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17/06/2014 | FRANCE | N°355807

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 17 juin 2014, 355807


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 janvier et 12 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... C..., demeurant... ; M. C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1500 du 10 novembre 2011 relatif au régime complémentaire de retraite du personnel navigant professionnel de l'aviation civile et modifiant le code de l'aviation civile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administra

tive ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code de la sécurité soc...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 janvier et 12 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... C..., demeurant... ; M. C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-1500 du 10 novembre 2011 relatif au régime complémentaire de retraite du personnel navigant professionnel de l'aviation civile et modifiant le code de l'aviation civile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M.C... ;

1. Considérant qu'eu égard aux moyens qu'il invoque, le requérant doit être regardé comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir des seuls articles 13, 18 et 25 du décret du 10 novembre 2011 relatif au régime complémentaire de retraite du personnel navigant professionnel de l'aviation civile et modifiant le code de l'aviation civile ;

Sur l'intervention de M. D...A...et autres :

2. Considérant que M. D...A..., les autres membres du personnel navigant de l'aviation civile et l'association des retraités et pensionnés du personnel navigant de l'aéronautique civile justifient d'un intérêt à l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;

Sur l'article 13 du décret attaqué :

3. Considérant que l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, applicable à la date du décret attaqué, dispose que : " L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du présent code, à l'article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l'article L. 24 et au 1° de l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956 (...) " ; que le quatrième alinéa de l'article R. 426-16-1 du code de l'aviation civile, relatif au régime complémentaire de retraite du personnel navigant de l'aviation civile, dans sa rédaction issue de l'article 13 du décret attaqué, dispose que : " Pour la période de jouissance comprise entre l'âge auquel l'affilié aura atteint le nombre d'annuités nécessaires pour l'ouverture du droit à pension, et ce au plus tôt à l'âge mentionné au 1° du A du II de l'article R. 426-11, et l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, la pension mensuelle est assortie d'une majoration si l'affilié remplit les conditions prévues pour la liquidation d'une pension sans décote dans les conditions prévues aux articles R. 426-11, R. 426-15-2, R. 426-15-3 et R. 426-17 (...) ", alors que la rédaction antérieure de cet alinéa prévoyait que la majoration serait versée jusqu'à l'âge de soixante ans ;

4. Considérant, en premier lieu, que le relèvement de soixante à soixante-deux ans de l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite du régime général par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites n'impliquait pas que l'âge jusqu'auquel la pension versée par le régime complémentaire de retraite du personnel navigant professionnel de l'aviation civile est assortie d'une majoration soit également relevé à ce niveau pour l'ensemble des personnes affiliées à ce régime qui ne pourront prétendre à une retraite du régime général avant l'âge de soixante-deux ans ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret méconnaîtrait la loi et serait entaché d'erreur de droit faute de tirer complètement les conséquences de la modification de l'âge légal de départ à la retraite doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du X de son article 26, le décret attaqué s'applique aux pensions complémentaires de retraite liquidées à compter de son entrée en vigueur le 1er janvier 2012 ; que, par suite, il ne porte pas atteinte aux droits que les personnels concernés peuvent tenir de pensions déjà liquidées ; qu'en tout état de cause, il ne peut être regardé, du seul fait qu'il maintient à soixante ans l'âge jusqu'auquel la pension mensuelle est assortie d'une majoration pour les personnels dont la pension complémentaire de retraite est liquidée avant le 1er janvier 2012, comme portant atteinte au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le principe de sécurité juridique n'imposait pas non plus, en tout état de cause, au pouvoir réglementaire de prévoir des dispositions transitoires visant à prolonger, pour les pensionnés dont la pension était liquidée avant son entrée en vigueur, l'octroi de la majoration jusqu'à l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite prévu par l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

7. Considérant que le décret attaqué relève l'âge jusqu'auquel la majoration prévue à l'article R. 426-16-1 du code de l'aviation civile est versée au bénéfice des seules pensions liquidées à compter du 1er janvier 2012 ; que, toutefois, la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité ; que, s'agissant du régime applicable au calcul d'une pension de retraite, celui-ci est nécessairement déterminé par la date à laquelle les droits sont liquidés ; que si, en l'espèce, en raison de la différence relative à l'âge d'ouverture des droits à pension existant entre le régime général et le régime complémentaire de retraite du personnel navigant professionnel de l'aviation civile, certains des pensionnés de ce dernier régime sont concernés par le relèvement de l'âge d'ouverture du droit à une pension du régime général sans pour autant bénéficier du relèvement de l'âge jusqu'auquel la majoration du régime complémentaire leur est versé, il n'en résulte pas, en tout état de cause, une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, consistant à assurer la pérennité financière du régime à long terme, compte tenu notamment de la durée totale, supérieure à celle des personnels dont la retraite est liquidée à compter du 1er janvier 2012, pendant laquelle ils auront pu bénéficier de la majoration ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre pensionnés selon la date de liquidation de leur pension doit être écarté ;

Sur l'article 18 du décret attaqué :

