Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 383301, par une requête, enregistrée le 31 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 juin 2012 rapportant le décret du 10 février 2009 le réintégrant dans la nationalité française.
M. A...soutient que le décret est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, s'il n'a pas déclaré son mariage avec Mme D...C...et l'enfant né de cette union, il s'agissait d'une erreur involontaire qu'il a corrigée de lui même par la suite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2014, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que le décret n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors que la preuve de l'inexistence de la fraude n'est pas établie.
2° Sous le n° 384925, par une ordonnance n° 1407239 du 29 septembre 2014, enregistrée le 1er octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal le 21 août 2014 par M. A..., tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du même décret.
M. A...fait valoir les mêmes moyens que sous le n° 383301.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 383301.
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3° Sous le n° 388246, par une requête, enregistrée le 24 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande l'annulation pour excès de pouvoir du même décret.
Il fait valoir les mêmes moyens que sous le n° 383301 et soutient en outre que le décret est intervenu tardivement, qu'il n'est assorti d'aucun motif de droit ni de fait et que les droits de la défense auraient été méconnus dès lors qu'il n'a pu produire d'observations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet des requêtes. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A...;
1. Considérant que les requêtes de M. A...tendent à l'annulation pour excès de pouvoir du même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M.A..., ressortissant sénégalais, a déposé une demande de réintégration dans la nationalité française le 5 juin 2002 par laquelle il a indiqué être célibataire et ne pas avoir d'enfant ; qu'il s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de ses déclarations, il a été réintégré dans la nationalité française par décret du 10 février 2009 ; que, par bordereau reçu le 12 octobre 2012, le ministre des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations que M. A...avait épousé au Sénégal, le 5 février 2007, une ressortissante sénégalaise résidant habituellement au Sénégal et qu'un enfant était né de cette union le 24 février 2008 ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la réintégration de M. A...dans la nationalité française au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale ;
4. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A..., le décret attaqué énonce les éléments de droit et les circonstances de fait qui le justifient ; qu'il comporte ainsi une motivation qui satisfait aux exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de réintégration dans la nationalité française de M. A...a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations ; qu'il ressort des pièces des dossiers que ce ministre en a été informé par bordereau du 2 juin 2010 reçu le 16 juin 2010 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret du 12 juin 2012 aurait été pris après expiration du délai prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces des dossiers que le ministre chargé des naturalisations a notifié à M. A...les motifs justifiant le retrait du décret ayant prononcé sa réintégration dans la nationalité française par une lettre datée du 11 août 2010 ; que la lettre a été expédiée au nom et à l'adresse de l'intéressé avec demande d'avis de réception ; qu'elle a été présentée à son domicile le 13 août 2010 mais n'a pas été réclamée par l'intéressé aux services postaux, qui ont retourné le pli au ministre le 31 août 2010, après l'expiration du délai de mise en instance postal ; que cette notification doit être regardée, faute pour l'intéressé d'avoir pris toutes les dispositions utiles pour retirer le pli qui lui avait été régulièrement adressé, comme étant intervenue à la date de première présentation du pli par les services postaux, soit le 13 août 2010 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal faute pour l'intéressé d'avoir pu présenter ses observations en défense dans le délai d'un mois prévu par les articles 59 et 62 du décret du 30 décembre 1993 ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que si M. A...soutient que c'est par une erreur involontaire qu'il s'est déclaré célibataire et qu'il n'a pas informé l'administration chargée d'instruire sa demande de la naissance de sa fille, erreur qu'il a lui-même corrigée après avoir été réintégré dans la nationalité française, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé maîtrise la langue française et ne pouvait se méprendre sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, non plus que sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée ; qu'il doit, en conséquence, être regardé comme ayant sciemment dissimulé sa situation familiale au Sénégal ; que, par suite, en rapportant sa réintégration dans la nationalité française au motif qu'il n'avait pas déclaré son mariage conclu le 5 février 2007 et la naissance de l'enfant né de cette union le 24 février 2008, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 12 juin 2012 rapportant le décret du 10 février 2009 le réintégrant dans la nationalité française ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. A...sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.