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03/11/2014 | FRANCE | N°377004

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 03 novembre 2014, 377004


Vu l'ordonnance n° 1400615-1 du 28 mars 2014, enregistrée le 2 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Pau a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. B...A...;

Vu la requête, enregistré le 24 mars 2014 au greffe du tribunal administratif de Pau, présentée par M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 7 mai 2013 par lequel le Président de la Républi

que l'a suspendu pour une durée de cinq ans de l'exercice des droits et p...

Vu l'ordonnance n° 1400615-1 du 28 mars 2014, enregistrée le 2 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Pau a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. B...A...;

Vu la requête, enregistré le 24 mars 2014 au greffe du tribunal administratif de Pau, présentée par M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 7 mai 2013 par lequel le Président de la République l'a suspendu pour une durée de cinq ans de l'exercice des droits et prérogatives attachés à la qualité de membre de l'ordre national du Mérite ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 février 2014 par laquelle le chancelier de l'ordre national du Mérite a rejeté sa demande de retrait du décret du 7 mai 2013 ;

3°) d'ordonner sa réintégration dans l'ordre national du Mérite ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire ;

Vu le décret n° 63-1196 du 3 décembre 1963 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a été nommé au grade de chevalier dans l'ordre national du Mérite par décret du 3 mai 1999 ; que, par le décret attaqué du 7 mai 2013, le Président de la République a décidé de le suspendre pendant une durée de cinq ans des droits et prérogatives attachés à sa qualité de membre de l'ordre au motif qu'il avait commis des actes contraires à l'honneur ;

Sur la légalité du décret attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du décret du 3 décembre 1963 portant création de l'ordre national du Mérite : " (...) les sanctions et la procédure disciplinaire prévues pour la Légion d'honneur sont applicables aux membres de l'ordre national du Mérite. " ; qu'aux termes de l'article R. 103 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire : " L'intéressé est averti par le grand chancelier de l'ouverture d'une action disciplinaire à son encontre. Il lui est donné connaissance des pièces de son dossier. / Il est invité, à cette occasion, à produire, dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois, ses explications et sa défense au moyen d'un mémoire établi par lui ou par son avocat. (...) "

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour l'application de ces dispositions, le chancelier de l'ordre national du Mérite a donné connaissance des pièces de son dossier à M.A..., en mentionnant les différentes condamnations pénales prononcées à son encontre ; que l'intéressé, qui ne soutient pas avoir demandé la communication des jugements correspondants, n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'irrégularité au seul motif que ces jugements ne lui auraient pas été spontanément envoyés ;

4. Considérant que le conseil de l'ordre national du Mérite, compétent pour rendre un avis sur les sanctions disciplinaires à prendre à l'encontre des membres de l'ordre, n'est pas une juridiction au sens des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant cette instance aurait méconnu le droit garanti par ces stipulations est inopérant ;

5. Considérant qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'avis émis par le conseil de l'ordre national du Mérite aurait dû être communiqué à l'intéressé préalablement à l'intervention de la décision disciplinaire prise à son encontre ; que le moyen tiré de ce que la procédure suivie serait, pour ce motif, entachée d'irrégularité, doit être écarté ;

6. Considérant que le décret attaqué ne prononçant qu'une suspension pour cinq ans de l'exercice par M. A...de ses droits et prérogatives de membre de l'ordre national du Mérite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été pris en violation des dispositions des articles R. 91 et R. 92 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, qui ne sont relatifs qu'aux cas d'exclusion des membres de l'ordre, est inopérant ;

En ce qui concerne la légalité interne :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 95 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire : " L'exercice des droits et prérogatives ainsi que le traitement attachés à la qualité de membre de l'ordre peuvent être suspendus en totalité ou en partie soit en cas de condamnation à une peine correctionnelle, soit en cas de faillite. " ; qu'aux termes de l'article R. 96 du même code : " Les peines disciplinaires prévues au présent chapitre peuvent être prises contre tout membre de l'ordre qui aura commis un acte contraire à l'honneur " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui avait été reconnu coupable d'outrage à une personne chargée d'un service public en 2008, a été condamné en 2010 par le tribunal correctionnel de Bayonne à une peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans pour des faits de violence sur sa conjointe ; que le décret attaqué, qui qualifie exactement ces faits d'actes contraires à l'honneur, prononce une sanction qui, contrairement à ce qui est soutenu par M.A..., n'est pas disproportionnée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 7 mai 2013 le suspendant de l'exercice de ses droits et prérogatives de membre de l'ordre national du Mérite ; que, par voie de conséquence, les conclusions dirigées contre la décision du 18 février 2014 rejetant son recours gracieux doivent être également rejetées, sans que les vices propres dont cette décision serait entachée puissent être utilement invoqués ;

Sur les autres conclusions :

10. Considérant que la présente décision n'implique pas que M. A...soit réintégré dans ses droits de membre de l'ordre national du Mérite ; que les conclusions qu'il présente en ce sens doivent dès lors être rejetées ;

11. Considérant que la présente décision rejetant les conclusions de M. A...dirigées contre la sanction prise à son encontre, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit, en raison du caractère illégal de cette sanction, condamné à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi, ne peuvent qu'être rejetées ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée (...) " ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er: La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au Président de la République et au grand chancelier de la Légion d'honneur.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 377004
Date de la décision : 03/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DÉCORATIONS ET INSIGNES - ORDRE NATIONAL DU MÉRITE - SANCTIONS DISCIPLINAIRES - CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR SUR LA PROPORTIONNALITÉ DE LA SANCTION - CONTRÔLE NORMAL.

22-02 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la proportionnalité de la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un membre de l'ordre national du mérite.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - SANCTION DISCIPLINAIRE INFLIGÉE À UN MEMBRE DE L'ORDRE NATIONAL DU MÉRITE.

54-07-02-03 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la proportionnalité de la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un membre de l'ordre national du mérite.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 nov. 2014, n° 377004
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:377004.20141103
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