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30/12/2014 | FRANCE | N°360809

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 30 décembre 2014, 360809


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 5 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. B... A... ; M. A... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11NT00128 du 26 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement n° 0800135 du 10 novembre 2010 du tribunal administratif de Nantes, a remis à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 et les péna

lités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel d...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 5 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. B... A... ; M. A... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11NT00128 du 26 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement n° 0800135 du 10 novembre 2010 du tribunal administratif de Nantes, a remis à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 et les pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, M. A...s'est vu notifier, selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis de pénalités, au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005, à raison de prestations de psychothérapie pour lesquelles l'administration a estimé qu'il ne satisfaisait pas aux conditions prévues au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ; que M. A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur le recours du ministre chargé du budget, remis à sa charge ces impositions et pénalités, après avoir annulé le jugement du 10 novembre 2010 du tribunal administratif de Nantes qui avait fait droit à sa demande de décharge de celles-ci ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par (...) les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d'un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient, s'agissant des prestations de psychothérapie, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;

4. Considérant, toutefois, que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui des prestations fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, mentionné par la cour dans l'arrêt attaqué : " L'usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes. / L'inscription est enregistrée sur une liste dressée par le représentant de l'État dans le département de leur résidence professionnelle. (...) / L'inscription sur la liste visée à l'alinéa précédent est de droit pour les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations. / Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes visées aux deuxième et troisième alinéas " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour statuer sur la demande de décharge présentée par M. A..., qui se prévalait des dispositions citées au point 5, il appartenait à la cour, compte tenu de l'évolution de la réglementation nationale applicable aux prestations de soins en litige, d'interpréter la loi fiscale à la lumière des dispositions de la sixième directive, telles qu'interprétées par l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes ; qu'il suit de là qu'en jugeant qu'il n'était pas contraire au principe de neutralité fiscale de regarder les personnes exerçant l'activité de psychothérapeute sans être titulaires de l'un des diplômes désignés au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts comme insusceptibles de disposer, de ce seul fait, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui des prestations fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération et en refusant de surcroît expressément de prendre en considération les éléments que le contribuable lui avait soumis relatifs à ces qualifications, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dès lors, pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 avril 2012 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'État versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 360809
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - FISCALITÉ - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXONÉRATION DES SOINS À LA PERSONNE EFFECTUÉS DANS LE CADRE DES PROFESSIONS MÉDICALES ET PARAMÉDICALES (ART - 13 - A - § 1 - C DE LA 6È DIRECTIVE) - PORTÉE [RJ1].

15-05-11-01 Conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui des prestations fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - LÉGALITÉ ET CONVENTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS FISCALES - LOIS - TVA - EXONÉRATION DES SOINS DISPENSÉS DANS LE CADRE D'UNE PROFESSION MÉDICALE OU PARAMÉDICALE SOUMISE À RÉGLEMENTATION (ART - 261 - 4 - 1° DU CGI) - EXCLUSION DU CHAMP DE CETTE EXONÉRATION D'UNE PROFESSION OU D'UNE ACTIVITÉ SPÉCIFIQUE DE SOINS À LA PERSONNE - COMPATIBILITÉ AVEC LA SIXIÈME DIRECTIVE TVA (ART - 13 - A - § 1 - C) - EXISTENCE - SOUS RÉSERVE QUE LES PERSONNES EXERÇANT CETTE PROFESSION OU CETTE ACTIVITÉ NE DISPOSENT PAS DE QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES ASSURANT UN NIVEAU DE QUALITÉ ÉQUIVALENT À CELUI DES PERSONNES BÉNÉFICIANT DE L'EXONÉRATION [RJ1].

19-01-01-01-01 Conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui des prestations fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXEMPTIONS ET EXONÉRATIONS - EXONÉRATION DES SOINS DISPENSÉS DANS LE CADRE D'UNE PROFESSION MÉDICALE OU PARAMÉDICALE SOUMISE À RÉGLEMENTATION (ART - 261 - 4 - 1° DU CGI) - EXCLUSION DU CHAMP DE CETTE EXONÉRATION D'UNE PROFESSION OU D'UNE ACTIVITÉ SPÉCIFIQUE DE SOINS À LA PERSONNE - COMPATIBILITÉ AVEC LA SIXIÈME DIRECTIVE TVA (ART - 13 - A - § 1 - C) - EXISTENCE - SOUS RÉSERVE QUE LES PERSONNES EXERÇANT CETTE PROFESSION OU CETTE ACTIVITÉ NE DISPOSENT PAS DE QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES ASSURANT UN NIVEAU DE QUALITÉ ÉQUIVALENT À CELUI DES PERSONNES BÉNÉFICIANT DE L'EXONÉRATION [RJ1].

19-06-02-02 Conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui des prestations fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour les professions non réglementées, CE, 16 avril 2010, Barel, n°318941, T. pp. 678-703-754.

Cf. CJCE, 27 avril 2006, Solleveld et van den Hout-van Eijnsbergen, aff. C-443/04 et C-444/04, Rec. 2006 p. I-3617.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2014, n° 360809
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:360809.20141230
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