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23/03/2015 | FRANCE | N°360223

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 23 mars 2015, 360223


Vu le pourvoi sommaire, le mémoire rectificatif et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin, 14 juin et 13 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sogefi SpA, dont le siège est Via Ulisse Barbieri 2 à Mantoue (46100), Italie ; la société Sogefi SpA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA02611 du 13 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 22 mars 2010 du tribunal administratif de Paris et tendant, en premier lieu, au rembour

sement, déduction faite d'une retenue à la source de 5 %, de la moitié ...

Vu le pourvoi sommaire, le mémoire rectificatif et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin, 14 juin et 13 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sogefi SpA, dont le siège est Via Ulisse Barbieri 2 à Mantoue (46100), Italie ; la société Sogefi SpA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA02611 du 13 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 22 mars 2010 du tribunal administratif de Paris et tendant, en premier lieu, au remboursement, déduction faite d'une retenue à la source de 5 %, de la moitié de l'avoir fiscal correspondant aux dividendes qui lui ont été distribués en 2004 par les sociétés de droit français "Sogefi Filtration", "Allevard Rejna Autosuspensions" et "Filtrauto", en second lieu, au paiement sur cette somme des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention conclue entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signée le 5 octobre 1989, ainsi que le protocole et l'échange de lettres qui y sont associés ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Sogefi SpA ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un État à un résident de l'autre État sont imposables dans cet autre État. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'État dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés qui a détenu directement ou indirectement, pendant une période d'au moins douze mois précédant la date de la décision de distribution des dividendes, au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes (...). Les dispositions du présent paragraphe n'affectent pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. / 3. (...) b. Une société résidente d'Italie, visée au paragraphe 2-a), ou relevant de la législation italienne applicable aux sociétés mères, qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un 'avoir fiscal' s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet 'avoir fiscal' diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2. (...) " ; que les sociétés mères italiennes qui perçoivent des dividendes distribués par une société française tiraient directement de ces stipulations un droit au paiement, par le Trésor français, d'une somme égale à la moitié, diminuée d'une retenue à la source fixée à 5% par le a) paragraphe 2 de l'article 10, de l'avoir fiscal que la loi fiscale française attacherait à la perception des mêmes dividendes par un résident de France ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de l'année 2004, les sociétés de droit français dénommées " Sogefi Filtration ", " Allevard Rejna Autosuspensions " et " Filtrauto " ont respectivement versé, à la société de droit italien Sogefi SpA qui contrôlait plus de 99 % du capital de chacune d'entre elles, les sommes de 1 597 600, 9 997 817 et 9 602 790 euros, à titre de dividendes ; que le 3 août 2005, la société italienne a demandé à l'administration fiscale française, à titre principal et sur le fondement des stipulations citées ci-dessus du b) du 3 de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne, le remboursement de la moitié des avoirs fiscaux correspondant à chacune de ces sommes, diminuée de la retenue à la source de 5 % prévue au a) du 2 du même article ; que l'administration fiscale n'a fait droit qu'à la demande subsidiaire de la société, tendant au remboursement des sommes acquittées par les sociétés distributrices françaises au titre de cette retenue à la source ; que la société italienne a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant, notamment, à ce qu'il soit fait droit à sa demande de remboursement principale ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter ces conclusions, la cour administrative d'appel de Paris s'est notamment fondée sur ce qu'en mettant fin, pour les sociétés mères françaises, au mécanisme d'avoir fiscal, les dispositions de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004 auraient éteint le droit à remboursement conféré par la convention aux sociétés mères italiennes, à raison des dividendes perçus de source française par ces dernières à compter du 1er janvier 2004 ;

3. Considérant que, par le 1° du A du I de l'article 93 de la loi de finances pour 2004, le législateur a notamment abrogé, en premier lieu, l'article 158 bis du code général des impôts selon lequel les personnes percevant des dividendes distribués par des sociétés françaises disposaient à ce titre d'un revenu constitué par les sommes reçues de ces sociétés et par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor, en deuxième lieu, l'article 209 bis qui rendait applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France les dispositions des articles 158 bis et 158 ter, dans la mesure où le revenu distribué était compris dans la base de l'impôt sur les sociétés, et disposait que le crédit d'impôt était reçu en paiement de cet impôt, en troisième lieu, l'article 209 quater prévoyant que le bénéfice de l'avoir fiscal pouvait être étendu, selon des modalités fixées par accord diplomatique, aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions ; que, toutefois, en vertu des dispositions du deuxième alinéa du D du I de l'article 93 de la même loi, cette abrogation n'était applicable, pour les personnes autres que physiques, qu'aux crédits d'impôt " utilisables à compter du 1er janvier 2005 " ; qu'en outre, le VI de l'article 95 de cette loi prévoyait notamment la possibilité d'imputer, sous certaines conditions, les avoirs fiscaux attachés aux produits des participations donnant droit à l'application du régime des sociétés mères alors prévu aux articles 145 et suivants du code général des impôts, sur le prélèvement de 25% que le I et le IX du même article instituaient, à titre exceptionnel, sur le montant net des distributions mises en paiement au cours de l'année 2005 et portant sur des bénéfices qui n'avaient pas été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal ou résultaient d'exercice clos depuis plus de cinq ans ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions de la loi de finances pour 2004 mentionnées au point précédent, éclairées par les travaux préparatoires à leur adoption, qu'en adoptant le deuxième alinéa du D du I de l'article 93, le législateur n'a pas entendu prévoir qu'aucun avoir fiscal ne serait plus attaché à la perception, par des personnes morales établies en France, de revenus régulièrement distribués par des sociétés françaises au cours de l'année 2004, mais décider qu'à compter du 1er janvier 2005, les actionnaires français autres que les personnes physiques ne pourraient plus utiliser, en paiement de l'impôt sur les sociétés, les crédits d'impôt résultant de l'avoir fiscal attaché aux dividendes qui leur auraient été distribués par des sociétés françaises en 2004 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il incombait seulement aux juges d'appel, pour établir l'étendue du droit à remboursement que la société Sogefi SpA tirait des stipulations du b) du 3 de l'article 10 de la convention bilatérale, de rechercher si un avoir fiscal aurait été attaché aux dividendes mentionnés au point 2, dans l'hypothèse où ils auraient été régulièrement distribués aux mêmes dates à un résident de France, et non de rechercher si ce résident aurait été en droit d'utiliser, pour le paiement d'un impôt, l'avoir fiscal attaché, le cas échéant, à ces dividendes ; que, dès lors, en jugeant qu'un tel droit avait été nécessairement éteint du seul fait de l'intervention de la loi de finances pour 2004, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

6. Considérant que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Sogefi SpA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à cette société, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 13 avril 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Sogefi SpA une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sogefi SpA et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360223
Date de la décision : 23/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 2015, n° 360223
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Béreyziat
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:360223.20150323
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