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30/12/2014 | FRANCE | N°366899

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 30 décembre 2014, 366899


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars 2013, 18 juin 2013 et 20 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-53 du 15 janvier 2013 relatif au régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 0

00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars 2013, 18 juin 2013 et 20 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2013-53 du 15 janvier 2013 relatif au régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ;

- le décret n° 2006-366 du 27 mars 2006 ;

- le décret n° 2012-769 du 24 mai 2012 ;

- le décret n° 2012-772 du 24 mai 2012 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la fédération nationale des syndicats des mines et de l'énergie CGT.

1. Considérant que le décret du 15 janvier 2013 relatif au régime spécial de retraite du personnel des industries électriques et gazières, pris sur le fondement de l'article 47 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, d'une part, a prévu que les pensions servies par trimestre d'avance par la Caisse nationale des industries électriques et gazières seraient désormais versées mensuellement par avance et, d'autre part, a procédé à la modification des règles applicables à l'indemnité de secours immédiat versée aux ayants droit en cas de décès d'un agent ou d'un retraité des industries électriques et gazières ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47 de la loi du 8 avril 1946 : " Des décrets pris sur le rapport des ministres du travail et de la production industrielle, après avis des organisations syndicales les plus représentatives des personnels, déterminent le statut du personnel en activité et du personnel retraité et pensionné des entreprises ayant fait l'objet d'un transfert " ; que, pour l'application de ces dispositions, au regard des compétences exercées en 1946 respectivement par le ministre du travail et par le ministre de la production industrielle, les ministres au rapport desquels doivent désormais être pris les décrets relatifs au statut du personnel retraité et pensionné des industries électriques et gazières sont le ministre chargé de la sécurité sociale et le ministre chargé de l'énergie ; que, d'une part, en vertu du décret n° 2012-769 du 24 mai 2012 relatif à ses attributions, le ministre des affaires sociales et de la santé a reçu compétence pour préparer et mettre en oeuvre " les règles relatives aux régimes et à la gestion des organismes de sécurité sociale ainsi qu'aux organismes complémentaires, en matière d'assurance vieillesse (...) " ; que, d'autre part, en vertu du décret n° 2012-772 du 24 mai 2012 relatif à ses attributions, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a reçu compétence pour élaborer et mettre en oeuvre " la politique de l'énergie " ; qu'il est constant que le décret attaqué a été pris au rapport de ces deux ministres ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière faute d'avoir été pris, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 47 de la loi du 8 avril 1946, au rapport du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ainsi qu'au rapport du ministre du redressement productif ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 45 de la même loi du 8 avril 1946 : " Le Conseil supérieur de l'énergie est consulté sur : / 1° L'ensemble des actes de nature réglementaire émanant de l'Etat intéressant le secteur de l'électricité ou du gaz, à l'exception de ceux qui relèvent du domaine de compétence de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (...) " ; qu'en vertu de l'article 16 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, relève de la compétence de la Caisse nationale des industries électriques et gazières la délivrance des prestations prévues par le statut national du personnel de ces industries et relatives à leur régime d'assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles ; que le Conseil supérieur de l'énergie, dont la consultation n'était ainsi pas requise, a toutefois été consulté sur le projet de décret litigieux ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce Conseil, dont les membres avaient préalablement reçu le projet de décret ainsi qu'un rapport de présentation, s'est prononcé sur ce texte, dans le respect de la règle de quorum fixée à l'article 9 du décret du 27 mars 2006, lors de sa séance du 23 septembre 2012 ; que, toutefois, aux termes de l'article 8 du même décret : " Une convocation écrite est envoyée aux membres du Conseil supérieur de l'énergie quatorze jours francs avant la date de la réunion. Le délai est réduit à six jours francs en cas d'urgence. / La convocation indique l'ordre du jour arrêté par le président sur proposition du commissaire du Gouvernement. Elle est accompagnée des documents nécessaires à l'examen des affaires inscrites (...) " ; qu'il est constant qu'une première convocation des membres du Conseil supérieur de l'énergie à la séance du 23 septembre 2012 leur a été envoyée quatorze jours francs avant la date de cette séance ; qu'ayant cependant omis de joindre à cette convocation les documents précités nécessaires à l'examen du projet de décret, l'administration leur a adressé une nouvelle convocation, six jours francs avant la séance du 23 septembre 2012 ; qu'en l'espèce, l'objet de la consultation du Conseil supérieur de l'énergie ne justifiait pas sa convocation dans le délai réduit prévu en cas d'urgence ; que les dispositions de l'article 8 du décret du 27 mars 2006 ont ainsi été méconnues ;

4. Considérant, toutefois, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'irrégularité mentionnée au point 3 ait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis rendu par le Conseil supérieur de l'énergie ou qu'elle ait privé les intéressés d'une garantie ; que, dès lors, cette irrégularité n'est pas de nature à entraîner l'annulation du décret attaqué ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

5. Considérant, en premier lieu, que selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 47 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, le statut national du personnel des entreprises électriques et gazières, " qui ne peut réduire les droits acquis des personnels en fonctions ou retraités à la date de la publication de la présente loi, mais qui peut les améliorer, se substituera de plein droit aux règles statutaires ou conventionnelles, ainsi qu'aux régimes de retraite ou de prévoyance antérieurement applicables à ces personnels " ; que si la fédération requérante soutient que le décret attaqué a méconnu ces dispositions en instituant, en lieu et place du service par trimestre d'avance, un service mensuel d'avance des pensions versées par la Caisse nationale des industries électriques et gazières, cette nouvelle modalité de versement, qui n'affecte ni la nature ni le montant des prestations en cause, ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme la remise en cause d'un droit acquis au sens des dispositions de l'article 47 de la loi du 8 avril 1946 ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " À compter du 1er janvier 2013, tout assuré pensionné d'un régime de retraite de base ou complémentaire versant des prestations par trimestre à échoir peut demander à percevoir sa pension selon une périodicité mensuelle. Cette option ne peut lui être refusée. Une fois exercée, l'option est irrévocable. L'assuré est informé de cette possibilité dans des conditions définies par décret " ; que si ces dispositions ouvrent le droit à l'assuré d'un régime versant des prestations par trimestre à échoir de percevoir sa pension selon une périodicité mensuelle, elles ne reconnaissent aucun droit au maintien d'un versement par trimestre à échoir au bénéfice des pensionnés des régimes prévoyant un tel mode de paiement des pensions à la date d'adoption de la loi ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elles feraient obstacle aux dispositions critiquées du décret attaqué ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME CGT), au Premier ministre et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 2014, n° 366899
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rémi Decout-Paolini
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/12/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 366899
Numéro NOR : CETATEXT000029998406 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2014-12-30;366899 ?
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