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05/11/2014 | FRANCE | N°362100

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 05 novembre 2014, 362100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile agricole (SCA) de Château-l'Arc a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2006 par lequel le maire de la commune de Fuveau a refusé de lui accorder une autorisation de lotir. Par un jugement n° 0702906 du 2 décembre 2009, le tribunal a rejeté sa demande.

Statuant, par un arrêt n° 10MA00589 du 19 juin 2012, sur l'appel formé contre ce jugement par la SCA de Château-l'Arc et par la société civile immobilière (SCI)

des Hameaux de Château-l'Arc, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile agricole (SCA) de Château-l'Arc a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2006 par lequel le maire de la commune de Fuveau a refusé de lui accorder une autorisation de lotir. Par un jugement n° 0702906 du 2 décembre 2009, le tribunal a rejeté sa demande.

Statuant, par un arrêt n° 10MA00589 du 19 juin 2012, sur l'appel formé contre ce jugement par la SCA de Château-l'Arc et par la société civile immobilière (SCI) des Hameaux de Château-l'Arc, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté comme irrecevable la requête de la seconde société, d'autre part, annulé le jugement de première instance ainsi que le refus d'autorisation de lotir et rejeté le surplus des conclusions d'appel de la première société.

Procédure contentieuse devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 août 2012, 14 novembre 2012 et 13 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Fuveau demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 10MA00589 du 19 juin 2012 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a fait partiellement droit aux conclusions présentées par la SCA de Château-l'Arc ;

2°) réglant, dans cette mesure, l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la SCA de Château-l'Arc ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la SCA de Château-l'Arc et de la SCI des Hameaux de Château-l'Arc la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'urbanisme ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Fuveau et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la SCA de Château-l'Arc ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par arrêté du 28 novembre 2006, le maire de la commune de Fuveau a refusé d'autoriser la société civile agricole (SCA) de Château-l'Arc à réaliser, au sein d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), un lotissement comprenant, dans la zone Uda-2 du plan d'aménagement de cette ZAC, quatre " macro-lots " identifiés par les lettres A à D et destinés à recevoir des maisons individuelles, en zone UFa, un " macro-lot " destiné à recevoir des maisons individuelles ou un immeuble d'habitation, en zone Uda-1, quarante-huit lots destinés à recevoir des maisons individuelles ; que, par jugement du 2 décembre 2009, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le recours pour excès de pouvoir dirigé par la société contre cet arrêté ; que, saisie notamment de l'appel formé par la SCA, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant partiellement droit aux conclusions présentées par cette société, a annulé le jugement de première instance ainsi que l'arrêté municipal du 28 novembre 2006 ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour prononcer l'annulation du jugement frappé d'appel, la cour a jugé qu'eu égard au caractère précis et circonstancié des allégations avancées devant le tribunal par la SCA de Château-l'Arc au soutien d'un moyen de détournement de pouvoir, les premiers juges ne pouvaient, sans entacher leur décision d'insuffisance de motivation, écarter ce moyen au seul motif qu'un tel détournement n'était pas établi ; qu'en jugeant pour un tel motif cette décision irrégulière en la forme, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Fuveau est fondée à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'elle attaque ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement de première instance :

4. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision par laquelle les premiers juges ont relevé, pour écarter le moyen de détournement de pouvoir soulevé devant eux, qu'un tel détournement n'était pas établi est suffisamment motivée ;

5. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient la SCA de Château-l'Arc, les premiers juges ont répondu, pour l'écarter, à son moyen tiré de ce que, dans les circonstances de l'espèce, le maire de la commune de Fuveau aurait dû, au lieu de refuser l'autorisation de lotir sollicitée, la délivrer en l'assortissant de prescriptions ;

6. Considérant qu'il suit de là que les moyens d'appel tirés de ce que le jugement du tribunal administratif de Marseille serait irrégulier en la forme doivent être écartés ;

Sur le bien-fondé du jugement de première instance :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par les motifs non contestés du jugement frappé d'appel, le tribunal administratif de Marseille a jugé erronés, en fait ou en droit, onze des treize motifs sur lesquels la commune de Fuveau s'était fondée pour rejeter, le 28 novembre 2006, la demande d'autorisation de lotir présentée par la SCA de Château-l'Arc ; que cette société se borne, en appel, à critiquer les autres motifs par lesquels le tribunal a jugé, d'une part, fondés en droit les deux derniers motifs retenus par la commune pour refuser l'autorisation de lotir, d'autre part, non établi le détournement de pouvoir allégué par la société ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 315-48 du même code : " Les subdivisions de lots provenant d'un lotissement sont assimilées aux modifications de lotissements prévues à l'article L. 315-3 lorsqu'elles sont demandées par le lotisseur ou par un ou plusieurs lotis, à moins que, conduisant à la création de plus de deux nouveaux lots, elles ne fassent l'objet d'une autorisation de lotir délivrée dans les conditions prévues par le présent chapitre sans qu'il puisse être porté atteinte aux droits des co-attributaires de lots tels qu'ils peuvent résulter des documents régissant le lotissement primitif. Les décisions portant modification sont prises dans les mêmes conditions et formes que celles prévues pour l'autorisation de lotir " ;

