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14/01/2015 | FRANCE | N°386334

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 14 janvier 2015, 386334


Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société laboratoire Glaxosmithkline France, représentée par son représentant légal, dont le siège est 100, route de Versailles à Marly-le-Roi (78163) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 20 octobre 2014 du ministre des finances et des comptes publics et de la ministre des affaires soc

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Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société laboratoire Glaxosmithkline France, représentée par son représentant légal, dont le siège est 100, route de Versailles à Marly-le-Roi (78163) ; la société requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 20 octobre 2014 du ministre des finances et des comptes publics et de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes refusant d'inscrire la spécialité Benlysta sur la liste des spécialités pharmaceutiques mentionnées à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre aux ministres concernés, à titre principal, de procéder à cette inscription dans le délai d'un mois à compter de l'ordonnance ou, subsidiairement, de réexaminer cette demande d'inscription ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision litigieuse porte un préjudice grave et immédiat à la santé publique et à l'intérêt des patients ;

- il existe un doute sérieux quant à sa légalité ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, à titre principal, en ce que l'absence de comparateur pertinent fait obstacle à ce que le motif tiré de ce que le niveau d'amélioration du service médical rendu (ASMR) de la spécialité Benlysta serait mineur soit pris en considération et, à titre subsidiaire, en ce que l'appréciation qu'elle porte sur l'ASMR de cette spécialité repose sur des paramètres non pertinents ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit dès lors que le rapport entre l'efficacité et les effets indésirables de la spécialité Benlysta ne peut pas être considéré comme moyen et que ce motif n'est pas de nature à justifier un refus d'inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques mentionnées à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2015, présenté par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui conclut au rejet de la requête ;

elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 janvier 2015, présenté pour la société requérante, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la condition d'urgence est remplie et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, dès lors qu'elle méconnaît le droit de l'Union européenne, notamment les dispositions des 2° et 3° de l'article 6 de la directive n° 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 et est fondée sur une disposition législative qui le méconnaît ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société laboratoire Glaxosmithkline France, d'autre part, le ministre des finances et des comptes publics et la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 janvier 2015 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société laboratoire Glaxosmithkline France ;

- les représentants de la société laboratoire Glaxosmithkline France ;

- les représentants de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, l'Etat fixe la liste des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché dispensées aux patients hospitalisés dans les établissements de santé qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d'assurance maladie en plus des prestations d'hospitalisation prises en charge dans le cadre de forfaits en application du 1° de l'article L. 162-22-6 et de l'article R. 162-32 du même code ; qu'aux termes de l'article R. 162-42-7 de ce code : " La liste des spécialités pharmaceutiques et les conditions de prise en charge des produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale sur recommandation du conseil de l'hospitalisation " ;

4. Considérant que la société laboratoire Glaxosmithkline France, qui commercialise la spécialité " Benlysta ", demande la suspension de l'exécution de la décision du 20 octobre 2014 du ministre des finances et des comptes publics et de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes refusant d'inscrire cette spécialité sur la liste des spécialités pharmaceutiques mentionnées à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale ; que, pour justifier de l'urgence qui s'attacherait à cette suspension, la société fait valoir que la décision litigieuse porte un préjudice grave et immédiat à la santé publique en décourageant les établissements de santé de prescrire ce traitement aux patients susceptibles d'en bénéficier ; qu'elle se prévaut également de l'intérêt public qui commande que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne, tenant à la méconnaissance par la décision litigieuse des dispositions de la directive n° 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain, relatives à la motivation des décisions entrant dans son champ d'application ;

5. Considérant qu'il est constant que la spécialité " Benlysta " est le seul traitement de seconde intention disposant d'une autorisation de mise sur le marché susceptible d'être prescrit à des patients atteints d'un lupus systémique sévère en complément des traitements de première intention, dans le but d'améliorer leur efficacité ; que la décision litigieuse n'a pas pour effet de faire obstacle à la liberté de prescription de cette spécialité ; que si ce traitement ne peut être prescrit que dans un cadre hospitalier, il est, à ce titre, au moins partiellement pris en charge par l'assurance maladie dans le cadre des forfaits, mentionnés ci-dessus, dont il n'est pas établi, eu égard à leur mode de calcul, qu'ils constitueraient également un obstacle à la prescription du " Benlysta " ; que, s'il y a lieu, le cas échéant, dans la balance des intérêts à laquelle procède le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour apprécier si la condition d'urgence doit être regardée comme remplie, de tenir compte de ce que l'intérêt public commande que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne, cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas constitutive d'une situation d'urgence justifiant, par elle-même, la suspension de la décision contestée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie ; que dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de légalité soulevés par la société requérante, ses conclusions à fin de suspension doivent être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société laboratoire Glaxosmithkline France est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société laboratoire Glaxosmithkline France, au ministre des finances et des comptes publics et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 386334
Date de la décision : 14/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jan. 2015, n° 386334
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:386334.20150114
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