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21/05/2014 | FRANCE | N°365172

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème ssr, 21 mai 2014, 365172


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 15 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Air France-KLM, dont le siège est 2, rue Robert Esnault Pelterie BP 90112 à Paris (75326 Cedex 07), représentée par son président-directeur général en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11VE02928 du 13 novembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0803738 du 9 juin 2011

par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 15 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Air France-KLM, dont le siège est 2, rue Robert Esnault Pelterie BP 90112 à Paris (75326 Cedex 07), représentée par son président-directeur général en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11VE02928 du 13 novembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0803738 du 9 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2003, d'autre part, à la décharge de ces rappels de taxe et à ce que soit ordonnée la restitution de ces sommes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 mai 2014, présentée pour la société Air France- KLM ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Air France-KLM ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à compter de 1999, la société Air France, devenue Air France-KLM, a, s'agissant des vols intérieurs qui sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, conservé la totalité des sommes acquittées par ses clients correspondant aux billets non échangeables, devenus périmés en raison de l'absence des clients lors de l'embarquement, ou aux billets échangeables inutilisés dans le délai de leur validité, sans reverser à l'administration fiscale la taxe sur la valeur ajoutée sur le produit de la vente de ces billets au motif que ces recettes ne pouvaient être rattachées à l'exécution d'une prestation de services de transport et qu'elles constituaient dans leur ensemble des indemnités de résiliation n'entrant pas dans le champ d'application de la taxe ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration lui a notifié, au titre de la période allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2003, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 % portant sur les sommes correspondant à la vente de ces billets ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 novembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du 9 juin 2011 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui avait rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

2. Considérant que l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, applicable aux rappels de taxe contestés, repris à l'article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dispose que " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, (...) les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel " ; que l'article 10, paragraphe 2, de la directive 77/388/CEE, repris à l'article 63 de la directive 2006/112/CE, dispose que " le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée " ; qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, transposant en droit français les dispositions de la sixième directive : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 269 du même code, faisant application des facultés laissées aux Etats membres par le 2 de l'article 10 de la directive en ce qui concerne sa transposition : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) au moment où la livraison, l'acquisition intra communautaire du bien ou la prestation de services est réalisée(...) / 2. La taxe est exigible : (...) pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération " ;

3. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 9 juillet 2009, rendu dans l'affaire C-204/08, Rehder c/ Air Baltic, en réponse à une demande de décision préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les services dont la fourniture correspond à l'exécution des obligations découlant d'un contrat de transport aérien de personnes sont l'enregistrement ainsi que l'embarquement des passagers et l'accueil de ces derniers à bord de l'avion au lieu de décollage convenu dans le contrat de transport, le départ de l'appareil à l'heure prévue, le transport des passagers et de leurs bagages du lieu de départ au lieu d'arrivée, la prise en charge des passagers pendant le vol, et, enfin, le débarquement de ceux-ci, dans des conditions de sécurité, au lieu d'atterrissage et à l'heure convenus ;

4. Considérant que, pour l'application des dispositions fiscales citées au point 2, la société Air France-KLM, qui a facturé les billets correspondant à des vols intérieurs toutes taxes comprises, soutient que la somme acquittée par le client qui renonce à utiliser son billet d'avion et qu'elle conserve en raison des conditions tarifaires qu'elle a consenties, lesquelles excluent le remboursement du billet, doit être regardée comme correspondant à une indemnité non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée réparant le préjudice qui lui serait causé par la renonciation du client à exécuter le voyage ; qu'elle soutient également que cette somme ne peut être regardée comme la contrepartie d'une prestation de transport dès lors que le client n'a pas effectué le voyage correspondant au billet qu'il avait acheté et qu'en conséquence, il n'y pas eu de fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, en l'absence de réalisation de la prestation de transport ;

5. Considérant que le ministre soutient que les dispositions précitées, selon lesquelles le fait générateur de la taxe intervient au moment où la prestation de services est effectuée, n'impliquent pas l'exécution effective et matérielle de cette prestation au bénéfice du client mais doivent être interprétées en ce sens qu'elles permettent de regarder une prestation de transport comme effectuée dès le moment où le client acquiert, moyennant le paiement du prix convenu, un droit à son transport, par l'engagement souscrit par le prestataire lors de la conclusion du contrat de mettre à sa disposition, à travers le titre de transport, les moyens nécessaires à l'exécution du service, indépendamment de leur utilisation par l'acheteur ; qu'il invoque notamment à l'appui de son argumentation une interprétation commune des Etats membres, formulée dans le compte rendu de la 99ème réunion qu'a tenue le 3 juillet 2013 le comité de la taxe sur la valeur ajoutée, selon laquelle, lorsqu'un client paie le prix du billet mais ne prend pas son vol sans annuler la réservation, le prix payé par le client et retenu par la compagnie aérienne ne peut être qualifié de garantie retenue en compensation d'une perte, mais doit être regardé comme la contrepartie d'une prestation de services de la compagnie aérienne qui est, à ce titre, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;

6. Considérant qu'il y a lieu de rechercher une application uniforme au sein de l'Union européenne des règles d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de services ; qu'il convient donc de déterminer, avant de statuer sur le pourvoi formé par la société Air France-KLM, si les dispositions précitées de la sixième directive doivent être interprétées en ce sens que la délivrance du billet peut être assimilée à l'exécution effective de la prestation de transport et si ces dispositions impliquent que les sommes conservées par une compagnie aérienne lorsque le titulaire du billet d'avion n'a pas utilisé son billet et que celui-ci est devenu périmé sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il convient également de déterminer si, dans le cas où la réponse à cette question est affirmative, la taxe collectée doit être reversée au Trésor dès l'encaissement du prix, alors même que le voyage peut ne pas avoir lieu du fait du client ;

7. Considérant que ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elles présentent une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le pourvoi de la société Air France KLM ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de la société Air France-KLM jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :

- les dispositions des articles 2§1 et 10§2 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 doivent-elles être interprétées en ce sens que la délivrance du billet peut être assimilée à l'exécution effective de la prestation de transport et que les sommes conservées par une compagnie aérienne lorsque le titulaire du billet d'avion n'a pas utilisé son billet et que celui-ci est devenu périmé sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée '

- dans cette hypothèse, la taxe collectée doit-elle être reversée au Trésor dès l'encaissement du prix, alors même que le voyage peut ne pas avoir lieu du fait du client '

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Air France-KLM, au ministre des finances et des comptes publics et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.

Copie en sera adressée, pour information, au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 365172
Date de la décision : 21/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2014, n° 365172
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:365172.20140521
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