Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 10 et 11 du décret n° 2014-182 du 18 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de Saône-et-Loire ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir ce même décret dans son intégralité.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Julia Beurton, auditeur,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants ". Aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) / III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques (...) ou par d'autres impératifs d'intérêt général ".
2. Le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département de Saône-et-Loire, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de cinquante-sept à vingt-neuf résultant de l'article L. 191-1 du code électoral.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
3. Le requérant fait valoir que le conseil général de Saône-et-Loire a rendu son avis sur le projet de décret portant délimitation des cantons dans ce département dès sa réunion du 27 septembre 2013, alors que le président du conseil général en avait été saisi le 10 septembre 2013 et que les élus d'opposition n'avaient pas été précédemment consultés ni même informés du nouveau découpage. Toutefois, d'une part, les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales se bornent à prévoir la consultation du conseil général et aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose de procéder à une information ou une consultation préalable des élus. D'autre part, il ne résulte pas des éléments invoqués par le requérant, qui ne soutient pas que le délai prévu par l'article L. 3121-19 du même code pour l'envoi aux conseillers généraux d'un rapport sur les affaires qui leur sont soumises aurait été méconnu, que la consultation du conseil général se serait déroulée dans des conditions irrégulières. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.
Sur la légalité interne du décret attaqué :
4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles. Ni ces dispositions, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale ou avec les limites des " bassins de vie " définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques.
5. Si M. B...critique le rattachement de quatre communes au canton n° 9 (Charolles) plutôt qu'au canton n° 10 (Chauffailles), il ne conteste pas que ce choix respecte les critères définis par l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales et se borne à soutenir que ce rattachement sépare les communes considérées, qui accueillent certains des équipements communautaires nouvellement construits, du reste de la communauté de communes du Pays Clayettois et porte ainsi atteinte à la cohérence territoriale des nouveaux cantons. Il ressort des pièces du dossier que ce rattachement au canton de Charolles, dont la population est inférieure de 19,56 % à la moyenne départementale, est justifié par le respect de l'exigence tenant aux bases essentiellement démographiques de la délimitation des cantons. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le choix auquel le décret procède reposerait sur des considérations arbitraires et serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
6. En second lieu, M. B...critique l'article 11 du décret attaqué en tant qu'il désignerait la commune de Chauffailles comme chef-lieu du canton n° 10 et ferait perdre cette qualité à la commune de La Clayette. Il ressort toutefois des termes mêmes de cet article qu'il désigne non pas la commune de Chauffailles comme chef-lieu du nouveau canton n° 10 mais le bureau centralisateur de cette commune comme bureau centralisateur de ce canton. Si l'article R. 112 du code électoral, dans sa version actuellement en vigueur, prévoit que le recensement général des votes est fait par le bureau du chef-lieu de canton, la version de cet article issue du décret du 18 octobre 2013, qui est applicable, comme le décret attaqué, à compter du prochain renouvellement général des assemblées départementales, confie ce rôle au bureau centralisateur du canton. Ainsi, la qualité de bureau centralisateur d'un canton sera, à compter de l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, dépourvue de tout lien avec celle de chef-lieu de canton. Dès lors, en désignant les bureaux centralisateurs des nouveaux cantons, le décret attaqué n'a eu ni pour objet ni pour effet de procéder au transfert d'actuels chefs-lieux de canton. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la désignation de la commune de Chauffailles comme chef-lieu de canton ferait perdre à la commune de La Clayette cette qualité et les dotations qui y sont actuellement attachées, et méconnaîtrait par suite l'article 72 de la Constitution et le principe de sécurité juridique, ne peut qu'être écarté.
7. De même, si la réduction du nombre de cantons dans le département fera obstacle à ce que certaines communes puissent bénéficier de la dotation de solidarité rurale au titre de la part de leur population dans celle du canton, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales, cette circonstance ne résulte pas, en tout état de cause, du décret attaqué mais de l'exigence de réduction du nombre de cantons posée par l'article L. 191-1 du code électoral issu de la loi du 17 mai 2013. Par suite, elle n'est pas de nature à entacher d'illégalité le décret attaqué.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.