Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler la décision du 22 novembre 2008 par laquelle la caisse d'allocations familiales de la Dordogne, agissant par délégation du président du conseil général de la Dordogne, a mis à sa charge une somme de 13 400,78 euros en raison d'un trop-perçu d'allocation de revenu minimum d'insertion pour la période comprise entre novembre 2006 et octobre 2008. Par une décision du 17 mars 2011, la Commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande.
Par une décision n° 110927 du 22 février 2013, la Commission centrale d'aide sociale a, à la demande de M.B..., d'une part, annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne du 17 mars 2011 et la décision de la caisse d'allocations familiales de Dordogne du 22 novembre 2008 et, d'autre part, renvoyé M. B...devant le président du conseil général de la Dordogne aux fins de réexamen de ses droits à l'allocation de revenu minimum d'insertion.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 12 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Dordogne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision de la Commission centrale d'aide sociale ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Julia Beurton, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du département de la Dordogne ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a bénéficié de l'allocation de revenu minimum d'insertion depuis le 1er novembre 2000 au titre d'une personne isolée puis, à compter de mai 2003, au titre d'un couple ; qu'à la suite d'un contrôle des services départementaux diligenté en octobre 2008, il a été constaté, d'une part, qu'il avait perçu en 1998 un capital de 100 000 francs (15 245 euros) en dédommagement d'un accident intervenu en 1994 et, d'autre part, que sa grand-mère lui versait une aide correspondant à 200 euros par mois et que sa mère exposait à son profit des dépenses d'environ 500 euros par mois depuis cinq ans, correspondant aux annuités d'emprunt qu'elle remboursait pour une habitation dont elle était propriétaire et qu'elle mettait à la disposition de son fils à titre gracieux, à la taxe foncière et à l'assurance habitation de cette maison, ainsi qu'à l'assurance voiture qu'elle payait pour le véhicule qu'elle possédait et que son fils utilisait ponctuellement ; que le département de la Dordogne a, par une décision du 22 novembre 2008, notifié à M. B...un trop-perçu d'allocation de revenu minimum d'insertion de 13 400,78 euros correspondant aux sommes regardées comme indûment versées entre novembre 2006 et octobre 2008 en raison des aides apportées à M. B...par sa mère et sa grand-mère, qu'il n'avait pas déclarées au titre de ses ressources trimestrielles ; que, par une décision du 17 mars 2011, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette décision ; que, par une décision du 22 février 2013, contre laquelle le département de la Dordogne se pourvoit en cassation, la Commission centrale d'aide sociale a annulé ces deux décisions et enjoint au département de la Dordogne de procéder à un réexamen des droits à l'allocation de revenu minimum d'insertion de M.B..., au motif que seul un pourcentage de 2,5 % du montant restant du capital de 15 245 euros à la fin de la période de référence ainsi que les aides versées par la grand-mère de M. B..., dans la mesure où elles étaient déduites du montant de son imposition, pouvaient être prises en compte pour déterminer les ressources de l'intéressé ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " L'ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion est pris en compte pour le calcul de l'allocation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 262-3 du même code, en vigueur à la date du litige : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation de revenu minimum d'insertion comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant à la présente sous-section, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu'il est défini à l'article R. 262-1, et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux " ; qu'aux termes de l'article R. 262-4 du même code, en vigueur à cette même date : " Les avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d'aide personnelle au logement, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer, sont évalués mensuellement et de manière forfaitaire : / (...) 2° A 16 % du montant du revenu minimum d'insertion fixé pour deux personnes lorsque le foyer se compose de deux personnes (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, d'une part, que les dépenses exposées par le propriétaire d'une habitation afin de rembourser un emprunt contracté pour l'acquisition de ce bien et d'acquitter la taxe foncière, qui sont, par essence, liées à la qualité de propriétaire, ne peuvent être regardées, alors même que le bénéficiaire du revenu minimum d'insertion y est logé à titre gratuit, comme un avantage en nature au profit de l'allocataire au sens de l'article R. 262-3 du code de l'action sociale et des familles ; que, d'autre part, l'avantage en nature résultant, pour l'allocataire, de la mise à disposition gratuite d'un tel logement, ainsi que, le cas échéant, de la prise en charge de l'assurance habitation correspondante, font l'objet de l'évaluation forfaitaire prévue par l'article R. 262-4 du même code ; que, par suite, le département de la Dordogne n'est pas fondé à soutenir que la Commission centrale d'aide sociale aurait commis une erreur de droit en jugeant que de telles sommes ne pouvaient être prises en considération dans le calcul des ressources de M.B..., qui tenait déjà compte du forfait logement ;
4. Considérant, toutefois, en deuxième lieu, que les ressources mentionnées à l'article R. 262-3 du code de l'action sociale et des familles doivent être prises en compte dans leur intégralité pour la détermination du montant de l'allocation de revenu minimum d'insertion, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elles résulteraient d'une aide dont le montant n'a pas été déduit par le donateur dans le calcul de son impôt sur le revenu ; que, par suite, la Commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit en jugeant que les sommes versées par la grand-mère de M. B...ne pouvaient être prises en compte pour la détermination des ressources de ce dernier que dans la mesure où elle les avait déduites du montant de son imposition ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département de la Dordogne n'a pas pris en compte le capital perçu par M. B... en 1998 pour déterminer les ressources de l'intéressé sur la période allant de novembre 2006 à octobre 2008 ; que, par suite, en estimant, après avoir affirmé que seul un éventuel pourcentage de 2,5 % du montant du capital restant à la fin de la période de référence pouvait être pris en compte, que l'indu de l'allocation de revenu minimum d'insertion n'était, notamment pour ce motif, pas fondé dans son intégralité, la Commission centrale d'aide sociale a dénaturé les pièces du dossier ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le département de la Dordogne est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Dordogne tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8. Considérant que les conclusions présentées par M. B...tendant à ce que le département de la Dordogne soit condamné à lui rembourser la somme de 1 061,47 euros qu'il a fait saisir sur son compte bancaire pour la récupération de l'indu ainsi que les frais bancaires y afférents, à hauteur de 76,50 euros, ne sont pas dirigées contre la décision de la Commission centrale d'aide sociale mais portent sur un litige distinct, relatif aux conditions d'exécution de cette décision ; qu'elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Commission centrale d'aide sociale du 22 février 2013 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Commission centrale d'aide sociale.
Article 3 : Les conclusions du département de la Dordogne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de M. B...sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au département de la Dordogne et à M. A...B....