Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 24 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B... A...dite Clara Ford, demeurant ... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n°10PA02635 du 21 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0707294 du 19 mars 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la condamnation du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à lui verser la somme de 254 632 euros, augmentée des intérêts légaux capitalisés à compter du 15 janvier 2007, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la mise en liquidation judiciaire de la société de production Tracol Films dont elle était la gérante ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du CNC la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'industrie cinématographique ;
Vu le décret n° 98-35 du 14 janvier 1998 ;
Vu le décret n° 2004-1010 du 24 septembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thierry Carriol, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de Mme A...et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du centre national du cinéma et de l'image animée ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Tracol Films, que dirigeait la requérante, a reçu du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) plusieurs aides à la production au cours des années 2002 et 2003 ; qu'à la suite de la découverte de manoeuvres frauduleuses de la requérante, le directeur général du CNC lui a, par une décision en date du 23 juillet 2004, demandé de procéder au remboursement de ces aides ; que celle-ci a, au mois de janvier 2005, obtenu une aide de 25 000 euros par décision de la directrice générale du CNC, au titre de l'oeuvre intitulée " Auvergne : les hautes terres des migrants ", dont elle soutient qu'elle ne lui aurait jamais été notifiée officiellement ; que Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CNC à lui verser la somme de 254 632 euros en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la mise en liquidation judiciaire de la société de production Tracol Films ;
Sur l'application de l'article 13 du code de l'industrie cinématographique et de l'article 8-1 du décret du 14 janvier 1998 relatif au soutien financier de l'industrie audiovisuelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code de l'industrie cinématographique, dans sa rédaction alors en vigueur : " En cas d'infraction aux décisions réglementaires visées à l'article 2 et en cas d'infraction aux dispositions des articles 24 et 27 et des textes pris pour leur application, le directeur général du centre national de la cinématographie prononce des sanctions sur proposition d'une commission, présidée par un magistrat de l'ordre administratif, et dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; que les infractions visées sont celles relatives à des décisions réglementaires du CNC, aux dispositions applicables aux concessions des droits de représentation publique d'une oeuvre cinématographique de long métrage et aux agréments délivrés pour les formules d'accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la décision du 23 juillet 2004 par laquelle le directeur général du CNC a demandé à la requérante de procéder au remboursement des aides financières accordées à la société Tracol Films n'était relative à aucune des situations visées à l'article 13 du code de l'industrie cinématographique ; qu'ainsi la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant, en l'espèce, l'application de ces dispositions ;
3. Considérant que l'article 8-1 du décret du 14 janvier 1998 relatif au soutien financier de l'industrie audiovisuelle a été introduit par décret du 24 septembre 2004 ; que ces dispositions, entrées en vigueur postérieurement à la décision du 23 juillet 2004 par laquelle le directeur général du CNC a demandé à la requérante de procéder au remboursement des aides perçues par la société Tracol Films, ne pouvaient en constituer le fondement ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en relevant que cette décision avait été prise en application de l'article 8-1 du décret du 14 janvier 1998 ;
4. Considérant, toutefois, que si une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire et ne peut, en principe, être retirée que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et peut, par suite, être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de droit commun serait expiré ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué ;
Sur le caractère disproportionné de la décision du 23 juillet 2004 du directeur général du CNC :
5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la demande de remboursement d'aides financières obtenues frauduleusement, qui a pour seul objectif de rapporter un acte obtenu par fraude, ne constitue pas une sanction administrative ; qu'ainsi c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a jugé que le moyen tiré du caractère disproportionné de la décision du 23 juillet 2004 par laquelle le directeur général du CNC a demandé à la requérante le remboursement des aides financières perçues par la société Tracol Films ne pouvait être qu'écarté ;
Sur les conséquences du défaut de notification individuelle d'une aide de 25 000 euros accordée en janvier 2005 :
6. Considérant qu'en jugeant que l'absence de notification à la société Tracol Films d'une aide d'un montant de 25 000 euros n'était pas de nature à conduire à la liquidation judiciaire de cette société compte tenu de la situation déficitaire de cette dernière, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, qui n'est pas entachée de dénaturation ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme A...ne peut qu'être rejeté ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CNC, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros à verser au CNC au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A...dite Ford est rejeté.
Article 2 : Mme A...dite Ford versera au centre national du cinéma et de l'image animée une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...dite Clara Ford, au centre national du cinéma et de l'image animée et à la ministre de la culture et de la communication.