La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2015 | FRANCE | N°372755

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 10 avril 2015, 372755


Vu le pourvoi du ministre de la culture et de la communication, enregistré le 11 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA03954 du 31 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel interjeté par l'association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), a, d'une part, annulé le jugement n° 0813623 du 25 juin 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant le recours pour excès de pouvoir de cette association contre sa décision du 28 mai 2008, pr

ise sur le fondement de l'article 2 du décret n° 2004-117 du 4 févr...

Vu le pourvoi du ministre de la culture et de la communication, enregistré le 11 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA03954 du 31 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel interjeté par l'association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), a, d'une part, annulé le jugement n° 0813623 du 25 juin 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant le recours pour excès de pouvoir de cette association contre sa décision du 28 mai 2008, prise sur le fondement de l'article 2 du décret n° 2004-117 du 4 février 2004 et relative au versement de la taxe sur les représentations du spectacle "Kirikou et Karaba", d'autre part, annulé cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par l'ASTP ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2003-1312 du 31 décembre 2003, notamment ses articles 76 et 77 ;

Vu le décret n° 2004-117 du 4 février 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de l'association pour le soutien du théâtre privé ( ASTP ) ;

1. Considérant que les dispositions du I de l'article 76 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour 2003 instituent une taxe sur les spectacles de variétés perçue au profit du centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), dont le produit est affecté au financement d'actions de soutien aux spectacles de chanson, de variétés et de jazz ; que les dispositions du I de l'article 77 de la même loi instituent une taxe sur les spectacles perçue au profit de l'association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), afin, notamment, de soutenir la production de spectacles d'art dramatique, lyrique et chorégraphique ; que les dispositions du II de chacun de ces articles renvoient au pouvoir réglementaire le soin de définir les catégories de spectacles soumises à ces taxes ; qu'aux termes des trois premiers alinéas de l'article 1er du décret du 4 février 2004 pris pour l'application de ces dernières dispositions, dans leur rédaction applicable aux faits de la cause : " Les catégories de spectacles respectivement prévues au II de l'article 76 et au II du A de l'article 77 de la loi du 31 décembre 2003 susvisée sont les suivantes : / 1. Au titre de la catégorie spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique : les drames, tragédies, comédies, vaudevilles, opéras, comédies musicales traditionnelles du type opérette, comédie ou mélodrame lyrique, théâtre musical, les ballets classiques ou modernes, mimodrames et spectacles de marionnettes ; / 2. Au titre de la catégorie spectacles de variétés : les tours de chant, concerts et spectacles de jazz, de rock, de musique traditionnelle ou de musique électronique, les spectacles ne comportant pas de continuité de composition dramatique autour d'un thème central et s'analysant comme une suite de tableaux de genres variés tels que sketches, chansons, danses ou attractions visuelles, les spectacles d'illusionnistes, les spectacles aquatiques ou sur glace " ; qu'aux termes du dernier alinéa du même article : " La taxe sur les spectacles musicaux ou comédies musicales n'entrant dans aucune catégorie précitée mais pour lesquels une demande d'aide a été adressée à l'Association pour le soutien du théâtre privé et obtenue, conformément aux dispositions de son règlement intérieur, est perçue par cette association. En l'absence de demande d'aide à l'exploitation, la taxe est perçue par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz " ; qu'enfin l'article 2 de ce décret dispose : " En cas d'incertitude sur la catégorie définie à l'article 1er, le ministre chargé de la culture détermine celle-ci après avis d'une commission composée de représentants de l'Etat, du centre national de la chanson, des variétés et du jazz et de l'association de soutien au théâtre privé. Cette commission est saisie soit par le dirigeant de l'un ou l'autre de ces organismes, soit par un redevable de la taxe (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 28 mai 2008, prise sur le fondement des dispositions de l'article 2 du décret du 4 février 2004 citées ci-dessus, le ministre de la culture et de la communication a estimé que le spectacle dénommé " Kirikou et Karaba " figurait au nombre des spectacles soumis à la taxe sur les spectacles de variétés mentionnée au point 1 ci-dessus ; que l'ASTP a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision devant le tribunal administratif de Paris ; que sa demande a été rejetée par un jugement du 25 juin 2010, dont l'association a relevé appel ; que le ministre de la culture et de la communication se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel de l'association, a annulé le jugement du 25 juin 2010 ainsi que la décision du 28 mai 2008 ;

3. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour faire droit à l'appel de l'ASTP, la cour a jugé qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'article 1er du décret du 4 février 2004 que les énumérations figurant aux 1 et 2 de cet article ne sont pas limitatives et que la distinction opérée entre les deux catégories de spectacles doit être fondée sur l'existence ou non d'une continuité de composition dramatique autour d'un thème central, les spectacles présentant une telle continuité devant être qualifiés de spectacles d'art dramatique, lyrique et chorégraphique ; qu'appliquant ce raisonnement aux faits qui lui étaient soumis, elle a jugé que le spectacle " Kirikou et Karaba " était organisé selon une continuité de composition dramatique autour du personnage central de Kirikou, représenté par une marionnette, et qu'il relevait dès lors de la catégorie des spectacles d'art dramatique, lyrique et chorégraphique dont la représentation publique donne lieu, en vertu de l'article 77 de la loi de finances rectificative pour 2003, au paiement de la taxe instituée au profit de l'ASTP ;

4. Considérant, toutefois, que, contrairement à ce que qu'a jugé la cour, le décret du 4 février 2004 ne retient pas un critère de continuité de composition dramatique autour d'un thème central pour déterminer le rattachement à l'une ou l'autre des deux catégories mentionnées aux points 1 et 2 de son article 1er de spectacles qui ne figurent pas dans les énumérations prévues par ces dispositions ; qu'il prévoit, au contraire, au dernier alinéa de son article 1er, la possibilité qu'un spectacle n'entre dans le champ d'aucune des deux énumérations et précise les conditions dans lesquelles doivent être appliquées, dans une telle hypothèse, les dispositions législatives régissant l'affectation de la taxe perçue sur un tel spectacle ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que le ministre de la culture et de la communication est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 31 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association pour le soutien du théâtre privé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la culture et de la communication et à l'association pour le soutien du théâtre privé.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 372755
Date de la décision : 10/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2015, n° 372755
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Béreyziat
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:372755.20150410
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award