Vu la procédure suivante :
1° Par une requête et par deux mémoires en réplique, enregistrés les 14 juin 2013, 15 janvier 2014 et 19 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 369365, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 12 décembre 2012 fixant les composantes T1 définitive pour 2011 et provisionnelle pour 2012 du taux de la cotisation de la Société nationale des chemins de fer français au régime de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français.
2° Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 octobre 2013, 2 janvier 2014 et 19 juin 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société nationale des chemins de fer français demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté interministériel du 29 juillet 2013 fixant les composantes T1 définitive pour 2012 et provisionnelle pour 2013 du taux de la cotisation de la Société nationale des chemins de fer français au régime de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2007-730 du 7 mai 2007;
- le décret n° 2007-1056 du 28 juin 2007;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier-Roland Tabuteau, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la Société nationale des chemins de fer français ;
1. Considérant que les ressources du régime de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) sont notamment constituées, en application de l'article 1er du décret du 28 juin 2007, du produit des cotisations dues par les agents du cadre permanent de la Société nationale des chemins de fer français et par cet établissement public ; qu'en vertu du I de l'article 2 du même décret, le taux de cotisation à la charge de la SNCF est la somme de deux composantes, désignées par les sigles T1 et T2 ;
2. Considérant que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, la SNCF demande l'annulation des arrêtés des 12 décembre 2012 et 29 juillet 2013 par lesquels les ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et des transports ont fixé, d'une part, le taux T1 définitif de la cotisation à la charge de la Société nationale des chemins de fer français pour l'année 2011 et le taux T1 provisionnel de la même cotisation pour l'année 2012 et, d'autre part, les taux T1 définitif pour 2012 et provisionnel pour 2013 ;
Sur la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2012 :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ;
4. Considérant que l'arrêté attaqué du 12 décembre 2012 fixant certaines composantes du taux de la cotisation de l'employeur au régime de retraite du personnel de la SNCF présente le caractère d'un acte réglementaire ; que, par suite, le délai de recours à son encontre court à compter de sa publication ;
5. Considérant que l'arrêté attaqué a été publié au Journal officiel de la République française du 18 décembre 2012 ; que, par suite, les recours gracieux dirigés contre cet arrêté, reçus par le ministre des affaires sociales et de la santé, par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et par le ministre de l'économie et des finances le jeudi 21 février 2013, ont été formés après l'expiration du délai de recours contentieux et n'ont pu conserver ce délai au profit de la requérante ; que, dès lors, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 juin 2013, soit plus de deux mois après la publication de l'arrêté attaqué au Journal officiel, a été présentée tardivement ; qu'elle doit, par suite, être rejetée ;
Sur la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2013 :
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du II de l'article 2 du décret 28 juin 2007 relatif aux ressources de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français : " Le taux T1 est déterminé chaque année afin de couvrir, déduction faite du produit des cotisations salariales, les montants qui seraient dus si ses salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire mentionnés à l'article L. 921-4 du code de la sécurité sociale " ; qu'en application du 3° du même II de l'article 2, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français régie par le décret du 7 mai 2007 doit, afin de déterminer le taux T1 provisionnel, calculer chaque année à partir des déclarations et des informations dont elle dispose au titre de l'exercice précédent le rapport entre les montants des cotisations qui seraient dues au titre du régime général et des régimes de retraite complémentaire et l'assiette de cotisations correspondant à la rémunération des agents, et en soustraire le taux de la cotisation à la charge de ces derniers ; que la caisse soumet ensuite les " calculs conduisant à ce taux " aux ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et des transports, lesquels fixent par arrêté le montant du taux provisionnel T1 ;
7. Considérant qu'en vertu du 6° du II de l'article 2 du même décret : " Le taux définitif de la cotisation à la charge de la Société nationale des chemins de fer français est calculé, une fois l'année écoulée, par la caisse, à partir des éléments d'assiette mentionnés au 1° dont elle dispose pour cette année. Il est transmis aux ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et des transports, et est approuvé par l'arrêté mentionné au 5° " ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient aux ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et des transports de déterminer, pour la fixation du taux T1, les catégories d'agents du cadre permanent de la Société nationale des chemins de fer français qui, s'ils en relevaient, entreraient dans le champ d'application du régime de retraite complémentaire résultant de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et géré par l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, le régime de prévoyance et de retraite qu'elle institue s'applique obligatoirement aux ingénieurs et cadres ; qu'en vertu de l'article 4 bis de la même convention, les employés, techniciens et agents de maîtrise bénéficiant d'une rémunération supérieure à un certain niveau ou placés dans des positions hiérarchiques équivalentes à celles ouvrant droit à une telle rémunération sont assimilés aux ingénieurs et cadres et entrent dans son champ d'application ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la directive RH0001 relative au statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, que les agents de la SNCF relevant des catégories D et E de l'échelle des classifications en vigueur dans l'entreprise et qui s'échelonne de A à H, font partie du collège " Maîtrise " et que les cadres supérieurs et les agents relevant des catégories F, G et H font partie du collège " Cadres " ; qu'il résulte également de la directive RH0254 intitulée " Dispositions applicables aux personnels contractuels " et de la directive RH0403 précisant les taux et assiettes de calcul des cotisations des personnels contractuels de la SNCF que les agents contractuels classés " dans une qualification d'assimilation égale ou supérieure à " C " " sont soumis au taux de cotisation du régime de l'AGIRC ;
11. Considérant que, pour contester la décision attaquée, la SNCF se borne à se prévaloir de la lettre du 20 octobre 2009 par laquelle le directeur général de l'AGIRC avait, en réponse à sa demande, fait part d'une étude de ses services selon laquelle les personnels ayant la qualification D et ceux ayant la qualification E, à l'exception des agents " reconnus dirigeants de proximité " avaient un emploi ne présentant pas les caractéristiques permettant de bénéficier du régime de retraite des cadres ; qu'elle ne produit aucune analyse des rémunérations perçues ni des fonctions exercées par les agents relevant des différentes catégories de personnel au regard des critères de classification permettant d'entrer dans le champ d'application du régime de retraite complémentaire résultant de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré de ce que les ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et des transports auraient méconnu les dispositions de l'article 2 du décret du 28 juin 2007 en estimant, pour fixer à 22,91 % le taux T1 définitif de la cotisation à la charge de la SNCF pour l'année 2012 et à 23,11 % le taux T1 provisionnel de la même cotisation pour l'année 2013, que les personnels du cadre permanent de la SNCF dont la classification est D ou E devaient être regardés, pour le calcul du taux T1, comme relevant du régime de retraite complémentaire résultant de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;
13. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de la violation des articles L. 2261-15 à L. 2261-31 du code du travail, qui régissent l'extension et l'élargissement des conventions collectives, ne peut être utilement invoqué, dès lors que la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 n'est pas applicable aux agents du cadre permanent de la SNCF ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Société nationale des chemins de fer français tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2013 doit être rejetée ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la Société nationale des chemins de fer français sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société nationale des chemins de fer français, à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre des finances et des comptes publics.