Vu la procédure suivante :
Par deux mémoires, enregistrés les 31 décembre 2014 et 24 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abrogation de l'article R. 743-45-2 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 20 juin 2014 portant approbation des modifications apportées au règlement du régime complémentaire des avocats établi par la Caisse nationale des barreaux français, en particulier de ses articles 8, 9 et 13, et à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre d'abroger ces dispositions, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Helmlinger, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que l'article L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 88 de la loi du 17 décembre 2008 en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose que : " L'attribution de la pension de retraite est subordonnée à la cessation de l'activité d'avocat. / Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle : / a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ; / b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa " ;
3. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, tel qu'il est garanti par les articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles subordonnent le cumul par un avocat d'une pension de retraite avec un revenu d'activité à la liquidation de l'ensemble de ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes auxquels il a cotisé et excluent ainsi nécessairement que la reprise ou le maintien d'une activité professionnelle puisse lui permettre d'acquérir de nouveaux droits, alors même qu'il est assujetti au versement de cotisations d'assurance vieillesse sur ses revenus d'activité ;
4. Considérant que l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame que : " Les hommes naissent et demeurent " ; qu'aux termes de l'article 6 : " La loi (libres et égaux en droits) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge au principe d'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en outre, aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
5. Considérant que les avocats qui reprennent ou poursuivent une activité professionnelle après avoir fait liquider leur pension de retraite ne se trouvent pas, au regard des règles relatives à la constitution du droit à pension, dans la même situation que les avocats qui exercent leur activité sans bénéficier d'une pension de retraite ; qu'en prévoyant, comme le fait d'ailleurs la règle générale désormais posée par l'article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 20 janvier 2014, que les droits à pension des avocats qui reprennent ou poursuivent une activité professionnelle après avoir fait liquider leur pension de retraite ne sont plus susceptibles d'être modifiés, sans pour autant les exonérer des cotisations dues par tout professionnel au régime d'assurance vieillesse dont il relève, le législateur a instauré une différence de traitement qui est en rapport direct avec l'objectif de solidarité entre actifs et retraités poursuivi par le législateur ; qu'il a fondé son appréciation sur un critère objectif et rationnel en lien avec l'objectif poursuivi et qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne présente pas de caractère sérieux ;
6. Considérant, en second lieu, que l'article L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale ne met pas en cause les droits garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et n'entraîne aucune privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de cette Déclaration ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B.libres et égaux en droits
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
libres et égaux en droits