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23/12/2014 | FRANCE | N°372189

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 23 décembre 2014, 372189


Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association Défense permis banlieue, dont le siège est 17, rue Paul Langevin à Montreuil (93100) et la société LK Gestion, dont le siège est 63, boulevard Poniatowski à Paris (75012), représentée par son gérant en exercice ; l'association Défense permis banlieue et la société LK Gestion demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 juillet 2013 du ministre de l'intérieur relatif à l'apprentissage de la conduite des v

éhicules de la catégorie B à titre non onéreux ;

2°) de mettre à la charge ...

Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association Défense permis banlieue, dont le siège est 17, rue Paul Langevin à Montreuil (93100) et la société LK Gestion, dont le siège est 63, boulevard Poniatowski à Paris (75012), représentée par son gérant en exercice ; l'association Défense permis banlieue et la société LK Gestion demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 juillet 2013 du ministre de l'intérieur relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules de la catégorie B à titre non onéreux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2014, présentée par l'association Défense permis banlieue et autre ;

Vu le code de commerce, notamment son article L. 462-2 ;

Vu le code de la route ;

Vu le décret n° 2009-1590 du 18 décembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1 Considérant qu'aux termes de l'article R. 211-3 du code de la route, dans sa rédaction issue du décret du 18 décembre 2009 relatif à l'apprentissage de la conduite : " Pour apprendre à conduire un véhicule à moteur sur une voie ouverte à la circulation publique, en vue de l'obtention du permis de conduire, il faut : / 1° Etre âgé de seize ans minimum ; / 2° Etre détenteur d'un livret d'apprentissage établi dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé des transports, et précisant les objectifs et la progressivité de la formation ; / 3° Etre détenteur du formulaire de la demande de permis de conduire validée par le préfet du département dans lequel cette demande a été déposée, ou d'un récépissé du dépôt de la demande pour la catégorie B du permis de conduire délivré par le préfet pour une durée maximale de deux mois, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé des transports ; / 4° Etre, durant l'apprentissage, sous la surveillance constante et directe d'un enseignant, titulaire de l'autorisation d'enseigner la conduite des véhicules à moteur mentionnée aux articles L. 212-1 et R. 212-1 correspondant à la catégorie du véhicule utilisé, ou d'un accompagnateur titulaire, depuis au moins cinq ans sans interruption, du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule utilisée. L'accompagnateur doit avoir suivi, dans les conditions définies par arrêté du ministre chargé des transports, une formation spécifique le préparant à assurer cette fonction et à utiliser, dans de bonnes conditions, les dispositifs de double commande dont doit être équipé le véhicule conformément aux dispositions mentionnées à l'article R. 317-25. Toutefois, cette obligation de formation spécifique ne s'applique pas à l'accompagnateur exerçant cette fonction pendant les périodes dites d'apprentissage anticipé de la conduite, de conduite supervisée ou de conduite encadrée, mentionnées aux articles R. 211-5, R. 211-5-1 et R. 211-5-2 ; / 5° Utiliser, durant l'apprentissage, un véhicule conforme aux dispositions de l'article R. 317-25. " ;

2. Considérant que l'arrêté attaqué, relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules de la catégorie B à titre non onéreux, a été pris pour l'application des dispositions du 4° de cet article ; qu'il a notamment pour objet de définir la durée, le contenu et les conditions de validité de la formation dont doit être titulaire, en vertu du 4° de l'article R. 211-3 du code de la route cité ci-dessus, l'accompagnateur non professionnel d'un candidat libre au permis de conduire ; qu'en vertu de l'article 5 de cet arrêté, cette formation a une durée de quatre heures, comprenant une heure de théorie et trois heures de formation pratique ; qu'elle peut être dispensée soit dans un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière, soit dans une association d'insertion ou de réinsertion sociale ou professionnelle agréée au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route, soit dans un centre agréé de formation des candidats à l'un des titres ou diplômes exigés pour l'exercice de l'enseignement de la conduite ; que l'article 7 de cet arrêté dispose que l'attestation de formation à la fonction d'accompagnateur délivrée à l'issue de cette formation permet " l'encadrement de trois apprentis conducteurs au maximum, pour une durée maximale de cinq ans à compter de leur date de délivrance. / Chaque accompagnateur ne peut bénéficier que d'une seule attestation par période de cinq ans. " ;

Sur la légalité externe :

3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 462-2 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence est " obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; / (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que l'arrêté attaqué n'a pas pour effet d'instituer un régime nouveau ; qu'en outre, et en tout état de cause, il n'a pas davantage pour objet ou pour effet de soumettre l'accès au marché de la location de véhicules à double commande à des restrictions quantitatives ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation préalable de l'Autorité de la concurrence doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

