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02/01/2015 | FRANCE | N°386779

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 janvier 2015, 386779


Vu le recours, enregistré le 30 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1405323 du 12 décembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, a suspendu l'exécution des décisions du 28 novembre 2014 par lesquelles le préfet du Calvados a, d'une part, rejeté la demande d'admission provisoire

au séjour au titre de l'asile de M. B..., d'autre part, ordonné son pla...

Vu le recours, enregistré le 30 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1405323 du 12 décembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, a suspendu l'exécution des décisions du 28 novembre 2014 par lesquelles le préfet du Calvados a, d'une part, rejeté la demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile de M. B..., d'autre part, ordonné son placement en rétention administrative, en deuxième lieu, a suspendu l'exécution de la décision du 5 décembre 2014 par laquelle le préfet de la Manche a décidé de remettre M. B...aux autorités belges, en troisième lieu, a enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par M. B...dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance et, en dernier lieu, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. B... ;

il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge des référés a estimé qu'il a été porté une atteinte grave et manifestement illégale aux droits procéduraux de M. B...dans le cadre de la procédure de remise aux autorités belges dont il a fait l'objet ;

- c'est à tort que le premier juge des référés a estimé que le préfet du Calvados n'a pas établi avoir communiqué l'ensemble des informations requises par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 alors que le préfet a produit les pages de garde respectives de plusieurs brochures comportant ces informations ;

- c'est à tort que le premier juge des référés a considéré que la décision du 28 novembre 2014 ordonnant le placement en rétention de M. B...était dépourvue de base légale en l'absence de décision préalable de remise aux autorités d'un autre Etat membre de l'Union européenne ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2014, présenté par M. B..., qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le préfet du Calvados a violé l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en lui communiquant des brochures contenant des informations à la fois contradictoires et incomplètes ;

- le ministre ne peut se prévaloir d'une quelconque charge de la preuve exorbitante pour l'administration ;

- c'est à bon droit que le juge des référés de première instance a considéré que son maintien en rétention était entaché d'un défaut de base légale dès lors que ce dernier ne s'était pas vu préalablement notifier d'arrêté de réadmission susceptible de fonder son placement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Vu le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur, d'autre part, M. B...;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 janvier 2015 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du ministre de l'intérieur ;

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative de M. B... :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le placement en rétention administrative de M. B...a été autorisé, au plus tard, jusqu'au 23 décembre 2014 ; qu'il suit de là que les conclusions relatives à cette décision, qui n'est plus susceptible de recevoir exécution, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer ;

Sur les arrêtés du 28 novembre 2014 refusant l'admission au séjour de M. B... et du 5 décembre 2014 ordonnant sa remise aux autorités belges :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.B..., ressortissant pakistanais, a été interpellé en situation irrégulière à Cherbourg, le 27 novembre 2014 ; qu'il a présenté, le même jour, une demande d'asile ; qu'après avoir constaté, au moyen du fichier Eurodac, que l'intéressé avait déjà présenté une demande d'asile auprès de la Belgique, le 25 juillet 2014, le préfet du Calvados a refusé, par un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'admettre au séjour et a sollicité sa réadmission en Belgique ; qu'après avoir obtenu leur accord, le 4 décembre 2014, le préfet de la Manche a ordonné la remise de M. B...aux autorités belges, par un arrêté du 5 décembre 2014 ; que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a ordonné la suspension de l'exécution de ces deux arrêtés et a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la demande d'admission au séjour de M.B..., par une ordonnance du 12 décembre 2014 ; que le ministre de l'intérieur relève appel de cette ordonnance ;

4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative que l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient de cet article est subordonné au caractère grave et manifeste de l'illégalité à l'origine d'une atteinte à une liberté fondamentale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est même pas allégué que les conditions dans lesquelles la Belgique instruit la demande d'asile de M.B..., qui est actuellement pendante, seraient de nature à porter atteinte à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction ni n'est allégué de circonstances particulières de nature à justifier l'examen par la France de la demande d'asile présentée par M. B..., qui a transité par la France, depuis la Belgique, dans l'espoir de rejoindre l'Irlande ; que, dans ces conditions, la circonstance alléguée selon laquelle l'examen, par les autorités nationales, de la demande d'asile présentée en France par M. B...n'aurait pas été précédé d'une procédure ayant permis à celui-ci de recevoir l'intégralité des informations auxquelles il est en droit de prétendre n'est, en tout état de cause, pas de nature à caractériser une illégalité de nature à entraîner l'usage des pouvoirs conférés par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit aux conclusions de la demande de M. B...portant sur les arrêtés du 28 novembre et du 5 décembre 2014 ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M.B... ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions portant sur la décision du 28 novembre 2014 ordonnant le placement en rétention administrative de M.B....

Article 2 : L'ordonnance du 12 décembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions portant sur les arrêtés du 28 novembre 2014 refusant l'admission au séjour de M. B...et du 5 décembre 2014 ordonnant sa remise aux autorités belges.

Article 3 : La demande présentée en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, en tant qu'elle porte sur les arrêtés du 28 novembre 2014 et du 5 décembre 2014 ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A...B....


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 386779
Date de la décision : 02/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jan. 2015, n° 386779
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:386779.20150102
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