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30/07/2014 | FRANCE | N°361027

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 30 juillet 2014, 361027


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 15 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Entreprise de construction traditionnelle (ECT), dont le siège est 94 rue Bénébig, Vallée des Colons à Nouméa (98800), représentée par son gérant ; la société ECT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100338 du 12 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 74 415 95

4 francs CFP en réparation des préjudices résultant du refus du haut-commissai...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 15 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Entreprise de construction traditionnelle (ECT), dont le siège est 94 rue Bénébig, Vallée des Colons à Nouméa (98800), représentée par son gérant ; la société ECT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100338 du 12 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 74 415 954 francs CFP en réparation des préjudices résultant du refus du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie de lui accorder le concours de la force publique pour l'exécution d'ordonnances du juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa ordonnant l'expulsion des occupants sans titre du dock lui appartenant ainsi que du chantier de construction de la résidence " Pacifique Palissade " ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

Vu le code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gérald Bégranger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Entreprise de construction traditionnelle ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Entreprise de construction traditionnelle (ECT) a demandé au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie de lui accorder le concours de la force publique pour l'exécution de deux ordonnances du juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa des 11 et 20 septembre 2007 ordonnant l'expulsion de manifestants qui occupaient depuis le 10 septembre l'accès au dock utilisé par cette société ; que ce dock a été libéré par les forces de l'ordre le 4 octobre suivant mais a été occupé à nouveau le jour même et l'est demeuré jusqu'au 24 octobre suivant ; que la société ECT a par ailleurs sollicité sans succès, le 9 novembre 2007, le concours de la force publique pour l'exécution de l'ordonnance du même jour du juge des référés ordonnant l'expulsion des personnes occupant, depuis le 4 novembre, un chantier de construction qu'elle avait entrepris ; que les manifestants ont quitté volontairement les lieux le 1er décembre suivant ; que la société ECT se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du refus de concours de la force publique pour l'exécution des ordonnances du juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 503 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie : " Les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que la loi n'en dispose autrement " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative n'est régulièrement saisie d'une réquisition de la force publique pour l'exécution d'une décision judiciaire revêtue de la formule exécutoire et ayant pour objet l'expulsion d'occupants sans titre que s'il a été procédé, préalablement à sa saisine, à la notification de cette décision à tout ou partie des personnes qu'elle désigne nommément ; qu'une fois régulièrement saisie, l'autorité administrative est tenue d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution de cette décision en ce qui concerne les personnes auxquelles elle a été préalablement notifiée ainsi qu'aux occupants de leur chef ; que le refus opposé à cette demande est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

En ce qui concerne l'occupation de l'accès au dock de la société ECT :

3. Considérant, d'une part, que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a estimé que l'ordonnance du juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa du 11 septembre 2007 n'avait pas donné lieu à une réquisition régulière de la force publique dès lors que la réquisition présentée le jour même par l'huissier n'avait pas été précédée de la notification de l'ordonnance aux personnes concernées ; qu'il ressortait toutefois des pièces du dossier qui lui était soumis que, par un courrier remis par voie d'huissier le 14 septembre 2007, l'avocat de la société avait appelé l'attention du haut-commissaire sur les graves conséquences qu'entraînait l'inaction de l'Etat ; que ce courrier, présenté après la notification de l'ordonnance aux occupants sans titre, avait manifestement pour objet de confirmer la réquisition de la force publique ; qu'en s'abstenant d'en tenir compte, le tribunal a entaché son jugement de dénaturation ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du retour des occupants sans titre dans la journée du 4 octobre 2007, peu après leur expulsion, la société ECT a demandé au juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa d'ordonner à nouveau l'évacuation des lieux ; que, par une ordonnance rendue le 11 octobre, le juge des référés a estimé " qu'il n'y avait lieu à référé du chef de la nouvelle expulsion réclamée dès lors que le syndicat USTKE n'ayant pas déféré à l'injonction de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2007, l'expulsion prononcée par cette ordonnance, à l'encontre de cette organisation syndicale, perdure " ; qu'il s'est en conséquence borné à liquider l'astreinte prononcée par sa précédente ordonnance ; que la société ECT a, le 15 octobre, demandé au haut-commissaire de lui accorder à nouveau le concours de la force publique pour l'exécution de l'ordonnance du 11 septembre ; que le tribunal administratif n'a pu, sans dénaturer l'ordonnance du 11 octobre, qui impliquait que l'ordonnance d'expulsion du 11 septembre demeurait exécutoire, juger que le rejet de la réquisition du 15 octobre n'engageait pas la responsabilité de l'Etat " en l'absence de toute décision de justice rendue exécutoire " ;

En ce qui concerne l'occupation du chantier de construction :

