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04/05/2015 | FRANCE | N°387313

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 04 mai 2015, 387313


Vu la procédure suivante :

La commune de Montlignon a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-168 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Val-d'Oise.

Par une ordonnance n° 377641 du 24 juin 2014, le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a rejeté sa requête.

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Montlignon demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur maté

rielle cette ordonnance du 24 juin 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret ...

Vu la procédure suivante :

La commune de Montlignon a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-168 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Val-d'Oise.

Par une ordonnance n° 377641 du 24 juin 2014, le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a rejeté sa requête.

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Montlignon demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur matérielle cette ordonnance du 24 juin 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 17 février 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Sur le recours en rectification d'erreur matérielle :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Montlignon a demandé au Conseil d'Etat, par une requête enregistrée le 14 avril 2014, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-168 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Val-d'Oise ; que la commune a fait parvenir au secrétariat du contentieux, le 23 avril 2014, un mémoire motivé à l'appui de cette requête ; que c'est toutefois au vu d'un dossier auquel, par erreur, n'avait pas été joint ce mémoire que le président de la 5ème sous-section a, par ordonnance du 24 juin 2014, rejeté la requête de la commune de Montlignon au motif qu'elle ne comportait l'exposé d'aucun moyen, contrairement aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

4. Considérant que l'erreur commise, qui n'est pas imputable à la commune de Montlignon, présente un caractère matériel et a exercé une influence sur le jugement de l'affaire ; qu'il s'ensuit que le recours en rectification d'erreur matérielle de la commune, qui a produit l'ordonnance qu'elle attaque, est recevable et que l'ordonnance du 24 juin 2014 doit être déclarée nulle et non avenue ; qu'il y a lieu de statuer à nouveau sur sa requête enregistrée sous le n° 377641 ;

Sur la requête enregistrée sous le n° 377641 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : " Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) / III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques (...) ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

7. Considérant que le décret attaqué a, en application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département du Val-d'Oise, tenant compte de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de 39 à 21 résultant de l'article L. 191-1 du code électoral ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales qu'il appartenait au Premier ministre de procéder, par décret en Conseil d'Etat, à une nouvelle délimitation territoriale de l'ensemble des cantons ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le Premier ministre aurait été incompétent pour procéder à une telle délimitation ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales se bornent à prévoir la consultation du conseil général du département à l'occasion des créations, suppressions et modifications de cantons ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucun principe, n'imposent que la modification de la délimitation des cantons fasse l'objet d'une consultation des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ni d'autres formes de concertation notamment avec les populations concernées ou leurs représentants ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les décrets procédant à une délimitation de cantons soient motivés ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions des III et IV de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées au cas par cas pouvant toutefois être apportées à ces règles ;

12. Considérant que ni les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposaient au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, tiennent compte des " réalités locales " et coïncident avec les limites des circonscriptions législatives et les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale ; qu'il s'ensuit que ne sont pas de nature à entacher d'illégalité le décret attaqué les circonstances que la délimitation de plusieurs cantons du département du Val-d'Oise, résultant du décret attaqué, ne tiendrait pas compte des réalités locales et ne correspondrait pas à celle des circonscriptions législatives ou des établissements publics de coopération intercommunale ;

13. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'intérieur, la commune de Montlignon n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Val-d'Oise ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le recours en rectification d'erreur matérielle présenté par la commune de Montlignon est admis.

Article 2 : L'ordonnance du président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 24 juin 2014 est déclarée nulle et non avenue.

Article 3 : La requête n° 377641 de la commune de Montlignon est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montlignon et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 387313
Date de la décision : 04/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Rectif. d'erreur matérielle

Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2015, n° 387313
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Tristan Aureau
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:387313.20150504
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