Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 3 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire, dont le siège est au 16, quai Ernest Renaud, BP 90717 à Nantes Cedex (44105) ; la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10NT02431 du 4 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, en premier lieu, annulé le jugement n° 08-956 du 24 septembre 2010 du tribunal administratif de Nantes qui a notamment déclaré irrecevables ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Aegean Airlines à lui verser la somme de 23 335 euros en réparation des dommages consécutifs à l'accident survenu le 5 août 2007 sur l'aéroport Nantes-Atlantique, l'a, en deuxième lieu, condamnée à verser à la société Aegean Airlines la somme de 40 734 euros en réparation des préjudices résultant de l'immobilisation de l'aéronef impliqué dans l'accident et a, en troisième lieu, rejeté les conclusions reconventionnelles qu'elle avait présentées devant ce même tribunal ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la société Aegean Airlines tendant au versement de la somme de 184 471,63 euros en réparation de ses préjudices et, faisant droit à ses conclusions indemnitaires d'appel incident, de condamner la société Aegean Airlines à lui verser la somme de 25 257,68 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Aegean Airlines la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu l'arrêté du 23 septembre 1999 relatif aux conditions techniques sur les aérodromes civils et l'instruction technique sur les aérodromes civils ;
Vu l'arrêté du 28 août 2003 relatif aux conditions d'homologation et aux procédures d'exploitation des aérodromes, modifié notamment par l'arrêté du 14 mars 2007 ;
Vu l'arrêté du 10 juillet 2006 relatif aux caractéristiques techniques de certains aérodromes terrestres utilisés par les aéronefs à voilure fixe et son annexe I relative aux caractéristiques physiques des aérodromes utilisés par les aéronefs à voilure fixe ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire, et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Aegean Airlines ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 5 août 2007, un avion de type Boeing B737 affrété par la société Aegean Airlines, qui s'apprêtait à décoller de l'aéroport de Nantes-Atlantique à destination d'Athènes et d'Héraklion, s'est trouvé immobilisé à l'entrée de la piste n° 21 en raison d'un affaissement de son train d'atterrissage droit dans le revêtement en bitume de la bande aménagée à l'extrémité de la piste ; que la société Aegean Airlines a recherché la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire, concessionnaire de l'aéroport, pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage ; qu'à titre reconventionnel, la chambre de commerce et d'industrie a demandé réparation des coûts et dommages subis qu'elle impute à une faute de pilotage ; que, par arrêt du 4 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a déclaré la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire responsable du dommage à hauteur de 30 % et condamné celle-ci à verser à la société Aegean Airlines la somme de 40 734,40 euros, le surplus des conclusions indemnitaires de chacune des parties étant rejeté ; que la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire se pourvoit contre cet arrêt à l'encontre duquel la société Aegean Airlines forme un pourvoi incident ;
Sur le pourvoi principal :
2. Considérant que l'autorité responsable d'un ouvrage public répond de plein droit à l'égard des usagers du défaut d'entretien normal tenant, notamment, à la solidité et à la fiabilité de l'ouvrage pourvu que l'usager en fasse un usage conforme à sa destination normale ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe I.5.1.4.2.1 de l'arrêté du 28 août 2003 relatif aux conditions d'homologation et aux procédures d'exploitation des aérodromes, dans sa version applicable à la date de l'incident litigieux : " Lorsqu'un accotement de la voie de circulation, de plate-forme d'attente, d'aire de trafic ou d'autre surface à faible résistance ne peut être aisément distingué des surfaces portantes et que son utilisation par des aéronefs risque de causer des dommages à ces derniers, la limite entre cette surface et les surfaces portantes est indiquée par des marques latérales de voies de circulation " ; que ces marques latérales de voies de circulation sont également requises par le paragraphe I.5.1.3.7 du même arrêté ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un marquage latéral est requis entre les surfaces portantes au rang desquelles figurent les pistes et leurs bretelles d'accès et celles à faible résistance ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nantes, qui