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30/12/2014 | FRANCE | N°382830

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème ssr, 30 décembre 2014, 382830


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 12 septembre 2012, la chambre de discipline du conseil central de la section E de l'ordre des pharmaciens a prononcé à l'encontre de Mme F...B..., épouseJ..., la sanction de l'interdiction définitive d'exercer la pharmacie.

Par une décision n° AD 3409 du 7 octobre 2013, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, saisie en appel par MmeB..., a refusé de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité. Par une décision rendue le 18 mars 2014 sous le même numéro,

elle a rejeté l'appel de Mme B...et fixé au 1er septembre 2014 la date d...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 12 septembre 2012, la chambre de discipline du conseil central de la section E de l'ordre des pharmaciens a prononcé à l'encontre de Mme F...B..., épouseJ..., la sanction de l'interdiction définitive d'exercer la pharmacie.

Par une décision n° AD 3409 du 7 octobre 2013, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, saisie en appel par MmeB..., a refusé de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité. Par une décision rendue le 18 mars 2014 sous le même numéro, elle a rejeté l'appel de Mme B...et fixé au 1er septembre 2014 la date d'effet de la sanction prononcée en première instance.

Par un pourvoi, enregistré le 18 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° AD 3409 du 18 mars 2014 de la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme K...G..., Mme E...H..., Mme D...C..., Mme I...A...et M. L...le versement d'une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme B...et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;

1. Considérant que les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique : " Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens est composé: / (...) 2° Du directeur général de la santé ou du pharmacien inspecteur de santé publique qu'il désigne à cet effet représentant le ministre chargé de la santé ; / 3° D'un pharmacien du service de santé représentant le ministre chargé de l'outre-mer ; / (...) / Les pharmaciens fonctionnaires représentant le ministre chargé de la santé et le ministre chargé de l'outre-mer assistent à toutes les délibérations avec voix consultative. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4234-10 du même code : " Lorsque les différents conseils statuent en matière disciplinaire sur saisine du ministre chargé de la santé ou du directeur général de l'agence régionale de santé, les représentants de l'Etat mentionnés aux articles L. 4231-4 et L. 4232-6 à L. 4232-15 ne siègent pas dans ces instances " ; qu'il résulte de ces dispositions que, sauf dans le cas où l'action disciplinaire a été engagée par le ministre chargé de la santé ou le directeur général de l'agence régionale de santé, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens comprend deux membres siégeant en qualité de représentants, respectivement, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'outre-mer et participant aux débats avec voix consultative ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions, en ce qu'elles prévoient la présence au sein de la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, fût-ce avec voix consultative, de membres siégeant en qualité de représentants de ministres, porte atteinte au principe d'indépendance des juridictions garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel, en application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée et d'annuler la décision du 7 octobre 2013 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a refusé de transmettre cette question au Conseil d'Etat ;

5. Considérant qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur le pourvoi de Mme B...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché cette question prioritaire de constitutionnalité ;

6. Considérant que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens n'a pas la qualité de partie à l'instance et n'est, par suite, pas recevable à demander qu'une somme soit mise à la charge de Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 4231-4 du code de la santé publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La décision du 7 octobre 2013 du Conseil national de l'ordre des pharmaciens est annulée.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de Mme B...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché cette question de constitutionnalité.

Article 4 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme F...B...et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème ssr
Numéro d'arrêt : 382830
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-10-10 PROCÉDURE. - CONTESTATION D'UN REFUS DE TRANSMISSION DEVANT LE CONSEIL D'ETAT - CRITÈRES D'APPRÉCIATION - CRITÈRES POSÉS PAR L'ARTICLE 23-2 DE L'ORDONNANCE ORGANIQUE N° 58-1067 DU 7 NOVEMBRE 1958 - ABSENCE - CRITÈRES POSÉS PAR L'ARTICLE 23-5 DE L'ORDONNANCE ORGANIQUE N° 58-1067 DU 7 NOVEMBRE 1958 - EXISTENCE.

54-10-10 Le CE apprécie la régularité d'un refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au regard des critères de l'article 23-5 de l'ordonnance organique n° 58-1067 du 7 novembre 1958, qui prévoit un renvoi en cas de question nouvelle ou sérieuse, et non au regard des critères de l'article 23-2 qu'a appliqués la juridiction qui a refusé de renvoyer, qui prévoit une transmission au Conseil d'Etat lorsque la question n'est pas dépourvu de tout sérieux. Par suite, si le Conseil d'Etat estime la question sérieuse, il la renvoie au Conseil constitutionnel et annule la décision de refus de transmission.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2014, n° 382830
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:382830.20141230
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