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28/05/2014 | FRANCE | N°360890

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28 mai 2014, 360890


Vu le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, enregistré le 9 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt n° 10PA04266 du 31 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir réformé le jugement n° 0701338 du 15 juin 2010 du tribunal administratif de Paris, a déchargé la société Al Hayat Publishing Company Ltd des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquels elle a

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Vu le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, enregistré le 9 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt n° 10PA04266 du 31 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir réformé le jugement n° 0701338 du 15 juin 2010 du tribunal administratif de Paris, a déchargé la société Al Hayat Publishing Company Ltd des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 et des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter sur ce point l'appel de cette société ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 22 mai 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Japiot, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Al Hayat Publishing Company Limited ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit britannique Al Hayat Publishing Company Ltd, dont le siège social est situé à Londres et qui a pour activité principale l'édition de journaux, possède, depuis 1989, un bureau à Paris ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2002 et 2003, l'administration a estimé que ce bureau constituait un établissement stable et, en conséquence, a notifié à la société une proposition de rectification en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces deux années ; que le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 15 juin 2010, a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions ; que le ministre délégué, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir réformé ce jugement, a déchargé la société des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire à cet impôt en litige ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...)" ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 susvisée, alors en vigueur : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de la même convention : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau (...) / 3. On ne considère pas qu'il y a établissement stable si : (...) e. Une installation fixe d'affaires est utilisée, pour l'entreprise, aux seules fins de publicité, de fournitures d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire (...) " ; qu'il résulte des stipulations du e du 3 de l'article 4 de la convention précitée, éclairées par les commentaires formulés, antérieurement à l'adoption de ces stipulations, par le comité fiscal de l'Organisation pour la coopération et le développement économique sur le paragraphe 3 de l'article 5 du projet de convention-modèle établi par cette organisation en 1963, dont les termes sont similaires à ceux des stipulations précitées de la convention franco-britannique, qu'un " bureau d'un journal " ne constitue pas un établissement stable ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour, après avoir relevé, par une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, d'une part, que l'activité du bureau parisien de la société Al Hayat Publishing Company Ltd consistait exclusivement à suivre l'actualité française pour le compte du siège de l'entreprise situé à Londres et à rédiger des articles en vue de leur publication dans le quotidien de langue arabe Dar Al Hayat édité en Grande-Bretagne, et, d'autre part, que ce bureau n'élaborait pas le journal lui-même ni n'assurait sa diffusion en France, a exactement qualifié ces faits en jugeant que ce bureau, eu égard à l'activité ainsi exercée, ne pouvait être regardé comme un établissement stable au sens des stipulations du e du 3 de l'article 4 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 alors applicable ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros à verser à la société Al Hayat Publishing Company Ltd, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Al Hayat Publishing Company Ltd une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société Al Hayat Publishing Company Ltd.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360890
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2014, n° 360890
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Japiot
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:360890.20140528
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