9. Considérant que, si l'article 5 du projet de règlement du lotissement faisant l'objet de la demande d'autorisation présentée par la SCA prévoyait que " les macro-lots (A, B, C, D) pourront être divisés, sans autorisation particulière, à l'occasion de chaque vente ", cette dernière disposition ne pouvait toutefois avoir légalement pour effet de soustraire les divisions ultérieures ainsi envisagées aux règles d'approbation prévues par les dispositions du code de l'urbanisme citées ci-dessus ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les divisions en cause devaient être soumises à autorisation, sur le fondement de l'article R. 315-48, et qu'était ainsi illégal l'article 5 du projet de règlement, en tant qu'il prévoyait le contraire ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 11 du même projet de règlement : " Tout projet de clôture est soumis à une déclaration de clôture (...). / Les propriétaires devront déposer une demande d'autorisation de travaux pour l'édification de la clôture en même temps que la demande de permis de construire et la conformité du permis ne sera délivrée qu'après l'achèvement de la clôture (...) " ; que, toutefois, si un règlement de lotissement pris sur le fondement de l'article R. 315-29 du code de l'urbanisme peut, le cas échéant, compléter les règles locales d'urbanisme applicables à une commune, en édictant notamment, pour les communes dotées d'un plan d'occupation des sols, des prescriptions relatives à la nature, la hauteur ou l'aspect extérieur des clôtures, cette faculté ne saurait avoir pour objet ou pour effet, ni de soumettre l'édification de clôture à d'autres formalités que celle de la déclaration préalable prévue aux articles L. 441-1 et suivants du même code, ni de subordonner la délivrance du certificat de conformité prévu aux articles R. 460-3 et R. 460-4 de ce code à des conditions ou formalités étrangères au permis de construire ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que l'article 11 cité ci-dessus était illégal, en tant qu'il subordonnait la délivrance du certificat de conformité à l'achèvement des travaux d'édification d'une clôture ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société appelante, les dispositions du code de l'urbanisme alors applicable, notamment celles de son article R. 315-28, faisaient obstacle à ce que l'autorité compétente fît droit à une demande d'autorisation de lotir dont le pétitionnaire entendait, par la voie du projet de règlement de lotissement, édicter des règles contraires aux règles d'urbanisme localement applicables ; que, par suite, et alors même que la SCA de Château-l'Arc s'était prévalue, non pas des dispositions des articles R. 315-6 ou R. 315-16 du même code, comme l'a inexactement relevé le tribunal, mais de celles de l'article R. 316-26 du même code, pour soutenir qu'il incombait au contraire à la commune de Fuveau de faire droit à sa demande d'autorisation de lotir en l'assortissant, le cas échéant, des prescriptions nécessaires pour remédier aux éventuelles illégalités constatées dans son projet de règlement, c'est, en tout état de cause, à bon droit que les premiers juges ont estimé ressortir des pièces de leur dossier que le maire de cette commune aurait pris la même décision de refus d'autorisation de lotir, s'il s'était uniquement fondé sur l'illégalité des articles 5 et 11 du projet de règlement déposé par la société pétitionnaire ; que, par ailleurs, cette dernière ne peut utilement se prévaloir, en appel, des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, qui ne sont pas applicables aux actions contentieuses dirigées, comme dans la présente instance, contre les refus d'autorisation ;

12. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué par la SCA de Château-l'Arc n'est pas établi ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCA de Château-l'Arc n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 2 décembre 2009, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2006 portant refus d'autorisation de lotir ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI des Hameaux du Château-l'Arc, qui n'est pas partie à la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCA Château-l'Arc, sur le fondement des mêmes dispositions et au titre des frais engagés devant Conseil d'Etat, une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Fuveau ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 juin 2012 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SCA de Château-l'Arc devant la cour administrative d'appel de Marseille et tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2006 portant refus d'autorisation de lotir sont rejetées.

Article 3 : La SCA de Château-l'Arc versera une somme de 3 000 euros à la commune de Fuveau au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Fuveau et à la SCA de Château-l'Arc.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 362100
Date de la décision : 05/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2014, n° 362100
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Béreyziat
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:362100.20141105
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