1°, sous le n° 382235, par un recours, enregistré le 7 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance n° 1403566 du 26 juin 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble dont il demande l'annulation par le pourvoi enregistré sous le n° 382236 ;
2°, sous le n° 382236, par un pourvoi, enregistré le 7 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1403566 du 26 juin 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suspendu l'exécution de la décision 48SI du 18 avril 2014 constatant l'invalidité du permis de conduire de M. A...B...pour solde de point nul et lui enjoignant de le restituer aux services préfectoraux ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M.B... ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M.B... ;
1. Considérant que le recours et le pourvoi formés par le ministre de l'intérieur sont dirigés contre la même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le pourvoi n° 382236 :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 18 avril 2014, le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. B...pour solde de points nul ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 26 juin 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M.B..., suspendu l'exécution de cette décision en jugeant, d'une part, que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie et, d'autre part, que le moyen tiré de ce que les informations prévues par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route n'avaient pas été communiquées à l'intéressé préalablement aux retraits de points consécutifs aux infractions des 17 avril et 3 mai 2011 créait, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive (...) " ; qu'en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 223-3 et de l'article R. 223-3 du même code, lorsqu'il est fait application de la procédure d'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'information remise ou adressée par le service verbalisateur doit porter, d'une part, sur le fait que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale établit la réalité de l'infraction dont la qualification est précisée et entraîne un retrait de points correspondant à cette infraction et, d'autre part, sur l'existence d'un traitement automatisé de points et la possibilité d'exercer son droit d'accès à ces informations ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les procès-verbaux des infractions relevées les 17 avril et 3 mai 2011 mentionnent la nature des infractions et les dispositions du code de la route les sanctionnant, et mentionne également que ces infractions sont susceptibles d'entraîner le retrait de points correspondant et que le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention, lequel contient l'information exigée par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que ces procès-verbaux sont revêtus de la signature de M.B... ; que, dès lors, en estimant propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision critiquée le moyen tiré de ce que l'administration n'avait pas rapporté la preuve de ce que l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route avait été délivrée à M.B..., le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur la demande de M. B...tendant à la suspension de la décision du ministre de l'intérieur du 18 avril 2014 ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;
8. Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution de la décision du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité de son permis de conduire, M. B...soutient, d'une part, qu'il n'a pas bénéficié de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, préalablement aux retraits de points de son permis de conduire à raison des infractions commises les 1er août 2009, 17 avril 2011, 2 mai 2011, 3 mai 2011, 21 novembre 2011 et 29 août 2013 et, d'autre part, que les retraits de points ne lui ont pas été notifiés ; qu'aucun de ces moyens n'est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du ministre de l'intérieur ;
9. Considérant que l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 18 avril 2014 du ministre de l'intérieur doit être rejetée ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il résulte par ailleurs de ces mêmes dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ; que les éléments avancés par le ministre de l'intérieur indiquant que ce type de recours représente une charge importante pour ses services, sans faire état précisément d'autres frais que l'Etat aurait exposés pour défendre à l'instance, ne sont pas de nature à justifier qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M.B... ;
Sur le recours n° 382235 :
11. Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat statue sur le pourvoi formé par le ministre de l'intérieur contre l'ordonnance du 26 juin 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis de cette ordonnance sont devenues sans objet ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 26 juin 2014 est annulée.
Article 2 : La demande de suspension présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'intérieur présentées devant le tribunal administratif de Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de M. B...présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 382235 du ministre de l'intérieur.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....