5. Considérant que le tribunal administratif a relevé que la société ECT avait saisi le haut-commissaire de la République d'une demande de concours de la force publique pour l'exécution de l'ordonnance du 9 novembre 2007 du juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa ordonnant l'expulsion des occupants sans titre du chantier de construction de la résidence " Pacifique Palissade ", après avoir notifié cette décision à deux des quatre personnes qu'elle mentionnait ; qu'en jugeant que l'ordonnance du 9 novembre 2007 n'était pas devenue exécutoire faute d'avoir été notifiée, préalablement à la réquisition de la force publique, aux autres personnes qu'elle mentionnait, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ECT est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros, à verser à la société ECT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société ECT qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 12 avril 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Article 3 : L'Etat versera à la société ECT une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du ministre des outre-mer présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Entreprise de construction traditionnelle et au ministre des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'intérieur et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 361027
Date de la décision : 30/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE - NOUVELLE-CALÉDONIE - SUBORDINATION DU CARACTÈRE EXÉCUTOIRE DES JUGEMENTS À LEUR NOTIFICATION PRÉALABLE AUX PERSONNES INTÉRESSÉES (ART - 503 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE) - CONSÉQUENCE - DEMANDE DE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE POUR L'EXÉCUTION D'UNE DÉCISION JUDICIAIRE D'EXPULSION D'OCCUPANTS SANS TITRE - 1) RÉGULARITÉ DE LA SAISINE SUBORDONNÉE À LA NOTIFICATION AUX PERSONNES NOMMÉMENT DÉSIGNÉES PAR LA DÉCISION - EXISTENCE - 2) OBLIGATION DE L'ADMINISTRATION RÉGULIÈREMENT SAISIE D'ACCORDER LE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE - PORTÉE - OBLIGATION LIMITÉE À L'EXÉCUTION DE LA DÉCISION EN CE QUI CONCERNE LES PERSONNES AUXQUELLES ELLE A ÉTÉ PRÉALABLEMENT NOTIFIÉE ET AUX OCCUPANTS DE LEUR CHEF.

37-05-01 1) Il résulte des dispositions de l'article 503 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie que l'autorité administrative n'est régulièrement saisie d'une réquisition de la force publique pour l'exécution d'une décision judiciaire revêtue de la formule exécutoire et ayant pour objet l'expulsion d'occupants sans titre que s'il a été procédé, préalablement à sa saisine, à la notification de cette décision à tout ou partie des personnes qu'elle désigne nommément.... ,,2) Une fois régulièrement saisie, l'autorité administrative est tenue, sauf à engager la responsabilité de l'Etat, d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution de cette décision en ce qui concerne les personnes auxquelles elle a été préalablement notifiée ainsi qu'aux occupants de leur chef.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - LOIS ET RÈGLEMENTS (HORS STATUTS DES COLLECTIVITÉS) - COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER ET NOUVELLE-CALÉDONIE - NOUVELLE-CALÉDONIE - SUBORDINATION DU CARACTÈRE EXÉCUTOIRE DES JUGEMENTS À LEUR NOTIFICATION PRÉALABLE AUX PERSONNES INTÉRESSÉES (ART - 503 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE) - CONSÉQUENCE - DEMANDE DE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE POUR L'EXÉCUTION D'UNE DÉCISION JUDICIAIRE D'EXPULSION D'OCCUPANTS SANS TITRE - 1) RÉGULARITÉ DE LA SAISINE SUBORDONNÉE À LA NOTIFICATION AUX PERSONNES NOMMÉMENT DÉSIGNÉES PAR LA DÉCISION - EXISTENCE - 2) OBLIGATION DE L'ADMINISTRATION RÉGULIÈREMENT SAISIE D'ACCORDER LE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE - PORTÉE - OBLIGATION LIMITÉE À L'EXÉCUTION DE LA DÉCISION EN CE QUI CONCERNE LES PERSONNES AUXQUELLES ELLE A ÉTÉ PRÉALABLEMENT NOTIFIÉE ET AUX OCCUPANTS DE LEUR CHEF.

46-01-03-02-02 1) Il résulte des dispositions de l'article 503 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie que l'autorité administrative n'est régulièrement saisie d'une réquisition de la force publique pour l'exécution d'une décision judiciaire revêtue de la formule exécutoire et ayant pour objet l'expulsion d'occupants sans titre que s'il a été procédé, préalablement à sa saisine, à la notification de cette décision à tout ou partie des personnes qu'elle désigne nommément.... ,,2) Une fois régulièrement saisie, l'autorité administrative est tenue, sauf à engager la responsabilité de l'Etat, d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution de cette décision en ce qui concerne les personnes auxquelles elle a été préalablement notifiée ainsi qu'aux occupants de leur chef.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE - NOUVELLE-CALÉDONIE - SUBORDINATION DU CARACTÈRE EXÉCUTOIRE DES JUGEMENTS À LEUR NOTIFICATION PRÉALABLE AUX PERSONNES INTÉRESSÉES (ART - 503 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE) - CONSÉQUENCE - DEMANDE DE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE POUR L'EXÉCUTION D'UNE DÉCISION JUDICIAIRE D'EXPULSION D'OCCUPANTS SANS TITRE - 1) RÉGULARITÉ DE LA SAISINE SUBORDONNÉE À LA NOTIFICATION AUX PERSONNES NOMMÉMENT DÉSIGNÉES PAR LA DÉCISION - EXISTENCE - 2) OBLIGATION DE L'ADMINISTRATION RÉGULIÈREMENT SAISIE D'ACCORDER LE CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE - PORTÉE - OBLIGATION LIMITÉE À L'EXÉCUTION DE LA DÉCISION EN CE QUI CONCERNE LES PERSONNES AUXQUELLES ELLE A ÉTÉ PRÉALABLEMENT NOTIFIÉE ET AUX OCCUPANTS DE LEUR CHEF.

60-02-03-01-03 1) Il résulte des dispositions de l'article 503 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie que l'autorité administrative n'est régulièrement saisie d'une réquisition de la force publique pour l'exécution d'une décision judiciaire revêtue de la formule exécutoire et ayant pour objet l'expulsion d'occupants sans titre que s'il a été procédé, préalablement à sa saisine, à la notification de cette décision à tout ou partie des personnes qu'elle désigne nommément.... ,,2) Une fois régulièrement saisie, l'autorité administrative est tenue, sauf à engager la responsabilité de l'Etat, d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution de cette décision en ce qui concerne les personnes auxquelles elle a été préalablement notifiée ainsi qu'aux occupants de leur chef.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2014, n° 361027
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gérald Bégranger
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361027.20140730
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