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19/03/2015 | FRANCE | N°368849

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 19 mars 2015, 368849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer, d'une part, la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 juillet 2006 et, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er août 2006 au 31 décembre 2007. Par un jugement n° 0708441, 0900220 du 12 octobre 2010, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à ses de

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Par un arrêt n° 11VE00281 du 7 mars 2013, la cour administrative d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer, d'une part, la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 juillet 2006 et, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er août 2006 au 31 décembre 2007. Par un jugement n° 0708441, 0900220 du 12 octobre 2010, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à ses demandes.

Par un arrêt n° 11VE00281 du 7 mars 2013, la cour administrative d'appel de Versailles, sur le recours du ministre de l'économie et des finances, a annulé ce jugement et a remis à la charge de Mme B...les impositions litigieuses.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai et 27 août 2013, ainsi que le 5 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11VE00281 du 7 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de MmeB....

Considérant ce qui suit :

Sur l'étendue du litige :

1. Par une décision en date du 30 janvier 2014, postérieure à l'introduction du pourvoi, le ministre délégué, chargé du budget, a accordé à MmeB..., la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er août 2006 au 31 décembre 2007. Dès lors, les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué sont devenues, dans cette mesure, sans objet.

Sur les conclusions restant en litige :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R*. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ". Si ces dispositions ménagent au ministre chargé du budget un délai d'appel qui peut excéder celui dont le contribuable dispose, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, pour saisir la cour administrative d'appel territorialement compétente d'une requête tendant à l'annulation d'un jugement de tribunal administratif, même lorsque le tribunal en cause a statué sur des pénalités fiscales, le contribuable conserve néanmoins la faculté, y compris lorsque le ministre a saisi la cour après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, outre de présenter des observations en défense, de former un appel incident en vue de contester les pénalités qui étaient en litige devant le tribunal, quand bien même le ministre ne contesterait que les impositions dont ce tribunal aurait déchargé le contribuable. Par ailleurs, le contribuable est en mesure d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application de l'article R*. 200-18 du livre des procédures fiscales, en signifiant directement au ministre, seul compétent pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification. Dans ces conditions, les dispositions de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales ne sauraient être regardées comme portant atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations ".

4. Le décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application des dispositions mentionnées au point 3, n'ont été publiés que le 27 mars 2007. Durant la période du 1er décembre 2004 au 31 mars 2007, les actes d'ostéopathie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, pour certains actes, sur prescription médicale, par les masseurs-kinésithérapeutes, en vertu de la réglementation de leur profession, notamment des articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique.

5. Il résulte de ce qui précède que, pour décider de la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par Mme B...sur ses prestations d'ostéopathie, la cour devait vérifier que celle-ci démontrait disposer, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalentes à celles fournies selon le cas par un médecin ou par un masseur-kinésithérapeute. Une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués. Est en revanche sans incidence, pour apprécier la nature de ces actes au regard de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en cause, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé a pu ultérieurement faire valoir certains éléments relatifs à sa pratique professionnelle, lors de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues à l'article 16 du décret du 25 mars 2007 mentionné au point 4.

6. Il appartenait, dès lors, à MmeB..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B...n'a produit aucun élément relatif à sa pratique professionnelle pour la période du 1er janvier 2004 au 31 juillet 2006. Dès lors, en relevant qu'elle se prévalait seulement de la formation suivie dans une école d'ostéopathie et de sa durée d'expérience professionnelle et en en déduisant qu'elle n'établissait pas que les actes d'ostéopathie qu'elle avait accomplis pouvaient être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués, selon le cas, par un médecin ou par un masseur-kinésithérapeute pratiquant l'ostéopathie, auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit.

8. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que Mme B... n'établissait pas que les actes d'ostéopathie qu'elle avait accomplis auraient pu être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués, selon le cas, par un médecin ou par un masseur-kinésithérapeute pratiquant l'ostéopathie, auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, la cour n'a pas méconnu les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial, telles qu'elles découlent des stipulations de l'article 1er du premier protocole à cette convention.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, en tant que celui-ci a remis à sa charge les droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 juillet 2006.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à MmeB..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêt du 7 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant que celui-ci a remis à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er août 2006 au 31 décembre 2007.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à Mme A...B....


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 368849
Date de la décision : 19/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mar. 2015, n° 368849
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:368849.20150319
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