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07/05/2014 | FRANCE | N°359781

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 07 mai 2014, 359781


Vu le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, enregistré le 29 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10PA03753 du 22 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête présentée par Mme B...A..., a annulé le jugement n° 0708056/2 du 7 juin 2010 du tribunal administratif de Paris et accordé à l'intéressée une réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2003 en cons

équence de la taxation erronée de la somme de 48 197 euros ;

Vu les ...

Vu le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, enregistré le 29 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10PA03753 du 22 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête présentée par Mme B...A..., a annulé le jugement n° 0708056/2 du 7 juin 2010 du tribunal administratif de Paris et accordé à l'intéressée une réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2003 en conséquence de la taxation erronée de la somme de 48 197 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de l'année 2003, la société Avenir Entretien, après avoir renoncé à l'acquisition, prévue dans un protocole d'accord du 12 novembre 2002, de la totalité du capital de la société Entreprise GuyA..., a versé aux actionnaires de cette société, dont Mme B...A..., la somme de 1 000 000 euros ; que Mme A...a personnellement reçu la somme de 48 197 euros correspondant au pourcentage de sa participation dans la société Entreprise Guy A...; qu'après avoir déclaré cette somme en tant que gain sur cession de valeurs mobilières taxable au taux proportionnel, Mme A...a demandé la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de cette déclaration ; que le ministre délégué, chargé du budget se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête présentée par Mme A..., a annulé le jugement du 7 juin 2010 du tribunal administratif de Paris et accordé à l'intéressée la réduction des impositions qui lui ont été assignées au titre de l'année 2003 en tant qu'elles correspondent à l'imposition de la somme reçue de la société Avenir Entretien ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la qualification de plus-value de cession de titres initialement déclarée a été ultérieurement abandonnée par la contribuable analysant désormais la somme en litige comme des dommages-intérêts non imposables à l'impôt sur le revenu ; que, par ailleurs, le tribunal administratif de Paris a, dans son jugement du 7 juin 2010, fait droit à la demande de substitution de base légale qui lui a été présentée par l'administration fiscale tendant à ce que cette somme soit regardée comme une indemnité d'immobilisation imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ; que, dès lors, en prononçant la réduction des impositions assignées à Mme A...au motif que la somme en litige ne relevait pas de la catégorie des bénéfices non commerciaux, la cour, qui n'était saisie d'aucun moyen de l'administration tendant à soutenir que cette somme devait s'analyser comme une plus-value de cession de valeurs mobilières, n'a pas insuffisamment motivé sa décision ;

3. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux les bénéfices des professions libérales (...) et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. (...) " ;

4. Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a relevé dans l'arrêt attaqué qu'en vertu d'une convention du 12 novembre 2002, les actionnaires de la société Entreprise Guy A...s'étaient engagés à céder à la société Avenir Entretien la totalité des actions de leur société ; que cet acte prévoyait notamment que le prix de vente, qui devait être payé en totalité le 15 mai 2003, serait définitivement évalué au 31 décembre 2002 en fonction de paramètres connus à cette date, en particulier le chiffre d'affaires définitif et le bénéfice consolidé de la société, et que le cessionnaire, à qui les comptes consolidés devaient être remis au plus tard le 31 mars 2003, bénéficierait d'un délai minimum de 45 jours pour effectuer son propre audit ; que l'article 5 de la convention accordait au cessionnaire un droit de rétractation, qu'il pouvait exercer, soit sans indemnité si l'audit pratiqué révélait une mauvaise gestion de la société ou de fausses informations données par les cédants sur des éléments essentiels, soit pour convenance personnelle moyennant le versement d'une indemnité de 1 250 000 euros ; que le cessionnaire a entendu user de son droit de rétractation sans toutefois pouvoir justifier de l'une des causes exonératoires du versement de l'indemnité ; que les parties ont alors conclu, le 4 février 2003, une transaction en exécution de laquelle le cessionnaire a versé aux cédants une indemnité de même montant, que les parties ont dénommée " prix de l'option " à hauteur de 1 000 000 euros, au bénéfice des actionnaires, et " dommages intérêts " pour le surplus, soit 250 000 euros, au bénéfice de la société Entreprise Guy A...;

5. Considérant qu'en analysant le protocole d'accord du 12 novembre 2002, qui stipule que la société Avenir Entretien " accepte " d'acquérir la totalité des actions de la société Entreprise Guy A...sous certaines conditions expressément mentionnées, comme une promesse synallagmatique d'achat et de vente assortie d'une faculté de rétractation en faveur du cessionnaire, la cour a souverainement apprécié les stipulations de cette convention, sans les dénaturer ; qu'en jugeant ensuite, par une décision suffisamment motivée et après avoir porté une appréciation souveraine exempte de dénaturation sur les conditions dans lesquelles la société Avenir Entretien avait renoncé, sans justification, à l'acquisition du capital de la société Entreprise Guy A...et avait accepté de verser l'indemnité litigieuse aux actionnaires de cette société, que cette indemnité, versée par la société cessionnaire en compensation du préjudice subi par les cédants du fait de la rupture de l'accord ainsi conclu, ne pouvait être regardée, contrairement à ce que soutenait le ministre, comme une indemnité d'immobilisation susceptible d'être imposée sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ni comme un autre revenu entrant dans le champ de cet article, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché sa décision d'une erreur de qualification juridique ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget, est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à MmeA....


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 359781
Date de la décision : 07/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - QUESTIONS COMMUNES - INDEMNITÉ DE DÉDIT OU DE RÉTRACTATION PRÉVUE PAR UNE PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE - INDEMNITÉ COMPENSANT UN PRÉJUDICE - EXISTENCE - CARACTÈRE IMPOSABLE - ABSENCE.

19-04-01-01-03 L'indemnité de dédit ou de rétractation prévue par une promesse synallagmatique de vente compense le préjudice subi par le cédant du fait de la rupture de l'accord ainsi conclu. Elle ne peut être regardée comme une indemnité d'immobilisation susceptible d'être imposée sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ni comme un autre revenu entrant dans le champ de cet article, et n'est par suite pas imposable.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - INDEMNITÉ DE DÉDIT OU DE RÉTRACTATION PRÉVUE PAR UNE PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE - INDEMNITÉ COMPENSANT UN PRÉJUDICE - EXISTENCE - CARACTÈRE IMPOSABLE - ABSENCE.

19-04-01-02-03 L'indemnité de dédit ou de rétractation prévue par une promesse synallagmatique de vente compense le préjudice subi par le cédant du fait de la rupture de l'accord ainsi conclu. Elle ne peut être regardée comme une indemnité d'immobilisation susceptible d'être imposée sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ni comme un autre revenu entrant dans le champ de cet article, et n'est par suite pas imposable.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2014, n° 359781
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:359781.20140507
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