Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 novembre 2014, 9 janvier et 23 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 5 août 2014 accordant son extradition aux autorités russes à la condition qu'il ne soit pas soumis à une peine de travail forcé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la SCP Monod-Colin-Stoclet, son avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocat de M. A...;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er avril 2015, présentée pour M. A... ;
1. Considérant que, par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités de la Fédération de Russie l'extradition de M. B...A..., de nationalité russe, sur le fondement d'une ordonnance valant mandat d'arrêt, délivrée le 17 avril 2012 par un juge du tribunal de l'arrondissement Zavodsky de Novokouznetsk de la région de Kémérovo, pour des faits, commis entre les mois de juillet et novembre 2006, qualifiés d'extorsion, d'enlèvement de personnes et de pillage avec les circonstances aggravantes d'avoir été commis par un groupe de personnes s'étant préalablement concertées, en recourant à des actes de violence dangereux pour la vie et la santé d'autrui et dans un but de lucre ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces produites par les autorités russes à l'appui de la demande d'extradition que les faits reprochés au requérant sont susceptibles de donner lieu, en vertu notamment des dispositions des articles 163, 126 et 161 du code pénal de la Fédération de Russie, à des condamnations à des peines privatives de liberté d'une durée pouvant aller jusqu'à quinze ans ; qu'en réponse à la demande des autorités françaises, le parquet général de la Fédération de Russie s'est engagé à ce que, si M. A...était condamné à une peine privative de liberté, il ne serait astreint à aucun travail physique non consenti en détention ;
3. Considérant que, s'agissant de la seule infraction qualifiée de pillage, le tribunal peut, en application des dispositions de l'article 53.1 du même code, décider, une fois la peine de détention prononcée, de substituer à celle-ci une peine de travail obligatoire rémunéré en milieu ouvert, dans des lieux désignés par les organes du système de l'exécution des peines ; que M. A...soutient que cette peine serait constitutive d'un travail forcé dès lors que si, en cas de détention, l'engagement a été pris qu'il ne serait pas soumis à un travail physique non consenti, aucune garantie n'a été donnée par les autorités russes que son accord serait recherché s'il était fait application de la faculté de substitution prévue à cet article ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " ...2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire./ 3. N'est pas considéré comme " travail forcé ou obligatoire " au sens du présent article :/ a) tout travail requis normalement d'une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l'article 5 de la (...) Convention, ou durant sa mise en liberté conditionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même convention : " ... Nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :/ a) S'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent (...) " ; qu'en vertu de ces stipulations, le travail requis de personnes dont la privation de liberté a été régulièrement prononcée par un tribunal ne constitue pas un travail forcé ou obligatoire prohibé lorsque la condamnation à une peine de travail obligatoire est prononcée en application d'un texte de portée générale, que le travail à accomplir n'excède pas ce qui est normalement requis d'une personne condamnée et qu'il procède de la préparation à la réinsertion du condamné ;
5. Considérant que la peine de travail obligatoire susceptible d'être infligée pour l'infraction de pillage, au cas où le tribunal l'estimerait adaptée pour préparer la réinsertion de M.A..., est prévue par les dispositions générales de l'article 53.1 du code pénal russe ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les conditions et modalités du travail auquel M. A... pourrait être astreint en vertu de cette condamnation excéderaient celles normalement applicables aux personnes condamnées alors, au demeurant, que, selon les précisions fournies par le parquet général de la Fédération de Russie, la personne condamnée qui se soustrait à une obligation de travail ainsi prononcée est remise en détention, à raison d'un jour de détention par jour de travail obligatoire restant à effectuer ; que, par suite, la peine de travail obligatoire susceptible d'être infligée à M. A...ne constitue pas un travail forcé interdit par les stipulations de l'article 4 de la convention ;
6. Considérant qu'alors même qu'elle serait infligée sans que le consentement de l'intéressé ait été préalablement recueilli, cette peine n'est pas contraire à l'ordre public français ;
7. Considérant, enfin, que, si M. A...soutient qu'en cas d'exécution du décret attaqué il risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir les risques personnels qu'il allègue alors, au surplus, que les autorités russes se sont engagées à ce qu'il ne soit pas soumis à des traitements contraires aux exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à ce qu'un agent des services consulaires français puisse lui rendre visite pour s'assurer du respect des garanties qui assortissent ainsi la demande d'extradition ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 5 août 2014 accordant son extradition aux autorités de la Fédération de Russie ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocat de M. A..., demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.