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10/10/2014 | FRANCE | N°358534

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 10 octobre 2014, 358534


Vu le pourvoi, enregistré le 13 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n°10PA01942 du 17 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement n°0711797 du 4 novembre 2009 du tribunal administratif de Paris, a accordé à M. A...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006 ;
>Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CE du Cons...

Vu le pourvoi, enregistré le 13 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n°10PA01942 du 17 février 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement n°0711797 du 4 novembre 2009 du tribunal administratif de Paris, a accordé à M. A...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;

Vu le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 ;

Vu l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. B...A...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que toutefois, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive, serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / (...) " ; que le décret du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie n'a été publié que le 9 janvier 2011 et que le décret du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie, ainsi que l'arrêté du même jour pris en application de ces deux décrets, n'ont été publiés que le 21 septembre 2011 ; que, jusqu'à cette date, les actes dits de chiropraxie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine, et le cas échéant, pour certains actes seulement et sur prescription médicale, par les autres professionnels de santé habilités à les réaliser ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour faire droit à une demande de restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par un chiropracteur antérieurement à l'entrée en vigueur des décrets des 7 janvier et 20 septembre 2011 mentionnés ci-dessus et de l'arrêté du 20 septembre 2011, celui-ci doit démontrer qu'il disposait, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies, selon le cas, par un médecin ou par un membre d'une profession de santé réglementée ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes de chiropraxie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'il appartient au demandeur, pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;

4. Considérant que, pour faire droit à la demande de M. A...de restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait spontanément acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006 à raison d'actes de chiropraxie, la cour a déduit de la circonstance que ce praticien était titulaire d'un diplôme de chiropracteur et qu'il avait bénéficié d'une formation conforme, tant dans sa durée que dans son contenu, aux exigences édictées en 2011 pour cette profession, qu'il disposait de qualifications aptes à assurer aux prestations effectuées un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant pendant la période d'imposition de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en se fondant seulement, pour apprécier cette condition d'équivalence dans la qualité des prestations, sur la formation suivie par l'intéressé et les titres obtenus, sans rechercher si M. A...établissait en outre que la nature des actes pratiqués et les conditions dans lesquelles ils l'avaient été permettaient également de regarder comme remplie la condition de qualité équivalente, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 17 février 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 358534
Date de la décision : 10/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2014, n° 358534
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:358534.20141010
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