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25/06/2014 | FRANCE | N°352633

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 25 juin 2014, 352633


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 13 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. D...C...et Mme F...C..., demeurant ...; M. et Mme C...demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA02294 du 11 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0624609 du 25 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 a

vril 2006 par lequel le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique le...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 13 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. D...C...et Mme F...C..., demeurant ...; M. et Mme C...demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA02294 du 11 juillet 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0624609 du 25 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2006 par lequel le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique les phases 2 et 3 du projet d'aménagement de l'avenue Pinay à Orange et rendu cessibles les parcelles nécessaires à cette réalisation, d'autre part, à l'annulation de cet arrêté ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juin 2014, présentée pour M. et Mme C... ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. et MmeC..., et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la commune d'Orange ;

1. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) " ; que, selon l'article R. 613-4 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction (...) " ;

2. Considérant que si la commune d'Orange a été appelée en la cause par la cour administrative d'appel de Marseille en qualité d'observateur et a produit des observations, elle doit, en réalité, être regardée, en sa qualité de bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique, comme une partie à l'instance pour l'application des articles R. 611-1 et R. 613-4 du code de justice administrative ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure devant la cour que, alors que l'affaire étant inscrite à l'audience du 20 juin 2011 et la date de clôture de l'instruction se trouvant en conséquence fixée, en l'absence d'ordonnance de clôture de l'instruction du président de la formation de jugement, au 16 juin 2011, la commune d'Orange a produit un mémoire à cette même date ; que, le même jour, la cour administrative d'appel de Marseille a communiqué ce mémoire à M. et Mme C...et autres, appelants ; que la mention, contenue dans le courrier joint à la communication de ce mémoire, invitant son destinataire à produire, s'il l'estimait utile, des observations " aussi rapidement que possible ", n'a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction ; que le mémoire contenait des éléments nouveaux en réponse à l'argumentation des requérants et sur lesquels la cour a fondé sa décision ; que, par suite, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'absence d'autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter atteinte gravement à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique (...) " ;

6. Considérant que l'autorisation prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement et la déclaration d'utilité publique sont régies par des législations distinctes et soumises à des procédures indépendantes ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le projet, susceptible d'entraîner une aggravation du risque d'inondation existant, aurait dû être soumis à autorisation en application des dispositions de l'article L. 214-3 du code de l'environnement est inopérant en ce qui concerne la légalité de la déclaration d'utilité publique ;

Sur l'enquête parcellaire :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle BH 5 a été acquise par la commune d'Orange antérieurement à la réalisation de l'enquête parcellaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette parcelle aurait dû être incluse dans le champ de l'enquête parcellaire ne peut qu'être écarté ;

Sur l'étude d'impact :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à l'enquête, un dossier qui comprend obligatoirement : / I. Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1° Une notice explicative ; (...) / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement (...) / 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; / 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; / (...) IV. - Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme (...) " ;

9. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

10. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, si la phase 1 du programme d'aménagement d'une voie nouvelle, l'avenue Antoine Pinay, était susceptible d'être prolongée par les phases 2 et 3, objets de l'arrêté litigieux, le tronçon de voie correspondant à cette première phase a été achevé en 1999 et a fait l'objet d'une exploitation autonome ; que les phases 2 et 3 du programme d'aménagement de l'avenue Pinay constituent un programme autonome, ayant une finalité propre, indépendamment de la première phase d'aménagement ; que, par suite, l'étude d'impact des phases 2 et 3 de l'aménagement de l'avenue Pinay n'avait pas à comporter, pour l'application du IV de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, une appréciation des impacts de la première phase du programme d'équipement routier ; que le moyen tiré de l'absence d'appréciation des impacts de l'ensemble du programme d'équipement routier n'est, dès lors, pas fondé ;

11. Considérant, d'autre part, que M. et Mme C...soutiennent que l'étude d'impact comporte des omissions concernant l'importance des travaux, l'atteinte à l'environnement, à l'écoulement des eaux et aux propriétés immobilières, que la réalité du secteur sensible aux inondations n'a pas été prise en compte, que l'étude hydraulique n'est pas complète, que les bassins versants intéressés par le projet n'ont pas été pris en compte, que l'effet de barrage de l'ouvrage n'a pas été abordé, que la nature du sol et du sous-sol n'a pas été prise en compte, non plus que les conséquences du drainage sur le système hydrogéologique et sur la stabilité des travaux ; que, toutefois, l'étude d'impact comporte les analyses prescrites par les dispositions précitées de l'article R. 122-3 du code de l'environnement et décrit les mesures prises pour remédier aux inconvénients du projet ; que, notamment, les ouvrages de décharge assurant les écoulements sous la future voie ont été étudiés, de même que la vulnérabilité de la nappe phréatique et que des mesures destinées à parer le risque de pollution accidentelle ont été prévues ; que les conséquences du projet sur la flore ont été analysées ; que l'inscription à l'inventaire des arbres remarquables du Vaucluse d'un orme situé sur le tracé du projet, postérieurement à la réalisation de l'étude d'impact, est en tout état de cause sans incidence sur le respect des dispositions de l'article R. 122-3 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ne peut qu'être écarté ;

Sur l'utilité publique :

12. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement d'un axe routier à l'ouest de la commune d'Orange a pour but de désengorger le trafic routier en centre ville et d'assurer la sécurité des piétons ; que l'aggravation du risque d'inondation dans cette zone a été pris en compte et des mesures ont été prévues pour l'atténuer ; qu'eu égard tant à l'intérêt général qui s'attache à la réalisation de cette opération qu'aux précautions et mesures compensatoires prévues pour en limiter les effets négatifs, ni les inconvénients inhérents aux atteintes portées à l'environnement et à la propriété, ni le coût financier de l'opération ne sauraient être regardés comme excessifs et ne sont, dès lors, de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;

14. Considérant que les requérants ne sauraient utilement contester l'utilité publique de ce projet au motif que des modalités alternatives d'amélioration de la circulation routière sur la commune d'Orange présenteraient, selon eux, une utilité publique supérieure ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Orange au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 juillet 2011 est annulé.

Article 2 : La requête de M. et Mme C...devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le surplus du pourvoi de M. et Mme C...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune d'Orange présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D...et Mme F...C..., à la commune d'Orange et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à Mme E...B..., à M. A...B...et à l'Association pour la défense des habitants des quartiers de Grenouillet, Nogent, Rieu, Croze et Peyron.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 352633
Date de la décision : 25/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2014, n° 352633
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:352633.20140625
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