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15/04/2015 | FRANCE | N°365088

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 15 avril 2015, 365088


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 10 janvier 2013, 9 juillet 2013 et 28 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Novartis Pharma SAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 juillet 2012 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a refusé d'inscrire les spécialités Exforge-hydrochlorothiazide (Exforge HCT) sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux et sur celle des spécialités agréées à l'usage

des collectivités, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracie...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 10 janvier 2013, 9 juillet 2013 et 28 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Novartis Pharma SAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 juillet 2012 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a refusé d'inscrire les spécialités Exforge-hydrochlorothiazide (Exforge HCT) sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux et sur celle des spécialités agréées à l'usage des collectivités, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 10 septembre 2012 ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires sociales et de la santé de se prononcer à nouveau sur l'inscription de ces spécialités sur ces mêmes listes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société Novartis Pharma SAS ;

1. Considérant que la société Novartis Pharma SAS commercialise quatre spécialités dénommées Exforge-hydrochlorotiazide (Exforge HCT), destinées au traitement de l'hypertension artérielle, qui associent, selon différents dosages, trois principes actifs ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 28 mars 2012, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a estimé que ces spécialités présentaient un service médical rendu important pour certains patients et s'est prononcée en faveur de leur inscription sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux et sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités, sous réserve que leur prescription initiale soit réservée aux spécialistes de l'hypertension et que cette inscription soit conditionnée à la réalisation d'une étude de suivi des patients d'une durée de deux ans, pour apprécier les effets de l'association fixe des trois principes actifs en termes d'observance du traitement, de morbi-mortalité et de recours aux soins ; que, toutefois, par une décision du 6 juillet 2012, le ministre des affaires sociales et de la santé, estimant insuffisant le service médical rendu par les spécialités litigieuses, a refusé d'inscrire les spécialités Exforge HCT sur ces listes ; que la société requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 10 septembre 2012 ;

Sur la légalité de la décision du 6 juillet 2012 :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article R. 163-3 du code de la sécurité sociale : " Les médicaments sont inscrits sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 au vu de l'appréciation du service médical rendu qu'ils apportent indication par indication. Cette appréciation prend en compte l'efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et son intérêt pour la santé publique. Les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant au regard des autres médicaments ou thérapies disponibles ne sont pas inscrits sur la liste " ; qu'il résulte de l'article R. 163-18 du même code que ces dispositions sont également applicables à l'inscription sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en prenant en considération les inconvénients résultant, en matière de prescription, des caractéristiques particulières des spécialités en cause, et notamment la possibilité de " sur-risques " lors de leur administration, tenant, entre autres, à l'impossibilité d'adapter à la pathologie propre à chaque patient le dosage des différents antihypertenseurs qu'elles associent et au risque d'erreur liée à la confusion possible avec la spécialité Exforge associant deux principes actifs, le ministre n'a pas ajouté un critère à ceux au vu desquels le service médical rendu par une spécialité doit être apprécié mais a tenu compte des risques que la prescription des spécialités Exforge HCT pouvait comporter en termes de santé publique, conformément aux prévisions de l'article R. 163-3 du code de la sécurité sociale ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait, pour ce motif, entachée d'erreur de droit doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les quatre spécialités Exforge HCT reposent sur l'association fixe de trois principes antihypertenseurs mettant en oeuvre des mécanismes complémentaires pour contrôler la pression artérielle, chaque spécialité correspondant à un dosage différent des trois principes ; que, sans en faire le motif déterminant de son appréciation du service médical rendu de ces spécialités, le ministre a relevé, au titre de leur place dans la stratégie thérapeutique, qu'il s'agissait de spécialités de dernière intention, indiquées en tant que traitement de substitution pour les patients dont la pression artérielle est suffisamment contrôlée par l'association de leurs trois composants pris en association libre ou sous forme d'un composant double et d'un composant seul ; que le ministre a, à juste titre, relevé que les besoins thérapeutiques liés au traitement de l'hypertension artérielle essentielle étaient largement couverts ; que la commission de la transparence, dans son avis du 28 mars 2012, a estimé que ces associations fixes n'avaient pas montré d'impact en termes de réduction de la morbi-mortalité ; que si la société requérante se prévaut de positions prises par différentes instances en faveur de la réduction du nombre de comprimés à prendre pour faciliter l'observance du traitement et d'analyses menées sur d'autres spécialités, elle ne produit pas d'étude permettant de comparer l'observance du traitement selon que les patients sont traités par ses spécialités ou par l'association libre d'une bithérapie et d'une monothérapie ; que des incertitudes demeurent sur le risque de mésusage de ces associations fixes ; que, compte tenu de ces éléments et alors même que la société fait valoir qu'elle a proposé des mesures d'accompagnement de l'utilisation des spécialités Exforge HCT, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que les spécialités en cause présentaient un service médical rendu insuffisant au regard des autres médicaments disponibles ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la décision attaquée ne peut être regardée comme privant certains patients de la possibilité de bénéficier d'un meilleur traitement ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait, pour ce motif, contraire au principe d'égal accès aux soins ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, que le respect du principe d'égalité devant la loi imposait au ministre de s'assurer que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription, sur les listes prévues par l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale et L. 5123-2 du code de la santé publique, de spécialités étroitement comparables compte tenu de leurs effets, de leur mode d'action et de leur place dans la stratégie thérapeutique ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier ; que le ministre ne conteste pas l'affirmation de la société requérante selon laquelle les spécialités précédemment admises au remboursement pour le traitement de l'hypertension artérielle n'avaient pas fourni de données de morbi-mortalité lors de leur première inscription sur les listes des médicaments remboursables aux assurés sociaux et des spécialités agréées à l'usage des collectivités ; que, toutefois, eu égard au nombre de spécialités disponibles pour le traitement de l'hypertension artérielle qui ont désormais démontré leur impact en termes de réduction de la morbi-mortalité et à la circonstance que les spécialités en cause constituent la simple association, en dernière intention, de principes actifs déjà pris en charge par l'assurance maladie, les ministres n'ont pas méconnu le principe d'égalité en prenant en considération le fait que ces spécialités n'avaient pas démontré d'impact en termes de réduction de la morbi-mortalité ; que, par ailleurs, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des conditions dans lesquelles ont été admises au remboursement des spécialités indiquées pour le traitement de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine, qui ne sont pas comparables ;

Sur la légalité de la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Novartis Pharma SAS :

7. Considérant que les conclusions de la société requérante dirigées contre le rejet de son recours gracieux doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions dirigées contre la décision refusant l'inscription des spécialités litigieuses sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux et sur celle des spécialités agréées à l'usage des collectivités, sans que les vices propres dont cette décision serait entachée puissent être utilement invoqués ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Novartis Pharma SAS doivent être rejetées, y compris celles qu'elle a présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société Novartis Pharma SAS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Novartis Pharma SAS et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée à la Haute autorité de santé.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 365088
Date de la décision : 15/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2015, n° 365088
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:365088.20150415
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