 068,35 euros et non de 1 673,42 euros, comme le soutiennent les services fiscaux, ni de 2 543,31 euros, comme indiqué par le contribuable, dont les calculs intègrent des sommes affectées au paiement d'impositions antérieures.
12. Il est constant, en deuxième lieu, que M. A...a procédé au versement, le 10 juin 2006, d'une somme de 5 996,69 euros. Il suit de là qu'à cette dernière date, M. A...n'était plus redevable que d'un solde en principal de 474,96 euros. Cette somme correspond, d'ailleurs, à la dette mentionnée par l'administration fiscale dans la lettre du 25 juillet 2006 qu'elle a adressée à l'intéressé.
13. En troisième lieu, en adressant cette lettre, aux termes de laquelle les services fiscaux invitaient le contribuable à payer cette même somme " aux fins de solder son compte fiscal 2004 ", l'administration doit être regardée, contrairement à ce que soutient M. A..., comme n'ayant entendu exclure l'application des majorations de 10% dues sur les impositions principales de 8 020 et 520 euros mentionnées au point 10 qu'à la condition que le règlement de ce solde intervînt dans les plus brefs délais.
14. En quatrième lieu, si M. A...soutient avoir réglé ce solde par un chèque émis le 18 août 2006, il ne rapporte la preuve ni de l'envoi ni, en tout état de cause, de l'encaissement de ce chèque. Dès lors, contrairement à ce qu'il soutient, l'administration fiscale était fondée à assortir les droits d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mentionnés au point 10 de majorations égales, respectivement, à 802 et 52 euros. Il suit de là que les dettes mentionnées sur l'avis à tiers détenteur émis le 6 octobre 2006 étaient justifiées dans leur montant, en tant qu'elles portaient sur les droits de 474,96 euros et les majorations de 854 euros mis à la charge de M.A....
15. Il résulte, en revanche, de l'instruction, en cinquième et dernier lieu, que le montant des frais de poursuite mentionné dans cet avis ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être tenu pour justifié, dès lors, notamment, qu'aucun des actes de poursuites versés au dossier ne dresse le détail de ces frais et que les différentes indications relatives à ces frais, mentionnées tant sur ces actes que dans les écritures de l'administration fiscale, ne sont pas concordantes.
16. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa contestation dirigée contre la décision d'engager des poursuites à son encontre, en tant seulement que ces poursuites portent sur des sommes excédant 1 328,96 euros, en droits et majorations.
Sur les conclusions indemnitaires :
17. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. L'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.
18. En l'espèce, l'administration fiscale ne conteste pas qu'un dysfonctionnement propre à ses services a fait obstacle à l'exécution du prélèvement automatique à l'échéance du solde des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A...a été assujetti au titre de l'année 2004, circonstance au demeurant identique à celle résultant d'un autre dysfonctionnement intervenu l'année précédente et dont M. A... a obtenu réparation. Il résulte en outre des considérations mentionnées au point 15 que les mêmes services ont poursuivi le recouvrement à l'encontre de l'intéressé de dettes fiscales d'un montant partiellement injustifié. Ces deux erreurs sont, ainsi que le soutient M.A..., constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de ce dernier.
19. M. A...soutient que ces fautes lui ont causé, ensemble, un préjudice matériel, un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, distincts du seul paiement de l'impôt et respectivement évalués par l'intéressé à 62 euros, 5 000 euros et 3 000 euros. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale ne conteste ni la réalité, ni l'évaluation de ces chefs de préjudice et se borne à invoquer, en défense, le fait des services postaux, qui auraient tardé à exécuter une décision de mainlevée. Ce fait n'est toutefois pas celui du demandeur d'indemnité et il se rapporte, au demeurant, à un préjudice invoqué dans l'autre instance déjà engagée par M. A...et close par une décision d'indemnisation.
20. Au vu des considérations qui précèdent, M. A...doit être regardé comme établissant l'existence d'un lien direct entre les fautes commises par les services en charge du recouvrement et les trois chefs de préjudices qu'il invoque. Il sera fait une juste appréciation de ces derniers en allouant à l'intéressé la somme globale de 5 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception, par l'administration, de la demande préalable d'indemnisation formée par le requérant.
21. Il suit de là que M. A...est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions à fins indemnitaires. Ce jugement doit dès lors être réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Sur les conclusions de M. A...présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 5 000 euros à verser à M. A...sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par l'intéressé tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel de Versailles.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt n° 11VE00231 du 26 février 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : M. A...est déchargé de l'obligation de payer les sommes mentionnées par l'avis à tiers détenteur émis à son encontre le 6 octobre 2006, à l'exception des sommes de 474,96 euros et 854 euros correspondant, respectivement, aux droits d'impôt sur le revenu et de cotisation sociale généralisée au titre de l'année 2004 et aux majorations afférentes à ces droits dont M. A... reste redevable.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'ont causés à l'intéressé les fautes commises par l'administration fiscale dans le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles M. A...a été assujetti au titre de l'année 2004.
Article 4 : Le jugement n° 0704124 du 25 novembre 2010 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...devant la cour administrative d'appel de Versailles est rejeté.
Article 6 : L'Etat versera à M. A...la somme de 5 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.