La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2014 | FRANCE | N°376399

France | France, Conseil d'État, 6ème ssjs, 27 juin 2014, 376399


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département du Morbihan, représenté par le président du conseil général ; le département du Morbihan demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-215 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Morbihan ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986 ;

Vu la loi n

2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance pu...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département du Morbihan, représenté par le président du conseil général ; le département du Morbihan demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-215 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Morbihan ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986 ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ; qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) / III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques, d'ordre topographique, comme l'insularité, le relief, l'hydrographie ; d'ordre démographique, comme la répartition de la population sur le territoire départemental ; d'équilibre d'aménagement du territoire, comme l'enclavement, la superficie, le nombre de communes par canton ; ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

2. Considérant que le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département du Morbihan, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de 42 à 21 résultant de l'article L. 191-1 du code électoral ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que conformément aux dispositions du I de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil général du Morbihan a été consulté sur le projet de décret et s'est prononcé le 15 novembre 2013 ; que s'il est soutenu que cette consultation aurait été tardive, il ne résulte d'aucune disposition que le projet aurait dû lui être soumis plus tôt ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de décret transmis au conseil général était accompagné d'un rapport de présentation ainsi que de plusieurs annexes comportant des cartes et des tableaux ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, ces documents ont permis de dispenser aux conseillers généraux une information suffisante sur le projet de décret soumis à la délibération du conseil général ; que, par ailleurs, le département ne peut utilement soutenir que la procédure au terme de laquelle le décret attaqué a été adopté aurait méconnu les termes de la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 avril 2013 relative à la méthodologie du découpage cantonal en vue de la mise en oeuvre du scrutin binominal majoritaire aux élections départementales, dès lors que cette circulaire est dépourvue de caractère réglementaire ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition n'imposait au gouvernement de motiver le décret attaqué ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le département ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir, à l'encontre du décret attaqué, des termes de la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011 relative à la qualité du droit qui prévoient que : " la publication des décrets réglementaires (...) s'accompagne d'une notice explicative, c'est-à-dire d'un document synthétique destiné à éclairer le lecteur du Journal officiel de la République française sur la portée du texte nouveau " ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales se bornent à prévoir la consultation du conseil général du département concerné à l'occasion de l'opération de création et suppression de cantons ; que, contrairement à ce que soutient le département, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose une consultation des communes chefs-lieux de canton du département ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que l'article L. 2334-21 du même code prévoit que la première fraction de la dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes chefs-lieux de canton ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation de ces communes ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles ; qu'il n'est pas contesté que les limites des cantons du département du Morbihan ont été définies sur le fondement de ces critères ; que, par suite, le département ne peut utilement invoquer la circonstance que les zones rurales seraient, du fait de la mise en oeuvre de ces règles, moins bien représentées que les zones urbaines au sein de l'assemblée départementale ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du IV de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, il peut être apporté des exceptions de portée limitée aux règles énoncées à son III, justifiées, notamment, par des considérations géographiques telles que l'insularité ; que s'il est constant que le département du Morbihan comprend plusieurs îles, ces dispositions n'imposaient nullement au pouvoir réglementaire d'en tenir compte pour définir les limites des cantons concernés, dès lors que la dérogation aux règles prévues au III constitue une simple faculté ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que ce critère géographique ait été pris en compte pour définir les limites de certains cantons dans d'autres départements ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales : " Le département est chargé d'organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l'exercice des compétences relatives à : (...) / 3° La solidarité des territoires. (...) " ; que les dispositions du décret attaqué, qui se bornent à définir les limites des cantons, sont sans incidence sur l'étendue et les conditions d'exercice des compétences dévolues au département du Morbihan ; que, dès lors, celui-ci ne peut utilement soutenir que les dispositions citées ci-dessus auraient été méconnues ;

10. Considérant, en dernier lieu, que ni l'article L. 125 du code électoral, ni l'article 5 de la loi du 11 juillet 1986 relative à l'élection des députés et autorisant le gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales, non plus qu'aucun autre texte ni aucun principe n'imposent au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les limites des circonscriptions législatives ; que, par suite, le département ne peut utilement se prévaloir de ce que la délimitation de plusieurs cantons du département du Morbihan ne correspondrait pas à celle des circonscriptions législatives ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département du Morbihan n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du département du Morbihan est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département du Morbihan, au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème ssjs
Numéro d'arrêt : 376399
Date de la décision : 27/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2014, n° 376399
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:376399.20140627
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award