Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société civile agricole (SCA) de Château-l'Arc et la société civile immobilière (SCI) des Hameaux de Château-l'Arc ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Fuveau à leur verser une somme de 110 981 400 euros, en réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi, du fait de l'obstruction de la commune à la réalisation d'opérations d'aménagement au sein d'une zone d'aménagement concerté (ZAC).
Par un jugement n° 0300819 du 20 décembre 2007, le tribunal a, en premier lieu, jugé irrecevables les conclusions présentées par la SCI des Hameaux de Château-l'Arc, en deuxième lieu, condamné la commune à indemniser la SCA de Château-l'Arc du préjudice résultant du retard subi par l'intéressée, pour la période du 9 avril 2002 au 18 juin 2004, dans l'obtention d'une autorisation de lotir et, en troisième lieu, ordonné une expertise afin de déterminer le surplus du préjudice. Par un jugement n° 0300819 du 6 mai 2009, le tribunal a fixé ce montant à 1 500 euros.
La commune de Fuveau a relevé appel de ces deux jugements. Les deux sociétés en ont également relevé appel, en tant qu'ils leur étaient défavorables, et conclu à ce que la commune soit condamnée à leur verser la somme de 193 000 000 euros ou, à défaut, une somme de 40 216 346 euros. Joignant leurs requêtes et y statuant par un arrêt n°s 08MA00657 et 09MA2350 du 19 juin 2012, la cour administrative de Marseille a, d'une part, rejeté l'appel de la commune, d'autre part, annulé les jugements des 20 décembre 2007 et 6 mai 2009 et condamné la commune à verser à la SCA de Château-l'Arc une indemnité de 2 millions d'euros, portant intérêts à compter du 24 janvier 2007, capitalisés annuellement.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois mémoires en réplique, enregistrés les 21 août 2012, 21 novembre 2012, 13 janvier 2014, 28 février 2014 et 19 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Fuveau demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 à 5 de l'arrêt n°s 08MA00657 et 09MA2350 du 19 juin 2012 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté son appel et, d'autre part, faisant partiellement droit à l'appel de la SCA de Château-l'Arc, l'a condamnée à verser à cette société une indemnité de deux millions d'euros ;
2°) de rejeter le pourvoi incident de la SCA de Château-l'Arc ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la SCA de Château-l'Arc et de la SCI des Hameaux de Château-l'Arc la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Fuveau et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la SCA de Château-l'Arc ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SCA de Château-l'Arc et la SCI des Hameaux de Château-l'Arc ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande de condamnation de la commune de Fuveau à leur verser une somme de 110 981 400 euros en réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de l'obstruction de la commune à la réalisation d'opérations d'aménagement au sein d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) ; que, par un jugement du 20 décembre 2007, le tribunal administratif, après avoir jugé irrecevables les conclusions présentées par la SCI, a estimé que la commune avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant illégalement, à trois reprises, d'instruire la demande d'autorisation de lotir présentée par la SCA ; que les premiers juges ont, d'une part, condamné la commune, pour ce motif, à indemniser la SCA du préjudice résultant, pour l'intéressée, du retard à obtenir une autorisation de lotir pendant la période du 9 avril 2002 au 18 juin 2004, d'autre part, ordonné une expertise afin de déterminer le montant de l'indemnité ; que, par un jugement du 6 mai 2009, le tribunal administratif a fixé ce montant à 1 500 euros ; que la commune de Fuveau a relevé appel de ces deux jugements devant la cour administrative de Marseille ; que les sociétés en ont également relevé appel, en tant qu'ils leur étaient défavorables, et conclu devant cette cour à ce que la commune soit condamnée à leur verser la somme de 193 000 000 euros ou, à défaut, une somme de 40 216 346 euros ; que, joignant leurs requêtes et y statuant par un arrêt n°s 08MA00657 et 09MA2350 du 19 juin 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté l'appel de la commune, d'autre part, annulé les jugements des 20 décembre 2007 et 6 mai 2009 et condamné la commune à verser à la SCA de Château-l'Arc une indemnité de 2 millions d'euros portant intérêts à compter du 24 janvier 2007 et capitalisation annuelle des intérêts échus à compter du 24 janvier 2008 ;
Sur le pourvoi principal :
2. Considérant qu'il ressort des énonciations de cet arrêt que, pour statuer ainsi, la cour a successivement relevé, en premier lieu, qu'une convention avait été conclue entre la commune de Fuveau et la SCA de Château-l'Arc, le 12 janvier 1978, sur le fondement de l'article R. 311-4 du code de l'urbanisme alors applicable, en vue de l'aménagement d'une ZAC créée le 18 mars 1971, en deuxième lieu, que cette convention prévoyait la réalisation de logements sous la forme de lotissements, en troisième lieu, que les demandes de permis de lotir ultérieurement présentées par la SCA avaient toutefois été rejetées, en quatrième et dernier lieu, que la commune avait, en outre, procédé à la résiliation de cette convention par une délibération du 29 octobre 2003 ; que la cour a déduit des constatations qui précèdent que la commune avait, en tout état de cause, manqué à ses obligations contractuelles, soit qu'elle n'eût pas respecté les termes de la convention d'aménagement du 12 janvier 1978, si celle-ci était encore en vigueur, soit qu'elle eût privé la SCA des profits escomptés de la conclusion du contrat en y mettant unilatéralement fin ; que la cour a, en outre, estimé que les éléments constitutifs du préjudice ainsi causé à la SCA par la faute de la commune étaient communs à ces deux hypothèses ;
