Vu la procédure suivante :
M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011. Par une ordonnance n° 1221421 du 15 février 2013, le vice-président de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A...et par un jugement n° 1221421 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Par une ordonnance n° 14PA00338 du 22 avril 2014, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A...à l'appui de leur requête d'appel dirigée contre ce jugement et par un arrêt n° 14PA00338 du 31 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté cet appel.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 3 octobre et 26 décembre 2014, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par deux mémoires distincts, enregistrés les 3 octobre et 26 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article R. 771-16 du code de justice administrative, M. et Mme A...contestent le refus qui leur a été opposé par la cour administrative d'appel de Paris de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts dans leur rédaction antérieure à la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment son article 158 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et Mme A...;
1. Considérant que les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;
2. Considérant qu'en vertu du 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2013, les revenus distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, à l'exception de ceux de ces revenus assujettis, sur option du contribuable, au prélèvement forfaitaire libératoire prévu par l'article 117 quater du même code, étaient réduits, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, d'un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu ; que le f du 3° du 3 de l'article 158, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2013, prévoyait que cet abattement ne s'appliquait pas " lorsque, au cours de la même année, le contribuable a perçu des revenus sur lesquels a été opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater " ;
3. Considérant que M. et Mme A...ont présenté devant la cour administrative d'appel de Paris, dans le délai d'appel, un mémoire contestant la conformité des dispositions précitées, d'une part, à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 34 de la Constitution, d'autre part, aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
4. Considérant qu'après avoir constaté que la requête d'appel de M. et Mme A... contestait la conformité des dispositions précitées à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 34 de la Constitution et se bornait ainsi à réitérer dans les mêmes termes la question prioritaire de constitutionnalité qu'ils avaient soulevée devant le tribunal administratif de Paris, sans formuler de critique contre la décision de refus de transmission qui leur avait été opposée par ce dernier, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel a jugé que leur appel était, dans cette mesure, irrecevable ; qu'en se bornant à soutenir devant le juge de cassation que les dispositions litigieuses méconnaissent les droits ainsi garantis par la Constitution, M. et Mme A...ne critiquent pas utilement, sur ce point, l'ordonnance du 22 avril 2014 qu'ils attaquent ;
5. Considérant, toutefois, que le pourvoi fait également grief à la cour administrative de Paris, devant laquelle étaient en outre soulevés, pour la première fois en appel, des moyens tirés de la méconnaissance des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, d'avoir jugé que ces moyens ne justifiaient pas non plus que les dispositions contestées du f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts fussent soumises au Conseil constitutionnel ; que ces dispositions, applicables au litige dont était saisie la cour, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du 22 avril 2014 et de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
6. Considérant qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur le pourvoi de M. et Mme A... contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 31 juillet 2014 jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché cette question prioritaire de constitutionnalité ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 22 avril 2014 du président de la 9e chambre de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. et Mme A...contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 31 juillet 2014 jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée, pour information, au Premier ministre.