5. Considérant, en premier lieu, que l'obligation faite à l'accompagnateur non professionnel d'un candidat libre au permis de conduire, pour l'utilisation d'un véhicule à double commande, de suivre une formation spécifique, ne résulte pas de l'arrêté attaqué mais de l'article 2 du décret du 18 décembre 2009 par lequel le 4° de l'article R. 211-3 cité ci-dessus a été modifié ; que la distinction introduite, par l'exigence d'une telle formation, entre les accompagnateurs de candidats libres au permis de conduire, et ceux intervenant dans le cadre de l'apprentissage anticipé, encadré ou supervisé de la conduite, a été légalement introduite par le décret du 18 décembre 2009, dont l'arrêté attaqué se borne à tirer les conséquences ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette distinction serait contraire au principe d'égalité ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si l'association Défense permis banlieue et la société LK Gestion soutiennent que les capacités de formation de ces accompagnateurs dans les centres agréés de formation au brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière sont limitées, il ressort des termes même de l'arrêté attaqué qu'en tout état de cause, ces formations peuvent être dispensées dans d'autres organismes ; que les requérantes n'établissent pas, en tout état de cause, que les établissements d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière, qui représentent la majorité des lieux dans lesquelles ces formations peuvent être dispensées, ne souhaiteraient ni ne pourraient proposer la formation exigée des accompagnateurs non professionnels ; que la périodicité de cinq ans prévue par l'arrêté attaqué vise à garantir la bonne formation des utilisateurs de voitures à double commande dans un objectif de sécurité routière et permettre ainsi l'utilisation de ces véhicules dans de bonnes conditions ; que les requérantes ne sont par suite pas fondées à soutenir que les dispositions de l'arrêté attaqué, relatives aux modalités d'organisation de la formation et à la périodicité de l'obligation de formation, apporteraient une restriction excessive au libre exercice de l'activité d'accompagnateur non professionnel et méconnaîtraient ce faisant l'habilitation donnée au ministre chargé des transports par les dispositions du 4° de l'article R. 211-3 ; qu'en revanche, la disposition énoncée à l'article 7 de l'arrêté attaqué, qui limite à trois le nombre d'apprentis conducteurs pouvant être encadrés par le titulaire de l'attestation, divisible du reste de l'arrêté attaqué, ne se rapporte pas aux conditions de la formation que le ministre des transports est, en vertu du 4° de l'article R. 211-3 cité au point 1, chargé de définir par arrêté ; qu'en outre, cette restriction ne contribue pas à mieux préparer le titulaire de l'attestation à l'exercice de sa fonction d'accompagnateur ni ne répond à un objectif de sécurité routière ; qu'elle méconnaît ainsi l'habilitation donnée au ministre par les dispositions du 4° de l'article R. 211-3 ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté attaqué n'a pas pour objet ni pour effet de restreindre l'accès à la profession de loueurs de véhicules à double commande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté porterait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté attaqué comprend une annexe n° 1 intitulée " Programme de formation à la fonction d'accompagnateur ", qui indique avec précision la durée totale de la formation, son cadre général, le contenu tant de la partie théorique que de la partie pratique, les objectifs poursuivis par chacune de ces deux parties, ainsi que les modalités du bilan de la formation ; que, par suite, le moyen tiré du caractère imprécis du contenu du programme de formation ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les exigences qui découlent du principe de sécurité juridique faute de comporter des dispositions transitoires n'est pas fondé, dès lors que l'article 10 de cet arrêté, en date du 16 juillet 2013 et publié au Journal officiel de la République française le 26 juillet suivant, diffère son entrée en vigueur au 1er octobre 2013 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2013 qu'en tant que son article 7 limite à trois le nombre d'apprentis conducteurs au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur ayant suivi la formation prévue à l'article 5 de ce même arrêté ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser respectivement à l'association Défense permis banlieue et à la société LK Gestion au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du 16 juillet 2013 du ministre de l'intérieur et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B du permis de conduire à titre non onéreux est annulé en tant que son article 7 limite à trois le nombre d'apprentis conducteurs au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur ayant suivi la formation prévue à l'article 5 de ce même arrêté.

Article 2 : L'Etat versera respectivement à l'association Défense permis banlieue et à la société LK Gestion la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Défense permis banlieue, à la société LK Gestion, au ministre de l'intérieur et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 372189
Date de la décision : 23/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2014, n° 372189
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:372189.20141223
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