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30/06/2014 | FRANCE | N°357234

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 30 juin 2014, 357234


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 février 2012, 31 mai 2012, 24 septembre 2012, 10 décembre 2012 et 10 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Coopération pharmaceutique française demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) sur sa demande tendant à ce qu'il propose l'abrogation de l'arrêté du 22 avril 201

1 retirant la pholcodine et ses sels du tableau des exonérations en médecine humaine...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 février 2012, 31 mai 2012, 24 septembre 2012, 10 décembre 2012 et 10 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Coopération pharmaceutique française demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) sur sa demande tendant à ce qu'il propose l'abrogation de l'arrêté du 22 avril 2011 retirant la pholcodine et ses sels du tableau des exonérations en médecine humaine de la réglementation des substances vénéneuses, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur sa demande tendant à ce qu'il abroge cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au directeur général de l'AFSSAPS de proposer au ministre du travail, de l'emploi et de la santé d'abroger son arrêté du 22 avril 2011 et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé d'abroger cet arrêté, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Coopération pharmaceutique française.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique : " Sont comprises comme substances vénéneuses : (...) / 4° Les substances inscrites sur la liste I et la liste II définies à l'article L. 5132-6 (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 5132-6 du même code : " La liste I comprend les substances ou préparations, et les médicaments et produits présentant les risques les plus élevés pour la santé ". En vertu de l'article R. 5132-1 du même code, les dispositions réglementaires relatives aux substances vénéneuses s'appliquent aux médicaments qui renferment une ou plusieurs substances ou préparations classées sur les listes I ou II précitées. Toutefois, le 1° de l'article R. 5132-2 du même code, dans sa rédaction applicable aux décisions litigieuses, permet d'en exonérer : " les médicaments mentionnés à l'article R. 5132-1 qui sont destinés à la médecine humaine et renferment des substances classées à des doses ou concentrations très faibles ou sont utilisés pendant une durée de traitement très brève. Les formes ou voies d'administration de ces médicaments, leur composition, les doses ou concentrations maximales de substances qu'ils renferment, ainsi que, le cas échéant, la durée maximale du traitement, sont fixées, sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (...) par arrêté du ministre chargé de la santé ".

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

2. En vertu du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale. Tant le refus du ministre chargé de la santé d'abroger un arrêté pris sur le fondement de l'article R. 5132-2 du code de la santé publique précité que la décision du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé refusant de proposer une telle abrogation au ministre présentent un caractère réglementaire. Dès lors, et contrairement à ce que soutient l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort de l'ensemble des conclusions de la requête de la société Coopération pharmaceutique française.

Sur la recevabilité de la requête :

3. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui a la qualité de partie au litige en ce qui concerne les seules conclusions de la société Coopération pharmaceutique française relatives au refus de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de proposer au ministre chargé de la santé d'abroger son arrêté du 22 avril 2011, ne peut utilement soulever une fin de non-recevoir dirigée contre les conclusions relatives au refus du ministre de prononcer une telle abrogation.

Sur les interventions des sociétés Laboratoire Zambon France et Laboratoires Urgo :

4. Les sociétés Laboratoire Zambon France et Laboratoires Urgo ont intérêt à l'annulation des décisions attaquées. Ainsi, leur intervention est recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

5. Ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.

6. En premier lieu, par l'arrêté du 22 avril 2011, le ministre chargé de la santé a mis fin, sur le fondement de l'article R. 5132-2 précité du code de la santé publique, à l'exonération de l'application des dispositions relatives aux substances vénéneuses dont bénéficiaient les médicaments contenant de la pholcodine à des doses ou à des concentrations très faibles, sans modifier le classement comme substance vénéneuse de la pholcodine, qui est demeurée inscrite sur la liste I prévue à l'article L. 5132-6 du même code, comprenant les substances présentant les risques les plus élevés pour la santé. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de l'exercice des pouvoirs qui lui sont confiés par les dispositions de l'article R. 5132-2, le ministre chargé de la santé aurait, compte tenu des informations scientifiques disponibles à la date de l'arrêté litigieux, et notamment d'éléments faisant apparaître un lien statistique entre la consommation de pholcodine et une réaction anaphylactique aux curares utilisés à des fins d'anesthésie, commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la pholcodine et ses sels, même à des doses ou concentrations très faibles, présentaient un danger pour la santé publique. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en les retirant du tableau des exonérations de la réglementation des substances vénéneuses et en soumettant ainsi à prescription obligatoire l'ensemble des médicaments contenant de la pholcodine, même à des doses ou à des concentrations très faibles, le ministre ait pris une mesure inappropriée.

7. En second lieu, il ne résulte pas de la circonstance que, postérieurement à cet arrêté, le comité des médicaments à usage humain de l'Agence européenne des médicaments a rendu, le 17 novembre 2011, un avis favorable au maintien des autorisations de mise sur le marché des spécialités à base de pholcodine, assorti toutefois de l'obligation de conduire une étude destinée à vérifier la possibilité d'une association entre l'utilisation de la pholcodine et les réactions anaphylactiques aux agents bloquants neuromusculaires, que l'arrêté du 22 avril 2011 serait devenu illégal.

8. Par suite, la société Coopération pharmaceutique française n'est pas fondée à soutenir que le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé était tenu de proposer l'abrogation de cet arrêté, ni, en tout état de cause, le ministre de procéder à cette abrogation et que les décisions de refus attaquées seraient ainsi illégales. Ses conclusions à fin d'annulation doivent, dès lors, être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Coopération pharmaceutique française à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les dépens :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la société Coopération pharmaceutique française la contribution pour l'aide juridique, prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la requête.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Coopération pharmaceutique française demande à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions des sociétés Laboratoire Zambon France et Laboratoires Urgo sont admises.

Article 2 : La requête de la société Coopération pharmaceutique française est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Coopération pharmaceutique française, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à la société Laboratoire Zambon France, à la société Laboratoires Urgo et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 357234
Date de la décision : 30/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2014, n° 357234
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:357234.20140630
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