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28/11/2014 | FRANCE | N°366109

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 28 novembre 2014, 366109


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 17 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Beuvillers, représentée par son maire ; la commune de Beuvillers demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC00516 du 17 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande de la SCI " La Large Voie ", le jugement n° 0601775 du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nancy a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tenda

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 17 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Beuvillers, représentée par son maire ; la commune de Beuvillers demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC00516 du 17 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande de la SCI " La Large Voie ", le jugement n° 0601775 du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nancy a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Beuvillers, et la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a refusé d'abroger la délibération du 21 novembre 1992 approuvant le plan d'occupation des sols de cette commune ;

2°) de mettre à la charge de la SCI " La Large Voie " la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 6 et 7 novembre 2014, présentées pour la SCI " La Large Voie " ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la commune de Beuvillers et à la SCP Capron, avocat de la SCI " La Large Voie " ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêt du 4 novembre 2010, la cour administrative d'appel de Nancy a, à la demande de la SCI " La Large Voie ", annulé, outre le jugement du 30 juin 2009 du tribunal administratif de Nancy rejetant sa demande de première instance, la délibération du conseil municipal de la commune de Beuvillers du 5 janvier 2007 approuvant la révision du plan d'occupation des sols de la commune mis en forme de plan local d'urbanisme ; que par un arrêt du même jour, la cour a jugé que c'est à bon droit que, par un jugement rendu lui aussi le 30 juin 2009, le tribunal administratif de Nancy a constaté que le litige relatif au refus du maire de la commune de Beuvillers d'abroger la délibération du 21 novembre 1992 approuvant le plan d'occupation des sols de la commune, en ce qu'elle a créé un emplacement réservé n° 6 sur la parcelle cadastrée B 148 appartenant à la SCI " La Large Voie ", avait perdu son objet à la suite de l'approbation du plan local d'urbanisme, postérieurement à l'introduction de la requête de la SCI " La Large Voie ", par le conseil municipal de Beuvillers ; que par décision du 12 mars 2012, le Conseil d'Etat a annulé, à la demande de la SCI, le second de ces arrêts de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire devant cette même cour ; que la commune de Beuvillers se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande de la SCI " La Large Voie ", le jugement du 30 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nancy a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de Beuvillers, et la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a refusé d'abroger la délibération du 21 novembre 1992 approuvant le plan d'occupation des sols de cette commune ;

2. Considérant que le juge d'appel, auquel est déféré un jugement par lequel le juge de premier degré a rejeté au fond des conclusions sans avoir eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que la commune de Beuvillers avait soulevé devant le tribunal administratif de Nancy une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance de la SCI " La Large Voie " ; qu'en faisant droit aux conclusions de la SCI sans avoir au préalable expressément écarté cette fin de non-recevoir qui, au demeurant, avait été mentionnée dans le mémoire d'appel de la commune, la cour administrative d'appel de Nancy a méconnu son office ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il incombe, par suite, au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Beuvillers :

5. Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SCI " La Large Voie " a demandé au maire de Beuvillers, par lettre du 23 juin 2006, d'abroger la délibération du conseil municipal de la commune du 21 novembre 1992 approuvant son plan d'occupation des sols ; que le maire de Beuvillers n'ayant pas donné suite à cette demande dans un délai de deux mois, il en est résulté une décision implicite de rejet dont la SCI requérante a demandé l'annulation pour excès de pouvoir le 16 octobre 2006, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Beuvillers, tirée de la tardiveté de la demande présentée par la SCI " La Large Voie ", doit être écartée ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 30 juin 2009 du tribunal administratif de Nancy :

6. Considérant que si, postérieurement à l'instance introduite devant le tribunal administratif par la SCI " La Large Voie " contre cette décision, le conseil municipal de Beuvillers a, par une délibération du 5 janvier 2007, approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune mis en forme de plan local d'urbanisme, cette délibération a été annulée par un arrêt rendu le 4 novembre 2010 sous le numéro 09NC01250 par la cour administrative d'appel de Nancy ; que cette annulation, qui a une portée rétroactive, a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols approuvé par la délibération du 21 novembre 1992 ; qu'ainsi la SCI " La Large Voie " est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que, le plan d'occupation des sols approuvé le 21 novembre 1992 ayant été abrogé par l'effet de l'adoption du plan local d'urbanisme, ses conclusions dirigées contre la décision implicite refusant d'abroger ledit plan d'occupation des sols en tant qu'il avait créé l'emplacement réservé n° 6 étaient devenues sans objet ; qu'ainsi, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI " La Large Voie " devant le tribunal administratif de Nancy ;

