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30/12/2014 | FRANCE | N°369477

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 30 décembre 2014, 369477


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 18 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1204335 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant au versement d'une somme de 2 834,80 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de l'absence d'indemnisation forfait

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 18 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1204335 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant au versement d'une somme de 2 834,80 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de l'absence d'indemnisation forfaitaire des heures supplémentaires qu'elle a accomplies du 15 avril 2008 au 8 novembre 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Vu le décret n° 2000-194 du 3 mars 2000 ;

Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

Vu le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 ;

Vu le décret n° 2005-517 du 13 mai 2005 ;

Vu le décret n° 2008-341 du 15 avril 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de MmeA... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., fonctionnaire du corps de commandement de la police nationale depuis le 1er septembre 1995, a été affectée à l'Institut national de police scientifique le 1er décembre 2004 en qualité d'expert ; qu'elle a, par une lettre du 8 novembre 2011, sollicité du ministre de l'intérieur le versement d'une somme de 2 834,80 euros au titre du préjudice résultant pour elle de l'absence d'indemnisation forfaitaire des heures supplémentaires effectuées depuis le 15 avril 2008 ; qu'à la suite du refus qui lui a été opposé par le ministre de l'intérieur, elle a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

2. Considérant, en premier lieu, que le décret en Conseil d'Etat du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature fixe au I de son article 3 des règles d'organisation du travail et prévoit, au II du même article, qu'il peut être dérogé à ces règles par décret en Conseil d'Etat lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens ; que, sur ce fondement, le décret en Conseil d'Etat du 23 octobre 2002 a dérogé, pour les fonctionnaires actifs de la police nationale, aux garanties minimales de durée du travail et de repos ; que ce décret a prévu, en son article 2, que les fonctionnaires concernés bénéficient, en contrepartie des sujétions en résultant, " indépendamment des avantages spécifiques qu'ils tiennent de leur statut, soit d'une compensation indemnitaire, soit d'une dérogation à la durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures, soit de repos compensateurs, égaux ou équivalents aux services excédentaires accomplis, accordés à titre individuel et dans des conditions fixées par un arrêté du ministre de l'intérieur " ; qu'il résulte de ces dispositions que tout fonctionnaire actif de la police nationale doit, en contrepartie des sujétions de service auxquelles il est soumis, bénéficier d'une compensation pouvant prendre la forme d'une indemnité, d'une dérogation à la durée annuelle de travail ou de repos compensateurs ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 1er du décret du 3 mars 2000 fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-340 du 15 avril 2008, dispose que : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale, à l'exclusion des fonctionnaires du corps de conception et de direction et du corps de commandement peuvent, lorsqu'ils sont amenés à effectuer des services supplémentaires non susceptibles de donner lieu à récupération, bénéficier d'une indemnité pour services supplémentaires " ; que le décret n° 2008-341 du 15 avril 2008 portant attribution d'une prime de commandement aux fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale, abrogeant un décret du 27 février 1998 ayant le même objet, a prévu à son article 3 une modulation forfaitaire de cette prime pour tenir compte des sujétions de toute nature inhérentes à l'exercice des fonctions ainsi qu'une majoration de son montant pour les officiers soumis à un régime horaire spécifique ; que ce régime indemnitaire forfaitaire constitue la compensation, prévue par les dispositions de l'article 2 du décret du 23 octobre 2002, du régime dérogatoire d'organisation du travail applicable aux fonctionnaires de ce corps ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 13 mai 2005 portant attribution d'une indemnité d'expertise aux personnels de la police nationale en fonctions à l'Institut national de police scientifique : " Une indemnité d'expertise peut être allouée aux personnels de la police nationale en fonctions à l'Institut national de police scientifique (INPS) et concourant aux expertises judiciaires (...) " ; que l'article 5 du même décret prévoit dans son premier alinéa que l'indemnité d'expertise peut être modulée dans la limite de 30 % du montant moyen mensuel pour les experts et de 20 % du montant moyen mensuel pour les autres catégories afin de tenir compte des difficultés de l'expertise et de la qualité des travaux réalisés ; que l'indemnité ainsi instituée ne vise pas à prendre en compte les sujétions résultant d'une organisation dérogatoire du temps de travail et ne constitue dès lors pas une compensation indemnitaire au sens de l'article 2 du décret du 23 octobre 2002 ;

5. Considérant, enfin, que cette indemnité d'expertise - qui peut être allouée à des fonctionnaires bénéficiant de l'indemnité pour services supplémentaires et dont le régime et les conditions d'octroi n'ont fait l'objet d'aucune modification après la réforme de la prime de commandement opérée par le décret n° 2008-341 du 15 avril 2008 - est, en vertu des dispositions du second alinéa de l'article 5 du décret du 13 mai 2005, exclusive de l'attribution de la prime de commandement ; que les dispositions de cet alinéa, qui font obstacle à ce que les fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale en fonctions au sein de l'Institut national de la police scientifique perçoivent une forme quelconque de compensation des sujétions de service auxquelles ils sont soumis, méconnaissent celles de l'article 2 du décret en Conseil d'Etat du 23 octobre 2002 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en jugeant que la majoration de la prime d'expertise prévue par le décret du 13 mai 2005 pouvait servir à indemniser forfaitairement les services supplémentaires accomplis par les fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale en fonctions au sein de l'Institut national de la police scientifique, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 avril 2013 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 369477
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2014, n° 369477
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:369477.20141230
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