Vu la procédure suivante :
1° Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 367253 les 28 mars 2013, 28 juin 2013 et 15 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... C...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, à la suite de sa demande adressée le 26 novembre 2012, a refusé d'abroger l'article 1er du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger cet article dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.
2° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 367257 les 28 mars et 28 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...H...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, à la suite de sa demande adressée le 26 novembre 2012, a refusé d'abroger l'article 1er du même décret ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger cet article dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.
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3° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 367258 les 28 mars et 28 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... F...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, à la suite de sa demande adressée le 26 novembre 2012, a refusé d'abroger l'article 1er du même décret ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger cet article dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.
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4° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 367259 les 28 mars et 28 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... G...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre, à la suite de sa demande adressée le 26 novembre 2012, a refusé d'abroger l'article 1er du même décret ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger cet article dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du même code.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. C...et autres ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1151-3 du code de la santé publique : " Les actes à visée esthétique dont la mise en oeuvre présente un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret après avis de la Haute autorité de santé (...) " ; que, sur le fondement de ces dispositions, le décret du 11 avril 2011, pris après l'avis de la Haute autorité de santé du 16 décembre 2010, a interdit par son article 1er la mise en oeuvre de cinq techniques de lyse adipocytaire à visée esthétique et à caractère invasif utilisant des injections de solutions hypo-osmolaires, des injections de produits lipolytiques (phosphatidylcholine ou déoxycholate de sodium), des injections de mélanges mésothérapeutiques, la carboxythérapie ainsi que le laser transcutané sans aspiration ;
2. Considérant que, saisi par MM.C..., H..., F...et G...de demandes tendant à l'abrogation des dispositions de l'article 1er du décret du 11 avril 2011, le Premier ministre a rejeté implicitement ces demandes ; que, par des requêtes qu'il y a lieu de joindre, MM.C..., H..., F...et G...demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;
3. Considérant qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne des dispositions des articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier par l'arrêt rendu le 19 mai 2009 dans les affaires C-171/07 et C-172/07, que la liberté d'établissement et la libre prestation de services peuvent faire l'objet de restrictions justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, dès lors que ces mesures s'appliquent de manière non discriminatoire, sont propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; que la mesure d'interdiction des cinq techniques de lyse adipocytaire à visée esthétique et à caractère invasif mentionnées à l'article 1er du décret du 11 avril 2011 constitue une entrave à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services ;
4. Considérant, toutefois, en premier lieu, que la protection de la santé publique figure parmi les raisons impérieuses d'intérêt général qui peuvent, en vertu des articles 52 et 62 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, justifier des restrictions, respectivement, à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services ; qu'à cet égard, il ressort des pièces des dossiers que le refus implicite d'abroger les dispositions litigieuses repose sur un motif tiré de ce que les techniques de lyse adipocytaire en cause présentent une suspicion de danger grave pour la santé humaine ; qu'il est constant que le rapport d'évaluation de la Haute autorité de santé sur la mise en oeuvre de ces techniques a relevé l'existence, pour certains patients, de complications telles que des nécroses des tissus, des infections cutanées et des lésions nodulaires ; qu'au regard de la gravité de ces complications, malgré l'absence de données disponibles sur leur taux de survenance au regard du nombre d'actes réalisés, et des incertitudes attachées à leurs modalités de survenance, la restriction contestée repose sur des raisons impérieuses d'intérêt général ; qu'en deuxième lieu, cette restriction s'applique sans discrimination tenant à la nationalité ou à l'Etat membre d'établissement des professionnels auxquels elle s'adresse ; qu'enfin, la mesure litigieuse apporte aux libertés en cause une restriction à la fois propre à atteindre l'objectif de protection de la santé publique qu'elle poursuit et proportionnée au regard de la gravité des complications susceptibles de survenir à la suite de la mise en oeuvre des techniques considérées, dont la finalité est exclusivement esthétique ; que, par suite, les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article 1er du décret du 11 avril 2011 seraient contraires aux articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être écartés ; que les requérants, qui n'invoquent aucune modification des circonstances de droit depuis l'adoption du décret du 11 avril 2011 et qui se bornent à mentionner, sans l'assortir de précisions suffisantes, l'existence de nouvelles publications scientifiques, ne sont pas davantage fondés à soutenir que les décisions par lesquelles le Premier ministre a refusé d'abroger l'article 1er de ce décret seraient illégales, au motif que ce texte serait lui-même devenu illégal ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions qu'ils attaquent ; que leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des requérants les contributions pour l'aide juridique qu'ils ont acquittées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de MM.C..., H..., F...et G...sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D...C..., à M. A...H..., à M. E...F..., à M. B...G..., au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Copie en sera adressée pour information à la Haute autorité de santé.