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11/02/2015 | FRANCE | N°376500

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 11 février 2015, 376500


Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, le décret n° 2013-992 du 6 novembre 2013 portant modification de l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier les dispositions attaquées dans un délai maximum de quatre mois sous une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à

la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des disposi...

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, le décret n° 2013-992 du 6 novembre 2013 portant modification de l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier les dispositions attaquées dans un délai maximum de quatre mois sous une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code des transports, notamment son article L. 5552-17 ;

Vu le code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, notamment son article R. 6 ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. A...;

1. Considérant que par une décision n° 348219 rendue le 16 mai 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a enjoint au Premier ministre de prendre les dispositions réglementaires permettant l'attribution, en application de l'article L. 5552-17 du code des transports, du bénéfice de la bonification pour services militaires accomplis en temps de guerre aux titulaires de pension relevant du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc, en fonction de la nature et de la durée de ces services ; que M.A..., marin retraité, demande au Conseil d'Etat l'annulation du décret du 6 novembre 2013 portant modification de l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance pour prévoir l'attribution de la bonification aux marins ayant accompli leurs obligations militaires en Afrique du Nord pendant la période de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ;

En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de cet acte ; que, le décret attaqué n'appelant pas de mesure d'exécution de la part du ministre de la défense ou du ministre des anciens combattants, le moyen tiré du défaut de contreseing de ces ministres doit être écarté ;

3. Considérant que si M. A...soutient qu'il n'est pas établi que le décret attaqué ne comporte pas de dispositions ajoutées après la consultation du Conseil d'Etat en méconnaissance des règles d'édiction des décrets en Conseil d'Etat, il ressort des pièces transmises par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et communiquées au requérant que le moyen manque en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :

Sur les conclusions dirigées contre l'article 1er :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5552-17 du code des transports : " Par dérogation à l'article L. 5552-14 entrent en compte pour le double de leur durée : / 1° Les services militaires et les temps de navigation active et professionnelle accomplis en période de guerre ; / (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. " ; qu'aux termes de l'article R. 6 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance : " En application du 1° de l'article L. 5552-17 du code des transports, comptent pour le double de leur durée : / (...) / D. - Pendant la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, les services militaires embarqués au large des côtes algériennes, tunisiennes et marocaines et les services militaires à terre en Algérie, en Tunisie et au Maroc durant lesquels le marin a pris part à une action de feu ou de combat ou a subi le feu. / L'exposition invoquée en faveur de ce bénéfice sera établie par les archives collectives de l'unité à laquelle les marins étaient rattachés ou l'unité concernant le secteur dans lequel se sont produites ces actions. " ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 5552-17 du code des transports qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer les conditions d'application de cet article et, en particulier, de déterminer la nature et la durée des services permettant l'octroi de la bonification dont ces dispositions ont institué le principe ; qu'en prévoyant que comptaient pour le double de leur durée, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, les services militaires embarqués au large des côtes algériennes, tunisiennes et marocaines et les services militaires à terre en Algérie, en Tunisie et au Maroc durant lesquels le marin a pris part à une action de feu ou de combat ou a subi le feu, l'auteur du décret attaqué n'a pas méconnu ces dispositions ;

6. Considérant que l'auteur du décret attaqué n'a pas davantage méconnu l'autorité de la chose jugée par la décision précitée n° 348219, laquelle enjoignait au Premier ministre de prendre les dispositions réglementaires permettant l'attribution du bénéfice pour le calcul de leur pension, de la bonification prévue par l'article L. 5552-17 du code des transports, aux titulaires de pensions relevant du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc et accompli à ce titre des services militaires en période de guerre, en fonction de la nature et de la durée de ces services ;

7. Considérant que si les dispositions en vigueur applicables à d'autres conflits ont prévu la possibilité d'obtenir le bénéfice de la bonification pour services militaires accomplis en temps de guerre pour l'intégralité de la période de service sans exiger la preuve d'une participation jour par jour, le pouvoir réglementaire n'était tenu par aucun texte ni aucun principe d'adopter au cas présent des dispositions analogues ; qu'il appartenait à celui-ci de définir les conditions du bénéfice de cet avantage eu égard aux circonstances particulières de chacun de ces conflits ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 1er de son premier protocole additionnel doit être écarté ;

Sur les conclusions dirigées contre l'article 2 :

8. Considérant que la loi du 18 octobre 1999 a substitué aux mots : " aux opérations effectuées en Afrique du Nord " les mots : " à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc " aux articles L. 1er bis, L. 243, L. 253 bis et L. 401 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi qu'à l'article L. 321-9 du code de la mutualité ; qu'il ne résulte ni des termes de la loi, ni de ses travaux préparatoires que le législateur ait entendu donner une portée rétroactive aux dispositions qu'il a édictées, seule à même de permettre la révision des pensions liquidées avant leur entrée en vigueur ; que le moyen tiré de ce que le décret du 6 novembre 2013 serait entaché d'une discrimination illégale en ce qu'il ne permet pas la révision des pensions liquidées avant le 19 octobre 1999 ne peut ainsi être utilement invoqué ; que le requérant ne peut davantage utilement invoquer les règles appliquées aux marins ayant servi en Indochine, dès lors qu'elles ont été mises en oeuvre sur le fondement de dispositions législatives distinctes ;

9. Considérant qu'aucun texte, notamment pas la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, ni aucun principe ou stipulation conventionnelle n'imposait au pouvoir réglementaire de prévoir le paiement d'intérêts moratoires calculés à compter de la liquidation de la pension ; que, par ailleurs, en prévoyant que la révision de la pension n'ouvrait pas droit à intérêt de retard, l'auteur du décret attaqué n'a pas entendu déroger à la règle générale selon laquelle les intérêts moratoires calculés à compter de la date de la demande de révision doivent être payés en cas de retard apporté au versement des sommes dues ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A... dirigées contre le décret attaqué doivent être rejetées ainsi que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A...;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au Premier ministre, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 376500
Date de la décision : 11/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2015, n° 376500
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:376500.20150211
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