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03/12/2014 | FRANCE | N°381019

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 03 décembre 2014, 381019


Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...A..., demeurant..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2014 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 300 000 euros et une interdiction définitive d'exercer l'activité d'intermédiaire en biens divers, de renvoyer au Conseil

constitutionnel la question de la conformité aux droits et libert...

Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. B...A..., demeurant..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2014 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 300 000 euros et une interdiction définitive d'exercer l'activité d'intermédiaire en biens divers, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 550-1 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Justine Lieber, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de M. A...et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marches financiers ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 550-1 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière : " Est soumise aux dispositions des articles L. 550-2, L. 550-3, L. 550-4, L. 550-5 et L. 573-8 : / 1. Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n'en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi ; / 2. Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ; / 3. Toute personne chargée de la gestion desdits biens. / Ces articles ne s'appliquent pas aux opérations déjà régies par des dispositions particulières et notamment aux opérations d'assurance et de capitalisation régies par le code des assurances, aux opérations de crédit différé, aux opérations régies par le code de la mutualité et par le code de la sécurité sociale, aux opérations donnant normalement droit à l'attribution en propriété ou en jouissance de parties déterminées d'un ou plusieurs immeubles bâtis. / Les personnes mentionnées au présent article sont soumises aux dispositions des articles L. 341-1 à L. 341-17 et L. 353-1 à L. 353-5 lorsqu'elles agissent par voie de démarchage " ;

3. Considérant que le requérant soutient que, faute pour le législateur d'avoir défini avec suffisamment de précision le champ d'application de ces dispositions, celles-ci méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et l'article 34 de la Constitution ainsi que, par voie de conséquence, le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

4. Considérant, en premier lieu, que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que si l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

5. Considérant, en second lieu, que les points 1, 2, et 3 de l'article L. 550-1 précité du code monétaire et financier définissent les intermédiaires en bien divers à raison des opérations qu'ils réalisent, et énumèrent de façon limitative les opérations n'entrant pas dans cette définition ; qu'ainsi, le grief tiré de ce que le champ d'application de ces dispositions ne serait pas défini de manière suffisamment claire au regard du principe de légalité des délits et des peines est dépourvu de caractère sérieux ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 550-1 du code monétaire et financier, dans leur version issue de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'Autorité des marchés financiers.

Copie en sera adressée pour information au Premier ministre, au ministre des finances et des comptes publics, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 381019
Date de la décision : 03/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2014, n° 381019
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT ; SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:381019.20141203
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