3. Considérant, toutefois, que, si, en vertu de l'article R. 311-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur, l'aménagement et l'équipement des ZAC pouvaient être confiés à une personne privée ou publique par la voie d'une convention, cette dernière devait toutefois être approuvée soit par le préfet, si elle était conforme à une convention-type approuvée par décret en Conseil d'Etat, soit, à défaut, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'urbanisme et du ministre de l'intérieur ; qu'il résulte, en outre, des dispositions du même code, notamment de celles des articles R. 311-5 et R. 311-20, que la convention prévue à l'article R. 311-4 ne pouvait être signée avant que l'autorité préfectorale ou ministérielle compétente eût approuvé le programme des équipements publics, ainsi que, dans le cas où l'acte portant création de la ZAC n'avait pas décidé de maintenir en vigueur les dispositions du plan d'occupation des sols, le plan d'aménagement de la ZAC ; qu'enfin, en vertu de l'article R. 311-8 du même code, la décision créant la ZAC devenait caduque si le plan d'aménagement de cette zone n'était pas approuvé dans un délai de deux ans à compter de la publication dont cette décision avait fait l'objet ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, conformément aux dispositions de l'article R. 311-20 mentionnées ci-dessus, l'article 16 de la convention d'aménagement conclue le 12 janvier 1978 subordonnait l'application de cette dernière à l'approbation, par l'autorité compétente, du plan d'aménagement de la ZAC créée le 18 mars 1971 ; qu'il ne ressort toutefois des mêmes pièces ni que cette approbation soit intervenue, ni que la convention du 12 janvier 1978 ait elle-même été approuvée selon les modalités prévues à l'article R. 311-4 du code l'urbanisme ; que la circonstance qu'une délibération de la commune soit intervenue en 2003 pour procéder à la résiliation de cette convention, non plus que celle que certains équipements prévus dans la convention aient été réalisés n'ont pu avoir d'incidence sur les conditions d'entrée en vigueur de l'acte du 12 janvier 1978, telles que fixées par les dispositions réglementaires citées au point 3 ; que, dès lors, faute pour cet acte d'être régulièrement entré en vigueur, l'impossibilité d'exécuter les projets qu'il prévoyait ne pouvait être utilement invoquée pour engager la responsabilité contractuelle de la commune de Fuveau ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par arrêté du 11 juin 1979, l'autorité préfectorale a prorogé d'un an à compter du 30 juin 1979 le délai imparti par l'article R. 311-8 du code de l'urbanisme pour approuver le plan d'aménagement de la ZAC créée en 1971 ; qu'après avoir constaté que le délai ainsi prorogé était expiré le 30 juin 1980, le préfet a prononcé la caducité de la décision portant création de cette zone ; que, par un arrêté du 17 novembre 1980, le préfet a créé une nouvelle ZAC, englobant la première ; qu'ainsi, à supposer même qu'elle fût entrée en vigueur, la convention d'aménagement du 12 janvier 1978 aurait, en tout état de cause, cessé de produire effet le 30 juin 1980 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant engagée, en l'espèce, la responsabilité contractuelle de la commune, pour les motifs exposés au point 2, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi principal, que les articles 2 à 5 de son arrêt doivent être annulés ;
Sur le pourvoi incident :
7. Considérant que l'annulation, sur le pourvoi principal, de l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux statuant sur la responsabilité contractuelle de la commune prive d'objet le pourvoi incident de la SCA de Château-l'Arc tendant à l'indemnisation de chefs de préjudice complémentaires ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI des Hameaux de Château-l'Arc, qui n'est pas partie à la présente instance, non plus qu'à celle de la commune de Fuveau qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCA de Château-l'Arc une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Fuveau, au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 juin 2012 sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions incidentes dirigées par la SCA de Château-l'Arc contre l'article 4 du même arrêt.
Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure définie à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 4 : La SCA de Château-l'Arc versera une somme de 3 000 euros à la commune de Fuveau au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la commune de Fuveau, ainsi que les conclusions de la SCA de Château-l'Arc présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Fuveau et à la SCA de Château-l'Arc.