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26/01/2015 | FRANCE | N°373746

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 26 janvier 2015, 373746


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1306577-9 du 29 novembre 2013, enregistrée le 5 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Versailles a transmis la requête de M. A...B...au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351 2 du code de justice administrative.

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2013 au greffe du tribunal administratif de Versailles, M. B...demande au juge administratif :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2013 par laquelle le recteur

d'académie de Paris a déclaré irrecevable sa candidature pour le second conc...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1306577-9 du 29 novembre 2013, enregistrée le 5 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Versailles a transmis la requête de M. A...B...au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351 2 du code de justice administrative.

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2013 au greffe du tribunal administratif de Versailles, M. B...demande au juge administratif :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2013 par laquelle le recteur d'académie de Paris a déclaré irrecevable sa candidature pour le second concours national d'agrégation de droit public ;

2°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris de réexaminer dans les plus brefs délais la recevabilité de sa candidature ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2011-333 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...demande l'annulation de la décision du 22 octobre 2013 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté comme irrecevable sa candidature au second concours national d'agrégation en droit public au motif qu'il ne remplissait pas la condition d'âge minimum de quarante ans au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours prévue par la réglementation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 49-2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, avant sa modification par le décret n° 2014-997 du 2 septembre 2014 : " Dans les disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion, deux concours nationaux d'agrégation sont organisés pour chaque discipline : (...) 2° Le second concours est ouvert aux maîtres de conférences et maîtres-assistants âgés, au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours, d'au moins quarante ans et comptant à cette même date au moins dix années de service dans un établissement d'enseignement supérieur d'un Etat de la Communauté européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans un autre établissement d'enseignement supérieur au titre d'une mission de coopération culturelle, scientifique et technique en application de la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 susmentionnée " ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, transposant notamment la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (...) son âge (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité : (...) / 2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur (...) l'âge (...) est interdite en matière (...) d'accès à l'emploi, d'emploi, (...) ainsi que de (...) promotion professionnelle. / Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée " ; qu'il résulte enfin de l'article 5 de la même loi que ces dispositions sont applicables à toutes les personnes publiques ;

3. Considérant que les dispositions précitées du décret du 6 juin 1984 réservent un traitement moins favorable aux personnes qui n'ont pas atteint le seuil d'âge de quarante ans par rapport à celles qui ont atteint cet âge en les privant de la possibilité de présenter leur candidature au second concours national d'agrégation en droit public ; que l'application de ce critère conduit à traiter de façon différente des personnes qui présentent les titres et les conditions d'expérience professionnelle requis par la réglementation, la différence de traitement se fondant exclusivement sur le critère de l'âge respectif de ces personnes ; que, ce faisant, le décret attaqué instaure une discrimination directe fondée sur l'âge au sens du 1er alinéa de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 précité ; que, si le ministre chargé de l'enseignement supérieur fait valoir que cette discrimination se justifie par la nécessité de limiter le nombre de candidats au second concours afin de préserver les perspectives de promotion des maîtres de conférence les plus âgés, il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard aux conditions de titre et d'ancienneté déjà exigées par l'article 49-2 du décret du 6 juin 1984 pour pouvoir postuler au second concours d'agrégation, l'admission à concourir des candidats répondant à ces conditions mais n'ayant pas atteint l'âge de quarante ans serait, en raison du nombre ou du profil de ces candidats, de nature à empêcher la promotion des maîtres de conférence plus âgés ; que la discrimination litigieuse ne répond donc pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante ; qu'il en résulte que la condition d'âge figurant à l'article 49-2 du décret du 6 juin 1984 méconnaît les dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 et que la décision de rejet de la candidature de M.B..., qui n'est fondée que sur ce motif, est illégale ; que l'intéressé est par suite fondé à demander l'annulation de cette décision ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'il résulte de l'instruction que le concours auquel M. B...avait présenté sa candidature est achevé ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Paris de réexaminer sa candidature ne peuvent qu'être rejetées ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 22 octobre 2013 du recteur de l'académie de Paris est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée pour information au Défenseur des droits.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 373746
Date de la décision : 26/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - ÉGALITÉ DEVANT LA LOI - LOI DU 27 MAI 2008 (RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS) - CONDITION D'ÂGE MINIMAL POUR UN CONCOURS - SECOND CONCOURS D'AGRÉGATION EN DROIT PUBLIC - DISCRIMINATION.

01-04-03-01 Décret n° 84-431 du 6 juin 1984 prévoyant une condition d'âge minimal de quarante ans pour se présenter au second concours national d'agrégation en droit public.... ,,Ces dispositions réservent un traitement moins favorable aux personnes qui n'ont pas atteint le seuil d'âge de quarante ans par rapport à celles qui ont atteint cet âge et conduit à traiter de façon différente des personnes qui présentent les titres et les conditions d'expérience professionnelle requis par la réglementation, la différence de traitement se fondant exclusivement sur le critère de l'âge respectif de ces personnes. Si le ministre chargé de l'enseignement supérieur fait valoir que cette différence de traitement en fonction de l'âge se justifie par la nécessité de limiter le nombre de candidats au second concours afin de préserver les perspectives de promotion des maîtres de conférence les plus âgés, il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard aux conditions de titre et d'ancienneté déjà exigées par le décret du 6 juin 1984 pour pouvoir postuler au second concours d'agrégation, l'admission à concourir des candidats répondant à ces conditions mais n'ayant pas atteint l'âge de quarante ans serait, en raison du nombre ou du profil de ces candidats, de nature à empêcher la promotion des maîtres de conférence plus âgés. Dès lors, cette différence de traitement ne répond pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Il en résulte que cette condition d'âge constitue une discrimination qui méconnaît les dispositions de l'article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTRÉE EN SERVICE - CONCOURS ET EXAMENS PROFESSIONNELS - ADMISSION À CONCOURIR - CONDITION D'ÂGE MINIMAL POUR L'ADMISSION À CONCOURIR - SECOND CONCOURS D'AGRÉGATION EN DROIT PUBLIC - DISCRIMINATION EN L'ESPÈCE.

36-03-02-01 Décret n° 84-431 du 6 juin 1984 prévoyant une condition d'âge minimal de quarante ans pour se présenter au second concours national d'agrégation en droit public.... ,,Ces dispositions réservent un traitement moins favorable aux personnes qui n'ont pas atteint le seuil d'âge de quarante ans par rapport à celles qui ont atteint cet âge et conduit à traiter de façon différente des personnes qui présentent les titres et les conditions d'expérience professionnelle requis par la réglementation, la différence de traitement se fondant exclusivement sur le critère de l'âge respectif de ces personnes. Si le ministre chargé de l'enseignement supérieur fait valoir que cette différence de traitement en fonction de l'âge se justifie par la nécessité de limiter le nombre de candidats au second concours afin de préserver les perspectives de promotion des maîtres de conférence les plus âgés, il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard aux conditions de titre et d'ancienneté déjà exigées par le décret du 6 juin 1984 pour pouvoir postuler au second concours d'agrégation, l'admission à concourir des candidats répondant à ces conditions mais n'ayant pas atteint l'âge de quarante ans serait, en raison du nombre ou du profil de ces candidats, de nature à empêcher la promotion des maîtres de conférence plus âgés. Dès lors, cette différence de traitement ne répond pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Il en résulte que cette condition d'âge constitue une discrimination qui méconnaît les dispositions de l'article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2015, n° 373746
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:373746.20150126
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