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02/03/2015 | FRANCE | N°358179

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 02 mars 2015, 358179


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 358179, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 avril 2012, 25 juin 2012 et 30 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union commerciale industrielle et artisanale de Saint-Pol et ses environs (UCIA) et la SARL Stadium demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° 1193 T/1194 T du 1er février 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2

011 de la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 358179, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 avril 2012, 25 juin 2012 et 30 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union commerciale industrielle et artisanale de Saint-Pol et ses environs (UCIA) et la SARL Stadium demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° 1193 T/1194 T du 1er février 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2011 de la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais autorisant la SARL Le Parc des Moulins à créer, sur le territoire de la commune d'Herlin-le-Sec, un hypermarché à l'enseigne " Match " d'une surface de vente de 2551 mètres carrés ainsi qu'un espace boulangerie-pâtisserie de 20 mètres carrés au sein du pôle restauration de ce magasin.

2° Sous le n° 358849, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 avril 2012 et 12 juillet 2013, la SARL OGEDIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même décision n° 1193 T/1194 T du 1er février 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2011 de la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais autorisant la SARL Le Parc des Moulins à créer, sur le territoire de la commune d'Herlin-le-Sec, un hypermarché à l'enseigne " Match " d'une surface de vente de 2551 mètres carrés ainsi qu'un espace boulangerie-pâtisserie de 20 mètres carrés au sein du pôle restauration de ce magasin ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SARL Le Parc des Moulins une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de commerce ;

- le code l'urbanisme ;

- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l'Union commerciale industrielle et artisanale de Saint-Pol et ses environs (UCIA) et la SARL Stadium ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l'Union commerciale industrielle et artisanale de Saint-Pol et ses environs, de la SARL Stadium et de la SARL OGEDIS sont dirigées contre la même décision. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

Sur les interventions présentées par la communauté de communes " Les Vertes Collines du Saint-Polois " et par la société supermarchés Match :

2. La communauté de communes " Les Vertes Collines du Saint-Polois ", qui exerce des compétences en matière d'action économique, et la société supermarchés Match, qui a vocation à exploiter l'hypermarché dont la CNAC a autorisé la création par la décision en litige, justifient d'un droit auquel la présente décision est susceptible de préjudicier. Leurs interventions sont donc recevables.

Sur les fins de non-recevoir présentées par la CNAC et par la SARL Le Parc des Moulins :

3. En premier lieu, la CNAC soutient que les requêtes présentées par l'UCIA et la SARL Stadium, d'une part, et par la SARL OGEDIS, d'autre part, sont irrecevables au motif qu'elles ne respecteraient pas les conditions de délais prévues pour introduire un recours contre sa décision. En vertu des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le délai imparti pour introduire un recours contre une décision de la CNAC est de deux mois à compter de la notification de cette décision. La décision attaquée est datée du 1er février 2012. La requête de l'UCIA et de la SARL Stadium, qui a été enregistrée le 2 avril 2012, a donc, en tout état de cause, été introduite dans le délai franc de deux mois imparti pour former un recours contre cette décision. De même, la requête de la SARL OGEDIS, qui a été enregistrée le 25 avril 2012, a, en tout état de cause, été introduite dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée qui lui a été adressée par courrier du secrétariat de la CNAC daté du 1er mars 2012. Il suit de là que les fins de non-recevoir opposées par la CNAC doivent être écartées.

4. En second lieu, la SARL Le Parc des Moulins soutient que les requérantes n'auraient pas intérêt à agir contre la décision qu'elles attaquent. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la SARL Stadium et la SARL OGEDIS exploitent respectivement un magasin d'articles de sport et un magasin " Carrefour market " situés dans la zone de chalandise du projet en litige, sur l'activité desquels, eu égard au caractère généraliste des produits commercialisés, le projet en litige devrait avoir une incidence économique directe et certaine. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'UCIA a pour objet social la défense des intérêts du commerce, de l'industrie et de l'artisanat de la ville de Saint-Pol, laquelle est située dans la zone de chalandise du projet et de ses environs. Il suit de là que les requérantes justifient bien d'un intérêt à agir contre la décision qu'elles attaquent. Les fins de non-recevoir opposées par la SARL Le Parc des Moulins ne peuvent, par suite, qu'être écartées.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

En ce qui concerne les moyens relatifs à la décision de la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais :

5. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce qu'en raison des pouvoirs conférés à la commission nationale d'aménagement commercial, ses décisions se substituent à celles de la commission départementale contestées devant elle. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la décision de la commission départementale d'aménagement commercial du 22 septembre 2011 ne peuvent utilement être invoqués à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de la CNAC du 1er février 2012.

6. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la CNAC doivent comporter des mentions attestant de la régularité de sa composition. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la CNAC aurait été irrégulièrement composée lors de sa séance du 1er février 2012, qui n'est au demeurant pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté.

