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16/03/2015 | FRANCE | N°372875

France | France, Conseil d'État, 1ère / 6ème ssr, 16 mars 2015, 372875


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 octobre 2013, 22 avril 2014 et 4 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie-CGT (FNME-CGT), agissant en exécution d'une ordonnance du 30 octobre 2012 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'interpréter l'article 14 § 6 du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé

par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 comme impliquant le versement aux agen...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 octobre 2013, 22 avril 2014 et 4 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie-CGT (FNME-CGT), agissant en exécution d'une ordonnance du 30 octobre 2012 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'interpréter l'article 14 § 6 du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 comme impliquant le versement aux agents affectés dans les départements d'outre-mer d'une indemnité équivalente à celle que perçoivent les fonctionnaires de l'Etat, constituée par la majoration de traitement, le complément temporaire à la majoration de traitement et, le cas échéant, l'indice de correction ;

2°) d'apprécier la légalité des dispositions du paragraphe 212 de la circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976 des directeurs généraux des sociétés Electricité de France et Gaz de France relative à la nationalisation de l'électricité dans les départements d'outre-mer - intégration du personnel dans celui d'Electricité de France, en ce qu'il ne prévoit pas le versement aux agents en service dans les départements d'outre-mer de l'intégralité des compléments de rémunération perçus par les fonctionnaires de l'Etat y étant affectés ;

3°) de mettre à la charge de la société Electricité de France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 ;

- la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

- la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 ;

- la loi n° 75-622 du 11 juillet 1975 ;

- le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ;

- le décret n° 47- 2412 du 31 décembre 1947 ;

- le décret n° 49-55 du 11 janvier 1949 ;

- le décret n° 57-87 du 28 janvier 1957 ;

- le décret n° 57-333 du 15 mars 1957 ;

- la circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976 des directeurs généraux des sociétés Electricité de France et Gaz de France relative à la nationalisation de l'électricité dans les départements d'outre-mer - intégration du personnel dans celui d'Electricité de France ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de l'Electricité de France et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de la société Albioma Le Gol et autres ;

Sur l'intervention des sociétés Albioma le Gol, Albioma Bois-Rouge, Albioma Le Moule et Albioma Caraïbes :

1. Considérant que les sociétés Albioma le Gol, Albioma Bois-Rouge, Albioma Le Moule et Albioma Caraïbes ont intérêt à ce que le paragraphe 212 de la circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976 des directeurs généraux des sociétés Electricité de France et Gaz de France soit déclaré légal ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;

Sur les conclusions à fin d'interprétation de l'article 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières :

2. Considérant que l'article 52 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz prévoyait, dans sa rédaction initiale, que : " La présente loi est applicable à l'Algérie et aux colonies dans les conditions qui seront fixées par décrets pris en conseil des ministres et dans un délai n'excédant pas un an " ; que ces décrets ne sont pas intervenus ; que, toutefois, le paragraphe 6 de l'article 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, approuvé par le décret du 22 juin 1946, a prévu que : " Les agents en service dans les territoires d'outre-mer bénéficieront de l'intégralité des indemnités coloniales applicables aux fonctionnaires de l'Etat dans les mêmes territoires " ;

3. Considérant que la distinction faite par la Constitution du 27 octobre 1946 entre les " départements d'outre-mer " et les " territoires d'outre-mer " n'existait pas à la date d'adoption du statut national du personnel des industries électriques et gazières ; que, eu égard notamment à l'utilisation, par la loi du 8 avril 1946, du terme " colonies " pour désigner l'ensemble des territoires non métropolitains autres que l'Algérie, le décret du 22 juin 1946, pris en application de cette loi, doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant également désigné, par l'expression de " territoires d'outre-mer ", l'ensemble de ces territoires non métropolitains, dont la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion, alors même que ceux-ci avaient été érigés en départements par la loi du 19 mars 1946 ;

4. Considérant, par ailleurs, que les termes " indemnités coloniales " doivent être interprétés comme correspondant aux rémunérations complémentaires accordées, en vertu du décret du 2 mars 1910 portant règlement sur la solde et les allocations accessoires des fonctionnaires, employés et agents des services coloniaux ou locaux, aux fonctionnaires de l'Etat affectés outre-mer, à raison de cette affectation, et destinées, notamment, à compenser le niveau du coût de la vie ;

Sur les conclusions à fin d'appréciation de la légalité du paragraphe 212 de la circulaire Pers 684 du 28 juin 1976 des directeurs généraux des sociétés Electricité de France et Gaz de France :

5. Considérant que la loi du 11 juillet 1975 a procédé à la nationalisation de la production, du transport, de la distribution, de l'importation et de l'exportation de l'électricité dans les départements d'outre-mer et a notamment rendu applicable aux agents des entreprises nationalisées, intégrés au sein du personnel d'Electricité de France, le statut réglementaire du personnel, prévu à l'article 47 de la loi du 8 avril 1946 et approuvé par le décret du 22 juin 1946 ; qu'à la suite de l'entrée en vigueur de cette loi est intervenue la circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976 relative à la nationalisation de l'électricité dans les départements d'outre-mer - intégration du personnel dans celui d'EDF ; que cette circulaire comprend un paragraphe 212, intitulé " indemnités versées dans le cadre de l'article 14 paragraphe 6 du statut national, " indemnité spéciale DOM ", qui dispose que " les agents perçoivent une " indemnité spéciale DOM " égale à 25 % du salaire national de base affecté de leur coefficient hiérarchique (catégorie - classe - échelon) " ;

6. Considérant que le décret du 31 décembre 1947 a prévu qu'à compter du 1er janvier 1948, les fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion cesseraient d'être soumis à la réglementation sur la solde et les accessoires de solde coloniaux ; que ce décret, à titre transitoire, puis la loi du 3 avril 1950 et les décrets pris pour son application, ont modifié le mode de rémunération des fonctionnaires de l'Etat affectés dans les départements d'outre-mer ; que si ces textes législatifs et réglementaires ont maintenu le principe d'un complément de rémunération bénéficiant aux fonctionnaires de l'Etat à raison de leur affectation dans ces départements et s'ils répondent ainsi, en partie, aux mêmes préoccupations que les anciennes indemnités que prévoyait, en faveur des fonctionnaires affectés dans les colonies, le décret du 2 mars 1910, leurs modalités d'attribution et de calcul, reposant sur une majoration fixée en pourcentage des traitements de base, sont entièrement différentes de celles que retenait ce décret ; que, dans ces conditions, les textes législatifs et réglementaires adoptés entre 1947 et 1975 ont privé d'effet le paragraphe 6 de l'article 14 du statut ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que le paragraphe 212 de la circulaire serait entaché d'illégalité en tant qu'il méconnaîtrait l'article 14 du statut ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention des sociétés Albioma le Gol, Albioma Bois-Rouge, Albioma Le Moule et Albioma Caraïbes est admise.

Article 2 : L'article 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières doit être interprété conformément aux motifs de la présente décision.

Article 3 : Les conclusions de la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie-CGT tendant à ce que le paragraphe 212 de la circulaire Pers n° 684 du 28 juin 1976 des directeurs généraux des sociétés Electricité de France et Gaz de France relative à la nationalisation de l'électricité dans les départements d'outre-mer - intégration du personnel dans celui d'Electricité de France soit déclaré illégal sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie-CGT (FNME-CGT), aux sociétés Electricité de France, GDF Suez, Albioma le Gol, Albioma Bois-Rouge, Albioma Le Moule et Albioma Caraïbes, au Premier ministre, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 1ère / 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 372875
Date de la décision : 16/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en interprétation

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2015, n° 372875
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:372875.20150316
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