Sur la légalité de la décision implicite portant refus d'abrogation du POS :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le plan d'occupation des sols est révisé dans les formes prévues aux six premiers alinéas de l'article L. 123-3, puis soumis à enquête publique par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, puis est approuvé dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 123-3-1 " ; qu'aux termes de l'article R. 123-35 du même code : " I. - La révision de tout ou partie d'un plan d'occupation des sols par application du premier alinéa de l'article L. 123-4 a lieu dans les conditions définies aux articles R. 123-3 à R. 123-9 (...) " ; que l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dispose que : " (...) Le projet de plan d'occupation des sols arrêté par délibération du conseil municipal est communiqué par le maire pour avis, en ce qui les concerne, aux personnes publiques associées à l'élaboration du plan, et sur leur demande, aux communes limitrophes et aux établissements publics de coopération intercommunale directement intéressés. Leur avis est réputé favorable faute de réponse dans un délai de trois mois à compter de la transmission. (...) " ; que l'article R. 123-11 du même code dispose que : " Le plan d'occupation des sols rendu public est soumis par le maire à enquête publique dans les conditions suivantes : (...). / Un avis portant ces indications à la connaissance du public est, par les soins du maire, publié en caractères apparents dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département, quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé de même dans les huit premiers jours de celle-ci. Il est publié par voie d'affiches et éventuellement par tous autres procédés dans la ou les communes membres concernées. (...). " ;

9. Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées ci-dessus, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier que si, conformément aux dispositions citées au point précédent, l'avis annonçant l'enquête publique a été publié dans deux journaux régionaux (" L'Est Républicain " et " Le Républicain lorrain "), la deuxième publication prévue par ces dispositions est intervenue trois jours avant le début de l'enquête et non, comme le prévoit l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme, dans les huit jours suivant son ouverture ; que toutefois, une telle irrégularité n'a, dans les circonstances de l'espèce, dans une commune qui comptait moins de trois cents habitants, ni fait obstacle à la bonne information de l'ensemble des personnes intéressées, ni été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête ; que le maire de Beuvillers atteste avoir fait publier et afficher, du 20 juillet 1992 au 14 octobre 1992, l'arrêté municipal prescrivant l'enquête publique sur la révision du plan d'occupation des sols ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que, conformément à ce qui résulte des dispositions citées au point précédent, le projet de plan d'occupation des sols révisé soumis à enquête publique comportait en annexe l'avis des personnes publiques consultées, en l'occurrence le préfet et le président du conseil général ; qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité de l'enquête publique doivent être écartés ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'emplacement n° 6, qui en tout état de cause ne portait pas atteinte à l'économie générale du plan d'occupation des sols de la commune de Beuvillers, figurait dans le dossier soumis à enquête publique ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les plans d'occupation des sols fixent, dans le cadre des orientations des schémas directeurs ou des schémas de secteur, s'il en existe, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire. / A cette fin, ils doivent : (...) 8° fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts ; (...) " ;

12. Considérant qu'il ressort du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Beuvillers issu de la révision litigieuse que l'emplacement réservé n° 6 a été créé pour permettre l'élargissement à 8 mètres d'emprise d'un chemin rural préexistant, de façon à assurer la desserte d'une zone naturelle destinée à être urbanisée ; qu'ainsi, cet emplacement répond, contrairement à ce que soutient la SCI requérante, à un objectif d'intérêt général ; que la circonstance que cette zone à desservir soit alternativement désignée " 1NA " ou " 1NAa " sur les documents de ce plan est, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur sa légalité, dès lors que ces appellations renvoient toutes deux à un même projet d'urbanisation future ; que la SCI requérante ne peut utilement se prévaloir du jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 septembre 2014 en tant qu'il annule le plan local d'urbanisme adopté par la commune de Beuvillers le 21 septembre 2012 ; que, par suite, en décidant la création de l'emplacement réservé n° 6, le maire de Beuvillers n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI " La Large Voie " n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Beuvillers a refusé d'abroger la délibération du 21 novembre 1992 approuvant le plan d'occupation des sols de cette commune ; que, par suite, la SCI n'est fondée ni à demander la condamnation de la commune au versement d'une indemnité sur le fondement de l'illégalité fautive qui aurait entaché sa décision, ni à présenter des conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI " La Large Voie " la somme de 2 000 euros qui sera versée à la commune de Beuvillers au titre de ces dispositions ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Beuvillers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante " ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 décembre 2012 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 juin 2009 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la SCI " La Large Voie " devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 4 : La SCI " La Large Voie " versera à la commune de Beuvillers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la SCI " La Large Voie " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Beuvillers et à la SCI " La Large Voie ".

Copie en sera adressée pour information et à la ministre de l'égalité des territoires et du logement.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 366109
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2014, n° 366109
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: M. Xavier De Lesquen
Avocat(s) : HAAS ; SCP CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:366109.20141128
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