7. En troisième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des termes mêmes du procès-verbal de la séance de la CNAC du 1er février 2012 que le commissaire du Gouvernement a bien présenté les avis des ministres intéressés sur le projet en litige avant de faire connaître son propre avis. Par suite, le moyen tiré de ce que ce dernier aurait omis, avant d'exposer son propre avis, de procéder à la présentation des avis des ministres intéressés ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, il est soutenu que la CNAC aurait entaché sa décision d'illégalité en autorisant la création du projet en litige alors que la société pétitionnaire ne disposerait pas de la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société Hélios promotion, à laquelle la SARL Le Parc des Moulins s'est substituée pour le dépôt du dossier de demande d'autorisation d'aménagement commercial et pour l'élaboration des contrats, est titulaire d'une promesse de vente des terrains d'assiette du projet. Il suit de là que la CNAC pouvait se fonder sur ces éléments pour retenir que la pétitionnaire justifiait bien d'un titre l'habilitant à construire au sens de l'article R. 752-6 du code de commerce. Le moyen doit donc être écarté.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce :

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes de la décision attaquée, que la CNAC, qui a procédé à l'examen du respect, par le projet en litige, des différents objectifs prévus à l'article L. 752-6 du code de commerce, doit être regardée comme ayant apprécié la conformité de ce projet aux dispositions de cet article. Par suite, le moyen tiré de ce que la CNAC aurait exercé un contrôle de compatibilité du projet avec ces dispositions alors qu'elle aurait dû exercer un contrôle de conformité doit être écarté.

11. Il est soutenu, en deuxième lieu, que la CNAC aurait méconnu l'objectif d'aménagement du territoire mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce au motif qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'impact du projet en litige sur l'animation de la vie urbaine et rurale et sur les flux de véhicules. La CNAC a relevé que le projet en litige, implanté dans une zone destinée à accueillir des équipements commerciaux aura pour effet de contribuer au confort d'achat des consommateurs et de rééquilibrer la localisation des commerces à prédominance alimentaire au sud de l'agglomération de Saint-Pol-sur-Ternoise, tout en réduisant les flux de véhicules. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du dossier de demande d'autorisation soumis par la pétitionnaire, que le projet engendrera un flux d'environ 1 145 véhicules particuliers par jour, qui pourra être absorbé par les infrastructures routières desservant le site, à savoir la RD 23, la RD 916 et la RD 939. Il résulte de ce qui précède que la CNAC a correctement apprécié l'impact du projet en matière d'aménagement du territoire. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. En troisième lieu, il est soutenu que le projet en litige méconnaîtrait l'objectif de développement durable mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce au motif que la CNAC n'aurait pas correctement apprécié l'insertion dans les réseaux de transports collectifs, l'insertion paysagère et la qualité environnementale du projet, en particulier en matière de gestion de l'eau. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier que le site du projet ne sera accessible que par le moyen de véhicules particuliers et ne sera desservi par aucune piste cyclable ou cheminement piétonnier, cette circonstance ne justifie pas, à elle seule, le refus de l'autorisation sollicitée. D'autre part, il ressort du rapport des services instructeurs qu'un dispositif spécifique de traitement des eaux pluviales sera mis en place, ainsi qu'un dispositif de traitement des eaux de voirie. Par ailleurs, la CNAC a relevé que l'aspect des façades du magasin comportera l'emploi de larges bardages composites en bois et que les espaces verts représenteront quinze pour cent de la surface du site. Il résulte de ce qui précède que la CNAC a correctement apprécié l'impact du projet en matière de développement durable. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme et de la loi du 3 août 2009 :

13. En premier lieu, les requérantes soutiennent que la CNAC ne pouvait légalement autoriser le projet en litige au motif qu'il comporterait la création d'infrastructures dans les bandes des 100 mètres jouxtant une voie expresse, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. Toutefois, les autorisations d'aménagement commercial et les autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes. Il suit de là que les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de ce que les terrains d'assiette du projet seraient inconstructibles en application des dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme.

14. En second lieu, les requérantes soutiennent qu'en autorisant le projet en litige, la CNAC aurait méconnu les objectifs de gestion économe des sols et de lutte contre la régression des surfaces agricoles et naturelles prévus par les dispositions des articles L. 110 du code de l'urbanisme et de la loi du 3 août 2009 de programmation relative au Grenelle de l'environnement. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 12, les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 110 du code de l'urbanisme pour demander l'annulation d'une décision de la CNAC. D'autre part, les dispositions de la loi du 3 août 2009, prises sur le fondement de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution relatif aux lois de programmation, se bornent à fixer des objectifs à l'action de l'Etat et sont, dès lors, dépourvues de portée normative. Elles ne peuvent, par suite, être utilement invoquées à l'encontre de la décision attaquée. Il suit de là que le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance du droit de la concurrence :

15. Si les requérantes soutiennent que l'autorisation renforce la position dominante du pétitionnaire dans la zone de chalandise et entraîne, dès lors, un risque d'abus de position dominante, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorisation aurait, par elle-même, pour effet d'entraîner un abus de position dominante dans la zone de chalandise du projet par la société supermarchés Match. Il suit de là que le moyen doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent.

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la SARL Le Parc des Moulins qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des requérantes la somme de 1 500 euros à verser à la SARL Le Parc des Moulins sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions de la communauté de communes " Les Vertes Collines du Saint-Polois " et de la société supermarchés Match sont admises.

Article 2 : Les requêtes de l'UCIA, de la SARL Stadium et de la SARL OGEDIS sont rejetées.

Article 3 : L'UCIA, la SARL Stadium et la SARL OGEDIS verseront chacune la somme de 1 500 euros à la SARL Le Parc des Moulins.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union commerciale industrielle et artisanale de Saint-Pol et ses environs, à la SARL Stadium, à la SARL OGEDIS, à la SARL Le Parc des Moulins, à la société supermarchés Match, à la communauté de communes " Les Vertes Collines du Saint-Polois " et à la Commission nationale d'aménagement commercial.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 358179
Date de la décision : 02/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mar. 2015, n° 358179
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Jolivet
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:358179.20150302
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