a souverainement apprécié que la bande aménagée dans laquelle s'est enfoncé le train d'atterrissage droit de l'avion était à faible résistance, n'a commis aucune erreur de droit, en relevant comme ne respectant pas les prescriptions réglementaires l'absence de tout marquage latéral de la voie de circulation conduisant à l'extrémité de piste et de la piste elle même ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait une fausse application des prescriptions du paragraphe 1.13 du schéma D de l'annexe A-1-34 de l'arrêté du 14 mars 2007 modifiant l'arrêté susvisé du 28 août 2003 et relatives au marquage de la limite entre l'extrémité de la piste et la zone dite de prolongement d'arrêt par suite de l'absence d'un tel prolongement sur l'aéroport de Nantes-Atlantique, il ressort toutefois des termes de l'arrêt attaqué que la cour a conclu de l'instruction à laquelle elle a procédé et notamment de l'expertise diligentée, l'insuffisance du marquage au sol de la limite de cette aire de sécurité, malgré la présence des balises lumineuses encastrées dans le bitume ; que la cour, qui ne mentionnait les dispositions de l'annexe A 1 34, les pratiques des autres aéroports et les recommandations de la Direction générale de l'aviation civile postérieures à l'incident qu'à titre illustratif des carences relevées dans les circonstances de l'espèce, pouvait, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits, déduire, sans erreur de droit, des constatations qu'elle avait faites un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public géré par la chambre de commerce et d'industrie requérante ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant que la manoeuvre de pilotage consistant à écarter sensiblement l'appareil de la ligne d'alignement n'était de nature à exonérer de sa responsabilité la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire pour défaut d'entretien de l'ouvrage aéroportuaire, qu'à hauteur de 30 % dès lors que l'absence de marquage latéral, pourtant obligatoire, de la bretelle d'accès rendait difficilement visible la limite entre la voie d'accès et l'aire d'extrémité de piste, la cour administrative d'appel de Nantes s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire doit être rejeté ;
Sur le pourvoi incident :
7. Considérant, en premier lieu, que si la société Aegean Airlines fait grief à la cour d'avoir retenu à la charge de son pilote une manoeuvre défectueuse de nature à exonérer partiellement la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire de sa responsabilité dans le dommage survenu, la cour administrative d'appel de Nantes, qui a apprécié souverainement les faits sans les dénaturer, n'a commis aucune erreur de qualification juridique en retenant l'existence d'une faute de son pilote à avoir positionné son appareil de manière excessivement excentrée par rapport à la ligne de circulation dont l'utilité n'est pas contestée, quel que soit sont caractère indicatif et alors même que le marquage latéral de la bretelle d'accès à la piste faisait défaut ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que si la société Aegean Airlines soutient que la cour ne pouvait écarter du montant de son préjudice le coût de la location d'avions de remplacement postérieurement au 6 août 2007, dès lors que cet affrètement était la conséquence de la désorganisation du vol initial, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et, en particulier, du rapport d'expertise, que l'avion accidenté aurait pu être remis en service dès le 6 août 2007 à 11 heures, s'il n'avait pas rencontré des problèmes techniques sans rapport avec l'incident survenu la veille ; qu'ainsi, en écartant comme étant dépourvu de lien de causalité direct avec l'accident, le coût d'affrètements postérieurs au 6 août 2007, la cour administrative d'appel de Nantes, qui a apprécié souverainement les faits de l'espèce sans les dénaturer, n'a pas commis d'erreur de droit ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter le pourvoi incident de la société Aegean Airlines ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de mettre à la charge de la société Aegean Airlines le versement à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes-Saint-Nazaire d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ni de mettre à la charge de cette dernière le versement à la société Aegean Airlines d'une somme au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire est rejeté.
Article 2 : Le pourvoi incident de la société Aegean Airlines est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles présentées par la société Aegean Airlines et tendant aux mêmes fins sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire et à la société Aegean Airlines.