8. Considérant que l'article R. 426-19 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue de l'article 18 du décret attaqué, dispose que : " (...) II. La pension de réversion au profit du conjoint survivant apte à recevoir est égale à un pourcentage de la pension de l'affilié fixé à 60 %. (...) / III. La pension d'orphelin au profit de chacun des enfants à charge est égale à 12 % de la pension de l'affilié. Le taux est porté à 50 % au profit de chacun des orphelins de père et de mère, de moins de 21 ans, et sans limite d'âge au profit de l'enfant handicapé tel que défini à l'article R. 426-20. (...) / IV. Le total des pensions de réversion et d'orphelins allouées ne peut dépasser 100 % de la pension de l'affilié. S'il y a excédent, la pension allouée à chacun des ayants droit est réduite proportionnellement " ; que, dans sa rédaction antérieure, cet article prévoyait que, lorsqu'il n'y avait pas ou plus de conjoint apte à recevoir, outre la pension de 12 %, la pension de réversion au profit du conjoint survivant égale à 60 % de la pension de l'affilié était attribuée aux enfants à charge à titre de pension temporaire et aux enfants orphelins handicapés sans limite d'âge, le tout dans la limite du maximum de 100 % de la pension de l'affilié ; qu'en vertu du VIII de l'article 26 du décret attaqué, les dispositions de son article 18 sont applicables aux pensions de réversion découlant de décès survenus à compter du 1er janvier 2012 ;

9. Considérant que le régime applicable au calcul d'une pension d'orphelin est nécessairement déterminé par la date à laquelle les droits sont liquidés, du fait du décès du titulaire de la pension ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la différence de traitement résultant de l'application à compter du 1er janvier 2012, en vertu de l'article 18 du décret attaqué, de nouvelles modalités de calcul des pensions majorées versées aux enfants orphelins handicapés n'est pas, par elle-même, contraire au principe d'égalité ; que cet article 18, qui n'affecte pas les pensions de réversion déjà liquidées, ne porte aucune atteinte aux droits que les ayants droit des personnels concernés peuvent tenir de pensions de réversion déjà liquidées ; que les moyens tirés de ce qu'il méconnaîtrait l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de sécurité juridique ne peuvent qu'être écartés ;

Sur l'article 25 du décret attaqué :

10. Considérant que l'article 25 du décret attaqué a abrogé les articles R. 426-22 et R. 426-23 du code de l'aviation civile qui disposaient, pour le premier, que : " Le conjoint est inapte à recevoir (...) : / (...) 2. En cas de remariage ; toutefois, le conjoint remarié, s'il est redevenu veuf ou s'il est divorcé ou séparé de corps peut, sur sa demande, recouvrer son droit à pension (...) " et, pour le second, que : " Lorsque, au décès de l'affilié ou du pensionné, il existe un conjoint survivant et un ou plusieurs conjoints divorcés aptes à recevoir, la pension de réversion est répartie entre le conjoint survivant et le ou les conjoints divorcés, au prorata de la durée respective de chaque mariage. / (...) Lorsqu'il existe des ayants cause de deux ou plusieurs lits, par suite d'un ou plusieurs mariages antérieurs de l'affilié ou du pensionné, la pension de réversion du bénéficiaire décédé est divisée en parts égales entre chaque lit représenté par le conjoint survivant ou le ou les conjoints divorcés aptes à recevoir ou par un ou plusieurs enfants à charge. / Si un lit cesse d'être représenté, sa part accroîtra celle du ou des autres lits " ; que l'article 20 du décret attaqué a modifié l'article R. 426-21 du même code pour disposer que : " Le conjoint est inapte à recevoir en cas de remariage. / Lorsque, au décès de l'affilié ou du pensionné, il existe un conjoint survivant et un ou plusieurs conjoints divorcés aptes à recevoir, la pension de réversion est répartie entre le conjoint survivant et le ou les conjoints divorcés, au prorata de la durée respective de chaque mariage " ;

11. Considérant que le régime applicable au calcul d'une pension de réversion est nécessairement déterminé par la date à laquelle les droits sont liquidés, du fait du décès du titulaire de la pension ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la différence de traitement résultant de l'application, en vertu de l'article 25 du décret attaqué, de nouvelles modalités de calcul des pensions de réversion versées au conjoint survivant et au ou aux conjoints divorcés et non remariés en cas de décès de l'un d'entre eux pour les pensions de réversion liquidées à compter du 1er janvier 2012 n'est pas, par elle-même, contraire au principe d'égalité ; que cet article 25, qui n'affecte pas les pensions de réversion déjà liquidées, ne porte aucune atteinte aux droits que les ayants droit de personnels concernés peuvent tenir de pensions déjà liquidées ; que les moyens tirés de ce qu'il méconnaîtrait l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de sécurité juridique ne peuvent qu'être écartés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de M. A...et autres est admise.

Article 2 : La requête de M. C...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...C..., au Premier ministre, à la ministre des affaires sociales et de la santé et à M. D...A..., premier intervenant dénommé.

Les autres intervenants seront informés de la présente décision par la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 355807
Date de la décision : 17/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2014, n° 355807
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:355807.20140617
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